Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à St Pierre du Gros-Caillou – 1er dimanche de l’Avent – Année A

Dimanche 27 novembre 2016 - Saint-Pierre du Gros-Caillou (Paris VIIe)

Entre la naissance du Christ et son retour glorieux s’écoule le temps et l’histoire des hommes durant laquelle celui-ci continue de demeurer présent. Le temps de l’Avent nous le rappelle et c’est une invitation à la conversion et à demeurer vigilants. Les diverses activités d’une paroisse constituent des lieux et des temps de rencontre du Christ. La vie sacramentelle y tient une place particulière. L’Avent est l’occasion favorable pour stimuler nos désirs d’accueillir l’irruption imprévue du Christ dans nos vies.

 Is 2,1-5 ; Ps 121, 1-9 ; Rm 13,11-14 ; Mt 24,37-44

Frères et Sœurs,

Saint Paul nous dit : « c’est le moment, l’heure est venue de sortir de notre sommeil » (Rm 13,11). Au moment où nous nous préparons à célébrer la venue du Fils de Dieu dans la chair, nous vivons entre les deux venues du Christ : sa venue à Bethléem que nous célébrerons le 25 décembre et qui est bien située dans le passé, et puis sa venue à la fin des temps, au jour que nous ne connaissons pas, car nous ne connaissons ni le jour ni l’heure. Entre ces deux venues du Christ, celle de Bethléem et celle de la fin des temps, l’histoire des hommes qui s’écoule au long des siècles ne reste ni muette et ni dans l’absence du Christ, car le Christ vient chaque jour visiter l’humanité, il vient chaque jour visiter son peuple, il vient chaque jour nous visiter.

C’est pourquoi, chaque jour que nous vivons, comme saint Paul nous le dit, est le moment propice, c’est le moment où nous sommes invités à sortir de notre sommeil pour nous préparer à la venue du Christ. C’est le moment pour l’Église tout entière, au cœur de l’humanité, d’annoncer l’espérance de sa venue. C’est le moment, au milieu des drames qui parcourent le monde, des violences et des combats qui blessent tant d’hommes et de femmes à travers le monde, au moment où nos frères des Églises d’Orient en Irak et en Syrie sont soumis à une pression insupportable, où des peuples entiers se jettent les uns contre les autres. Ces moments-là ne sont pas des moments où le Christ est absent, ce sont des moments où il manifeste sa venue d’une façon particulière que notre foi nous invite et nous permet de reconnaître et de vivre dans la confiance et l’espérance.

C’est le moment pour chaque peuple de la terre de prendre conscience qu’il y a, au-dessus de nous, envers nous, une volonté d’amour et de salut qui se manifeste à travers les siècles. C’est le moment où ceux qui croient en Dieu et en son Fils Jésus-Christ, peuvent donner le témoignage de la confiance qu’ils mettent en cet amour de Dieu. C’est le moment où nous devons manifester par notre manière de vivre que nous ne sommes pas écrasés ou terrifiés par ce qui arrive mais que nous sommes fortifiés par la présence de Dieu pour affronter les difficultés de l’existence humaine avec confiance et sérénité. C’est le moment pour les peuples, c’est le moment aussi pour chacun d’entre nous. Pour nous aussi, le Christ vient aujourd’hui, maintenant. Pour nous aussi, ce jour que nous vivons, pour chacun et chacune d’entre nous, est le jour de nous éveiller, de nous relever de notre indifférence, de nos faiblesses, de nos erreurs, de notre insouciance. Nous ne sommes pas sur la terre pour vivre dans une espèce d’indifférence qui regarderait défiler les jours sans jamais y reconnaître un appel à vivre d’une manière nouvelle. Pour chacun et pour chacune d’entre nous, le jour que nous vivons, et aujourd’hui ce premier jour de l’Avent, c’est le jour de l’appel à nous réveiller et à nous convertir.

Nous en faisons tous l’expérience, nous avons une aptitude particulière à repousser toujours, vers un horizon qui s’éloigne, le moment décisif de changer notre vie, comme si nous étions garantis d’avoir devant nous, non seulement une journée, une semaine, un mois, une année, mais des siècles qui seraient à notre disposition pour nous permettre de nous reposer paisiblement en attendant que tourne la roue de l’histoire et qu’arrive la fin du monde. La fin du monde, ce peut être maintenant, ce peut être ce soir, ce peut être demain ! La fin du monde, c’est aujourd’hui ! Le jour de la grâce, c’est aujourd’hui, le jour où nous sommes invités à nous réveiller et à nous mettre en marche.

C’est pourquoi, comme l’évangile de saint Matthieu nous le dit, le Christ invite ses disciples à vivre dans la vigilance, c’est-à-dire à être attentifs, éveillés et sensibles à la nature des événements, au message que ces événements formulent à notre égard, aux appels que recèlent ces événements, et que notre foi et l’Église dans laquelle nous vivons cette foi, nous permettent de discerner et nous aident à y répondre.

