Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe d’ordination de cinq diacres permanents à ND – Fête de St Denis et de ses compagnons

Samedi 8 octobre 2016 - Notre-Dame de Paris

L’Église est envoyée par le Christ pour accompagner les hommes au long de l’histoire. Chacun y prend sa part. Les ministères expriment une diversité d’engagements dans cette mission. Le diaconat représente sacramentellement un aspect du don du Christ pour la mission de l’Église. Les diacres permanents de Paris exercent leur ministère dans le cadre du programme missionnaire diocésain : Annoncer, Partager, Transmettre. Ils témoignent de l’évangile au milieu des hommes dans la fécondité du sacrement de mariage.

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 Is 52,7-10 ; Ps 95 ; Jn 10,11-15

Frères et Sœurs, chers amis,

Une tradition historique ancienne identifie les deux compagnons de saint Denis, Rustique et Eleuthère comme un prêtre et un diacre, comme si en distribuant ces trois degrés du sacrement de l’ordre, entre les trois personnages fondateurs de notre Église, elle voulait manifester la diversité des services par lesquels l’Église du Christ poursuit la mission pastorale dont Jésus était investie et qui vient de nous être rappelée à travers l’évangile de saint Jean.

En effet, c’est toute l’Église qui est envoyée pour donner sa vie, pour accompagner les hommes au long de l’histoire de l’humanité. Mais dans ce corps uni de l’Église, chacune et chacun prend sa part de la mission pastorale selon des formes différentes et des degrés variés. En instituant un ministère spécifique à l’intérieur de la mission de l’Église, le Christ a voulu manifester comment le don qu’il fait personnellement de sa vie doit être signifié dans la relation qui unit l’Église aux hommes. Il ne s’agit pas d’un travail mercenaire. Le travail mercenaire, nous en connaissons l’existence, nous en avons l’expérience, nous savons qu’il est régi et défini par des règles économiques et sociales qui attribuent un salaire, des gratifications et des droits en fonction des devoirs qu’il implique. Telle n’est pas la manière dont se définit le ministère de l’Église. Elle n’attend aucune rétribution du monde. Ceux et celles qui servent dans le ministère pastoral de l’Église savent que ce n’est pas un chemin de carrière. On n’y entre pas pour progresser dans l’échelle de la hiérarchie, ni pour acquérir des titres à la reconnaissance de tous. Le bon pasteur, le vrai pasteur, n’est pas celui qui travaille en fonction de ce qu’il gagne, mais c’est celui qui travaille en fonction de ce qu’il peut faire au maximum de ses possibilités. Le ministère ordonné représente sacramentellement ce don du Christ pour la mission de l’Église. C’est à ce ministère que je vais vous ordonner maintenant par l’imposition des mains et l’invocation de l’Esprit Saint, pour que vous teniez votre place dans le ministère que je dois exercer pour le diocèse de Paris. Comme les diacres qui m’entourent ce matin, vous serez associés à ce ministère en fonction de vos possibilités et de vos moyens.

Ce ministère, vous l’exercerez dans Église vivante, engagée dans un programme missionnaire pour les trois années que nous vivons, 2015 à 2018 : Annoncer, Partager, Transmettre. C’est donc dans le cadre de ce programme missionnaire que vous apporterez votre contribution spécifique d’annoncer, de partager et de transmettre.

Ordonnés pour proclamer l’Évangile, évidemment dans le cadre de la liturgie, mais plus largement dans toutes les activités de l’Église. Vous êtes envoyés pour annoncer la bonne nouvelle, et pour partager la joie de Jérusalem devant les pas de celui qui porte la paix, la bonne nouvelle, le salut. Avant donc d’être une contrainte et une sorte d’exigence extérieure à vous-mêmes, cette annonce de la bonne nouvelle est la source de votre joie, comme elle est la source de la joie de toute l’Église.

