Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe en mémoire de Mgr Michel Coloni, archevêque émérite de Dijon, ancien évêque auxiliaire de Paris

Vendredi 14 octobre 2016 - Notre-Dame de Paris

Mot d’ouverture du cardinal André Vingt-Trois

Frères et Sœurs,

Nous sommes réunis autour des sœurs et de la famille de Mgr Michel Coloni qui est décédé pendant l’été et qui a été enterré à Dijon. Nous voulons faire mémoire de sa vie, de son ministère, pour rendre grâce de ces longues années au cours desquelles il a servi dans le diocèse de Paris, très longtemps auprès des jeunes, auprès des éducateurs, auprès des universitaires, puis comme vicaire général du cardinal Lustiger avant de devenir évêque puis archevêque de Dijon. Je suis heureux de saluer le vicaire général de Dijon qui est venu participer à notre célébration.

Beaucoup d’entre nous ont bien connu Mgr Coloni. Ils comprennent qu’il serait difficile de faire un éloge funèbre sans le faire se retourner dans sa tombe ! Nous avons tous en mémoire l’acuité de son attention, la finesse de sa présence, la fidélité de ses relations, la délicatesse avec laquelle il était capable de rappeler l’appel du Christ dans toutes les situations et d’accompagner celles et ceux qui voulaient suivre le Christ, non seulement sur les chemins des pèlerinages en Terre Sainte ou à Chartres, mais encore dans leur vie quotidienne.

Nous rendons grâce pour ces années où nous avons bénéficié de son ministère, nous rendons grâce surtout, peut-être, - et c’est le plus important - pour les fruits cachés, que nous ne connaissons pas, ce qu’il a fait de beau, de grand, et de fort auprès de tant de personnes dans la discrétion qui était la caractéristique de sa manière d’être.

Il n’y avait pas, évidemment, de lieu plus adapté pour rendre cet hommage à Mgr Coloni que la cathédrale Notre-Dame qui a été au centre de sa vie sacerdotale. Il avait pour elle un attachement très profond qui le conduisait jusqu’à la toute dernière année à venir participer ici aux offices de la Semaine sainte et à se replonger dans ses racines parisiennes après avoir humé quelques années les vapeurs de la Bourgogne !

Homélie du cardinal André Vingt-Trois

 Ep 1,11-14 ; Ps 32, 1-2.4-5.12-13 ; Lc 12,1-7
 Année C

La méditation à laquelle Paul nous invite dans l’épître aux Éphésiens est une bonne lecture pour les moments de rupture dans l’existence, car elle nous aide à comprendre comment, dans la discontinuité des événements, jusque dans ce qu’ils ont d’irrémédiables, s’accomplit quelque chose qui échappe encore à notre regard. En effet, ce qui survient dans la vie des disciples de Jésus ne peut jamais être considéré comme privé de sens. C’est le dessein éternel du Père qui accomplit ce qu’il a résolu depuis les origines, c’est cette volonté qui est en lui de conduire l’humanité à la dignité de sa famille, qui lui permet à travers des événements qui nous échappent de construire une histoire qui n’est pas simplement la chronique de nos jours mais qui est le développement de son histoire d’amour telle qu’elle s’accomplit dans l’alliance.

C’est à la lumière de cet amour initial auquel Paul attribue la capacité d’anticiper et de choisir par avance de nous conduire à la béatitude, c’est la connaissance de cet amour qui éclaire notre façon de comprendre ce que nous vivons. Ainsi, même les événements qui nous paraissent difficiles à admettre ou insensés, nous savons qu’ils ont leur place et leur sens dans une logique qui n’est plus seulement la nôtre et à laquelle nous devons nous rattacher avec confiance parce qu’elle est la logique de l’amour de Dieu.

Nous devons en convenir, ce regard de foi sur les événements de notre vie n’est ni spontané ni facile, il n’efface pas les souffrances, il ne dissipe pas les incompréhensions mais il nous donne une clef. Il nous fait comprendre ce qu’il y a vraiment à craindre comme dit l’évangile de Luc. Ce qui est à craindre, ce n’est pas ce que tout le monde pense ! Ce ne sont pas les dangers que l’on peut courir parce que l’on fait telle ou telle chose, ce ne sont pas les risques que l’on prend parce que l’on se dévoile comme disciple du Christ - de toute façon tout cela apparaît inévitablement à travers notre comportement… Ce que nous devons craindre, c’est de perdre cette clef d’interprétation de l’histoire du monde. « Est-ce que l’on ne vend pas cinq moineaux pour deux sous ? Et à plus forte raison les cheveux de votre tête sont tous comptés » (Lc 12,6-7). Cette confiance radicale dans l’amour permanent de Dieu pour l’humanité, dans la puissance de sa miséricorde qui relève les hommes à la façon dont il l’a manifesté à travers l’histoire d’Israël, ce zèle qui pousse le berger qui a perdu sa brebis, la femme qui a perdu sa pièce, à chercher fébrilement dans tous les sens comment ils vont les retrouver, tout cela ouvre pour nous un regard sur l’anxiété du père qui a perdu son fils.

Rendons grâce à Dieu qui nous associe à cette recherche permanente en faisant de nous les disciples de son Fils. Rendons grâce à Dieu qui nous a choisis dès avant la création du monde et qui nous conduit en fonction de ce choix. Rendons grâce à Dieu qui a mis en nous l’Esprit Saint pour que nous puissions répondre à ce don d’amour.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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