Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe d’ordination de 10 diacres permanents à Notre-Dame de Paris – Fête de St Denis et de ses compagnons

Samedi 7 octobre 2017 - Notre-Dame de Paris

Faire mémoire de la première annonce de l’Évangile à Paris est source de joie car la bonne nouvelle vient éclairer les ténèbres de l’humanité. Le Christ a associé des hommes à sa mission. Son Esprit la garantit par l’ordination. Les diacres sont signes de l’orientation pastorale de l’Église à l’égard des plus pauvres. Ils sont configurés au Christ serviteur. Ils sont source de joie pour l’Église.

 Is 52,7-10 ; Ps 95 ; Jn 10,11-15
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Frères et Sœurs,

En voyant à l’instant l’évangéliaire traverser notre assemblée, accompagné du collège des diacres portant leur lumière allumée, je pensais que nous vivions une parabole très riche de la manière dont la parole de Dieu atteint la communauté chrétienne et lui est confiée pour qu’elle puisse toucher tous les hommes, et comment le ministère du diacre comporte une participation active à cette annonce de la parole de Dieu dans l’assemblée, et au-delà de l’assemblée, à l’annonce de la parole de Dieu à l’humanité.

En faisant mémoire des saints Denis, Rustique et Eleuthère, nous faisons mémoire de la première annonce de l’Évangile dans notre cité. Si cette cité n’avait sans doute pas grand-chose de comparable avec notre ville du XXIe siècle, elle avait cependant une caractéristique commune avec nous, c’était l’attente de la bonne nouvelle du salut, attente inconnue jusqu’à ce que l’annonce de la résurrection du Christ révèle au cœur des hommes ce qu’ils attendaient sans le connaître et ce qu’ils étaient invités à accueillir. Cette annonce de la bonne nouvelle du salut est une source de joie incomparable, comme nous le disait tout à l’heure la lecture du livre d’Isaïe. C’est une joie incomparable parce que c’est une lumière qui traverse les ténèbres de l’humanité, c’est une espérance qui rejoint le cœur des hommes, c’est un fruit du don de l’Esprit à tous ceux qui sont envoyés pour annoncer la bonne nouvelle.

Nous partageons cette joie en faisant mémoire de nos fondateurs, nous la partageons dans l’action de grâce parce que nous reconnaissons que nous avons été atteints par cette bonne nouvelle, qu’elle nous a touchés, qu’elle a bouleversé nos vies et qu’elle nous a entraînés dans un chemin auquel nous ne pensions pas. Nous partageons cette joie parce qu’elle nous a fait découvrir comment la parole du Christ rassemble un peuple particulier au milieu des nations et nous fait entrer dans la relation avec les frères et les sœurs que Dieu nous donne, dans une fraternité à laquelle notre société ne peut pas prétendre d’après ses propres fonctionnements.
Cette joie nous habite parce que, non seulement nous bénéficions du don de la grâce, mais encore parce que le Christ a voulu associer son Église à la mission qui était la sienne, et l’envoyer à travers le monde pour partager cette bonne nouvelle aux hommes. Dans cette mission de l’annonce de la bonne nouvelle, le Christ a établi des ministères, c’est-à-dire des services, des missions définies, auxquelles il a appelé un certain nombre d’hommes pour être associés à sa propre mission d’une manière particulière. Cette manière particulière se traduit par le fait que, ce qu’ils font, ce qu’ils disent dans le cadre de cette mission n’est pas simplement le reflet de leur expérience, la transmission de leurs convictions, le témoignage de leur croyance, mais c’est une parole que Dieu adresse à l’humanité, et cette parole de Dieu est garantie par le don de l’Esprit qui leur est fait par l’imposition des mains et l’ordination.