Tout à l’heure ont été évoquées les nombreuses initiatives par lesquelles votre communauté essaye de faire face à la situation dans laquelle vous vivez : l’implication et l’engagement de beaucoup d’entre vous dans des activités repérées et bien définies de solidarité, d’accompagnement, de mission à travers les cellules missionnaires, et aussi les nombreux membres de votre communauté qui se sont proposés pour devenir adorateurs, c’est-à-dire pour engager leur temps dans la relation privilégiée à la présence du Christ dans notre vie et dans l’histoire des hommes. Cette diversité et cette multitude d’engagements et d’initiatives appellent évidemment la présence, l’action et la force de personnes disposées à les organiser, à les développer, à les réguler, bref, des responsables comme il en est dans le conseil pastoral mais plus largement des hommes et des femmes qui prennent en charge telle ou telle activité. Vous avez fait appel à moi pour vous envoyer des prêtres disponibles, non pas que les prêtres qui sont ici ne soient pas disponibles ! Mais c’était une disponibilité beaucoup plus large que vous évoquiez ! J’enverrais volontiers des prêtres disponibles, mais comme vous le savez, la caractéristique des prêtres, c’est qu’ils sont issus des laïcs ! Cela veut dire que je dispose d’autant plus de moyens d’envoyer des prêtres dans les communautés particulières, que chacune de ces communautés prend à cœur d’envoyer des hommes pour devenir prêtres. Si je n’ai pas de candidats, si je n’ai pas de nouveaux prêtres, je n’ai pas de prêtre disponible. Je me réjouis de voir que dans votre paroisse un groupe important de jeunes soient présents. Je ne doute pas que certains parmi eux puissent se poser la question de savoir s’ils sont appelés, non pas simplement au service ponctuel de la liturgie, mais plus largement au service de l’Évangile et de l’Église en se proposant pour devenir prêtres. Je ne doute pas que, s’il en est, ils seront encouragés et soutenus par leurs familles et par toute la communauté chrétienne.

C’est pour nous une question de vie ou de mort. La possibilité pour nous de célébrer les sacrements de l’Église, de mettre en œuvre notre certitude que les circonstances de notre vie sont des occasions exceptionnelles de rencontrer le Christ et d’entrer dans une vie de renouveau, cette opportunité ne peut pas être menée à bien si nous n’avons plus la possibilité de célébrer les sacrements. C’est pourquoi, non seulement je fais appel pour que des jeunes hommes se lèvent et se présentent pour devenir prêtres, mais aussi en pensant à toutes les paroisses du diocèse dont beaucoup vivent des situations plus critiques que la vôtre. Elles ont besoin du soutien que vous accordez généreusement quand on fait appel à votre soutien financier pour des équipements, mais elles ont surtout besoin de votre soutien spirituel auquel vous vous engagez par la prière et du soutien de vos encouragements par les signes que vous donnez de la vitalité de la mission de l’Église.

Le Christ nous invite à veiller : veillez donc car vous ne savez ni le jour, ni l’heure, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient. Nous ne savons pas quel sera le jour de son retour mais nous savons qu’aujourd’hui, comme chaque jour de l’histoire des hommes, il vient et il nous appelle. « Tenez-vous prêts, vous aussi : car c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra » (Mt 24,34). L’irruption du Christ dans la vie de quelqu’un a toujours un côté inattendu et improbable. C’est pour répondre à l’inattendu et à l’improbable que nous devons être en état de veille et de vigilance.

Peut-être, pourrions-nous pendant ce temps de l’Avent, aiguiser nos facultés de vigilance et d’attention, en nous demandant par exemple, comment au cours de chacune de nos journées, nous consacrons le minimum de temps nécessaire pour nous mettre en disposition d’accueillir la venue du Christ ? Combien de temps sommes-nous capables de consacrer à la prière ? Non pas qu’il soit nécessaire que ce temps soit très long, il est nécessaire surtout qu’il existe ! Sommes-nous capables de faire cet acte de foi : viens Seigneur Jésus, ton serviteur écoute, ton serviteur est prêt à te répondre ? Combien dans une semaine, consacrons-nous de temps à méditer telle ou telle phrase de l’Écriture que nous avons entendue à la messe le dimanche ou que nous lisons dans l’évangile, ou que nous portons dans la mémoire de notre cœur ? Comment assurons-nous avec fidélité notre mission ecclésiale de célébrer le Seigneur en participant à l’eucharistie dominicale ? Comment mettons-nous en action les œuvres de miséricorde par lesquelles la présence du Christ est rendue manifeste à tous ?

Frères et sœurs, aujourd’hui, c’est le Jour du Seigneur, aujourd’hui, c’est le moment favorable, aujourd’hui il faut nous éveiller !

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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