Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Consécration épiscopale de Mgr Denis Jachiet et Mgr Thibault Verny

Vendredi 9 septembre 2016 - Notre-Dame de Paris

 Voir le compte-rendu.

(2 Timothée 1, 6-14 – Psaume 22 – Jean 10, 11-16).

Frères et Sœurs,

Je veux d’abord vous inviter tous à l’action de grâce pour la joie qui nous est donnée de vivre ensemble cette célébration et d’ouvrir notre année pastorale par ce temps fort de notre vie diocésaine. Au cours d’une année qui a été marquée par des épreuves fortes pour notre pays et pour notre Église, je vois comme une grâce particulière et une forte espérance le choix que notre Pape François a fait de Denis Jachiet et de Thibault Verny pour les associer au ministère apostolique d’une façon encore plus radicale et plus totale.

La grande diversité du diocèse de Paris, le volume important des initiatives pastorales et missionnaires de chacune des communautés particulières qui le composent, demandent que le ministère de l’évêque assure de façon plus proche la communion ecclésiale qui nous unit. Les départs de Jean-Yves Nahmias, de Michel Aupetit et de Renauld de Dinechin pour de nouvelles missions et l’usure inévitable de mes forces m’avaient conduit à demander au Pape le soutien de nouveaux évêques auxiliaires. Je le remercie vivement d’avoir répondu favorablement à ma demande.

À ces deux frères, Denis et Thibault, je veux d’abord dire ma confiance personnelle et la bienveillance de tous à leur endroit. Je veux aussi les inviter à vivre ce ministère exigeant dans la confiance et la paix. Ce n’est évidemment pas sans une certaine appréhension bien compréhensible que l’on reçoit la charge du ministère épiscopal. Mais cette appréhension, voire à certains moments cette crainte, pourrait devenir paralysante si nous ne vivions pas ce ministère dans la confiance radicale et absolue de la foi : notre foi en Celui qui nous y appelle, notre foi en l’Église qui nous transmet cet appel, notre foi en la grâce de l’Esprit-Saint qui nous consacre pour le service de l’Évangile.

1. « Le don gratuit de Dieu. »

Par l’imposition de nos mains et le don de l’Esprit qui l’accompagne, vous serez comblés d’un esprit qui n’est pas « un esprit de peur que Dieu vous donne, mais un esprit de force, d’amour et de pondération » (2 Timothée 1, 7). Ce sont cette force, cet amour et cette pondération qui vous rendront capables d’être vraiment des pasteurs selon le cœur du Christ. C’est de cette force dont vous aurez besoin pour soutenir ceux qui peinent et qui faiblissent. C’est cet amour qui vous pressera pour aller à la rencontre du Peuple de Dieu qui nous est confié, -et particulièrement à la rencontre des plus pauvres et des plus faibles. C’est de cette pondération qu’il vous faudra vous inspirer pour être vraiment des ministres de la communion et gérer les situations difficiles qui ne manquent jamais de se présenter.

En effet, l’évêque est envoyé à une Église particulière pour veiller à la manière dont elle participe à la mission universelle confiée par Jésus à ses apôtres. Il reçoit la mission de fortifier le Peuple de Dieu vivant dans son diocèse et de lui rappeler sans cesse que l’Église du Christ est vraiment fidèle à sa mission quand elle porte ses regards, son cœur et ses actions au-delà de ses limites visibles.

L’évêque est envoyé comme un signe sacramentel de la place de l’Église locale dans la communion universelle de l’Église, pour arracher chacune des communautés qui constituent le diocèse à la tentation de se croire l’Église à elle toute seule. De même que le prêtre préside la célébration eucharistique en étant le témoin d’un don qui vient d’en-haut, l’évêque préside à la vie du diocèse, en étant le témoin de la mission confiée par Jésus à ses disciples. Par la célébration des sacrements avec les prêtres et les diacres, il nourrit toute la communauté de la Parole de Dieu et du Pain de Vie.

L’autorité qu’il doit exercer n’est jamais une domination, mais toujours un service. Dans l’exercice de sa responsabilité, il s’appuie sur la grâce de la communion pour relancer sans relâche le dynamisme missionnaire, en respectant les cultures différentes et les histoires particulières et en appréciant leurs richesses. Son appartenance au collège apostolique fait de lui un garant de la communion ecclésiale au sein de son diocèse et avec tous les diocèses du monde à travers l’espace et le temps, dans l’unité du Corps du Christ dont l’amour veut être « tout en tous ».

2. « Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. »

C’est dire combien ce ministère est différent d’une simple responsabilité administrative qui pourrait s’exercer sans que la vie de son titulaire en soit affectée. L’onction sainte que vous allez recevoir vous conformera, une fois encore, à la personnalité et à la mission du Christ-Serviteur pour partager avec lui la joie de l’annonce de l’évangile, pour partager aussi l’offrande qu’il fait de sa vie pour le salut et la vie du monde.

Que votre ministère épiscopal soit fortifié par la joie apostolique dont Jésus lui-même a été saisi quand il disait à ses disciples : « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux. À l’instant même, il exulta de l’Esprit Saint et il dit : ‘Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits.’ » (Luc 10, 20-21). Nous sommes appelés à nous réjouir des merveilles que Dieu accomplit dans la vie de celles et de ceux qui suivent le Christ. À l’exemple de la Vierge Marie, nous chantons chaque jour notre action de grâce pour ce qui nous est donné à voir des fruits de l’Esprit.

Mais notre joie n’est pas un optimisme béat qui nous rendrait aveugles aux drames de l’existence humaine. Si nous ne perdons pas courage dans les épreuves, si nous voulons être inlassablement des artisans de la paix, c’est parce que nous sommes convaincus que notre vie repose en Dieu. C’est notre foi en Dieu qui nous retient de nous enfermer dans une vision manichéenne et politique du monde. C’est notre foi qui produit en nous l’assurance, la sérénité et la pondération à laquelle Paul invite Timothée.

Appelés à être des témoins de la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ, nous ne pouvons donner un meilleur signe de notre foi que celui de l’abandon et de l’offrande de notre propre vie. Nous savons que le serviteur n’est pas au-dessus du maître et que le Maître nous appelle sur le chemin où lui-même s’est engagé. Comme il donne sa vie pour ses brebis, nous sommes appelés nous aussi à donner notre vie pour la part du troupeau qui nous est confiée. Comme lui, nous avons d’autres brebis qui ne sont pas encore entrées dans l’enclos de notre troupeau. Pour elles aussi, nous donnons notre vie.

3. La mission de l’Église.

Nous n’avons pas honte du témoignage que nous rendons à notre Seigneur, au contraire. Nous sommes résolus à prendre notre « part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. » Plus encore, nous sommes envoyés pour appeler les membres de notre Église à prendre leur part de cette mission.

Comme tous les baptisés, les catholiques de Paris ont besoin d’être sans cesse exhortés et encouragés à vivre leur mission de chrétiens dans le monde. Ils sont appelés à rendre témoignage à l’Évangile dans tous les domaines de leur existence. Celles et ceux que Dieu met sur notre route, nous les rencontrons chaque jour dans notre vie en société : au travail, dans les loisirs, dans les activités associatives, sociales et politiques, dans la vie familiale, dans les associations de parents, dans notre environnement proche, etc.

C’est là que nous avons à rendre témoignage au Christ par la qualité évangélique de notre manière de vivre comme par notre disponibilité à nous déclarer disciples du Christ, membres de son Église. Cet appel, nous y répondons par la force de l’Esprit-Saint, force que vous donnerez largement par le sacrement de la confirmation. C’est cet Esprit qui nous pousse à sortir du confort de nos communautés pour aller à la rencontre de l’humanité. L’Évangile ne s’annonce pas dans les sacristies, il s’annonce sur les lieux de vie de l’humanité. Vous défendrez vos communautés de la tentation d’épuiser les forces disponibles pour faire fonctionner nos services particuliers. Vous appellerez les chrétiens les plus dynamiques pour la mission en plein vent.

C’est dans la confiance en la miséricorde de Dieu et en sa puissance que nous allons vous confier, vous et votre ministère, à la grâce de l’Esprit-Saint. Qu’il vous remplisse des dons de la force de Dieu et qu’il vous donne la joie des bons serviteurs.

« La joie du Seigneur est votre force. » (Néhémie 8, 10)

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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