Partager, c’est-à-dire devenir les intendants du partage auquel l’Église s’engage dans sa relation avec le monde. En annonçant la bonne nouvelle, l’Église partage la richesse qu’elle a reçue de la révélation divine et elle manifeste cette volonté de partage non seulement par l’annonce de la parole de Dieu, mais encore par la solidarité concrète avec les plus délaissés et les plus misérables de notre société.

Le diaconat est ordonné avant tout au service. Cela a même été la première motivation pour laquelle les apôtres ont choisi sept hommes pour leur imposer les mains afin qu’ils s’engagent au service des tables et soulagent les apôtres eux-mêmes. Cela veut dire que les diacres -chacun selon son état de vie et ses possibilités, ses disponibilités- sont appelés en priorité à partager ce ministère de l’Église, d’être visiblement l’engagement du Christ au service des pauvres. C’est pourquoi parmi les missions que je confie aux diacres dans le diocèse de Paris, un certain nombre sont particulièrement orientés vers le service des pauvres, vers la solidarité et vers le signe que l’Église veut donner de sa présence dans ce domaine si sensible.

Transmettre enfin, c’est-à-dire exprimer que ce que nous avons reçu et ce dont nous vivons, n’est pas réservé à notre génération. Vous l’exprimez par votre mariage, votre vie de famille, votre responsabilité d’époux et de parent, et par votre ordination, vous êtes envoyés aussi pour être témoins que cette mission d’époux et de parent est indissociable de la responsabilité de transmettre à la génération qui suit les biens reçus. C’est pourquoi, un certain nombre des diacres du diocèse sont engagés particulièrement dans le domaine de l’accompagnement des éducateurs.

Annoncer, partager transmettre, c’est la mission de notre Église. C’est la mission de toute l’Église mais ce sont les thèmes symboliques que j’ai choisis pour appliquer cette mission de l’Église universelle à notre diocèse dans les trois années que nous vivons. C’est dans le cadre de cette mission que vous allez être ordonnés diacres et que je vais vous envoyer pour des missions particulières dont aucune, évidemment, n’épuise la totalité du programme mais dont chacune est une expression de l’implication forte de l’Église dans l’action qu’elle mène. L’histoire de vos existences vous a mêlés de toutes sortes de façons à la vie de la société, que ce soit par l’exercice de votre profession, par les relations sociales qui découlent de la vie familiale, par vos engagements au service des uns ou des autres…

De toutes sortes de façons, vous avez été et vous êtes témoins de l’Évangile dans le monde de ce temps. Mais, l’ordination fait de vous un témoin particulier. Je suis toujours heureusement surpris et sensible à la considération que des personnes qui vous connaissent, qui ont pu être vos collègues de travail ou vos relations, peuvent apporter à cette marque particulière qu’est l’ordination. Ils ont conscience que, par cette ordination, votre vie chrétienne, votre vie baptismale, prend une dimension particulière. Ils ont conscience que l’Église, à travers cette ordination, s’engage d’une manière particulière dans le tissu de la vie publique, sociale, économique, politique ou associative. Cette mission d’être témoin ordonné de la présence de l’Église au milieu des hommes, est indissociable de votre engagement dans le mariage. Elle ne peut s’accomplir que, non seulement avec la bienveillante tolérance de vos épouses, mais avec leur complicité ! En effet, comme il arrive souvent dans la vie d’une famille, ce qui touche l’un des membres se répercute sur tous les autres, peu ou prou, mais de façon incontournable ! C’est donc à une sorte de fécondité et d’épanouissement du sacrement de mariage que vous vous engagez par l’ordination diaconale.

Ainsi, chers amis, la joie de l’Église en vous accueillant comme diacres, s’augmente de la joie de développer et de diffuser sa capacité de présence et d’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui. Elle s’augmente de la joie que vous pourrez éprouver à annoncer l’Évangile : « les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut et vient dire à Sion : “il règne ton Dieu !” » (Is 52, 7).

Que le Seigneur vous aide à accomplir ce ministère dans la joie et dans la paix.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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