C’est ainsi, chers amis, vous qui allez être ordonnés diacres, que par l’imposition de mes mains, et par l’appel du don de l’Esprit Saint, vous serez associés d’une façon particulière, publique et visible à l’annonce de l’Évangile et au ministère de l’Église. Cette participation publique et visible se manifeste dans le rôle qui vous est dévolu dans la célébration liturgique. Mais de même que pour l’assemblée eucharistique, la célébration liturgique est un signe de la réalité du Christ donné aux hommes et en même temps un signe de la mission confiée à ceux qui y participent pour en témoigner dans leur vie quotidienne, de même, votre participation liturgique visible et publique est un signe de votre participation à la mission pastorale de l’Église, telle que le Christ l’a définie dans sa propre pratique.

Cette mission pastorale de l’Église s’exprime dans les évangiles plus largement que dans les quelques versets de saint Jean que nous venons d’entendre. Mais ces versets la résument d’une façon saisissante : le bon pasteur, c’est celui qui connaît ses brebis et que ses brebis connaissent, et c’est celui qui donne sa vie pour ses brebis. Cette mission pastorale confiée à l’Église vise à faire de nous des chercheurs, des hommes et des femmes qui vont au-devant des autres pour les connaître et pour les aimer. Dans cette mission de l’Église, ceux qui sont chargés d’une mission particulière par l’ordination doivent d’une façon significative incarner ce mouvement de l’Église vers les hommes, si bien que l’annonce de l’Évangile, tel qu’il est symbolisé dans la liturgie, se concrétise et se développe dans la volonté délibérée et organisée de participer au service de l’Église pour les pauvres.

Le diaconat est un signe de cette orientation de la mission pastorale de l’Église. Il est un signe lui aussi public et connu. Tous les chrétiens cherchent à servir les autres, mais il est important non seulement pour l’Église mais pour l’humanité, que cette orientation dans le service des pauvres soit personnalisée à travers un ministère ordonné qui fait de ces actions, de ces initiatives, de ces démarches, plus que des actes de solidarité sociale, mais bien un signe de l’amour pastoral du Christ pour les hommes.

Ministère plongé dans la joie de l’Église, fruit de la joie de l’Église, aliment de la joie de l’Église, ministère de la proclamation de la bonne nouvelle, fruit de l’annonce de cette bonne nouvelle que nous avons reçue, acteur de la transmission de cette bonne nouvelle à tous nos contemporains, ce ministère nous plonge avec le Christ dans la mission du serviteur : serviteur de Dieu, celui que Dieu envoie pour être son serviteur parmi les hommes, celui qui accomplit le service de Dieu dans un service de l’humanité, celui qui manifeste que la toute-puissance de Dieu se dévoile dans l’humilité du serviteur et dans les actes de son service. Cette joie de l’Église, cette mission de l’Église, elles s’accomplissent dans le don radical que Jésus fait de sa vie : il nous a aimés jusqu’à donner sa vie pour nous, « je donne ma vie pour mes brebis ». Nous sommes associés à ce don total que Jésus fait de lui-même par notre baptême, par la plénitude des dons de l’Esprit que nous avons reçus.

Vous qui allez être ordonnés, vous y êtes associés d’une manière spéciale par le don de l’Esprit qui vous constitue comme ministres de ce service, comme figures du serviteur au milieu des hommes. C’est dire que la joie de l’Église dans laquelle nous baignons et que nous essayons de partager n’est pas la joie de la satisfaction de nous-mêmes. Elle est la joie de celui qui est pauvre et qui reçoit un don inespéré. Elle est la joie de celui qui est seul et qui entre dans une relation d’amour inespéré. Elle est la joie de ceux qui découvrent pratiquement jour après jour qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.

Chers amis, vous allez exercer votre ministère diaconal à travers des tâches très différentes, mais qui sont toutes rassemblées dans la volonté de se conformer à la figure du Christ serviteur, serviteur d’abord dans votre famille, dans vos relations familiales, serviteur dans vos aires d’activités sociales, professionnelles, serviteur au cœur de votre communauté chrétienne, serviteur avec toute l’Église de l’humanité qui nous entoure.

Que le Seigneur vous comble de sa joie quand il vous fera participer par le Christ ressuscité au don de vous-mêmes par amour de vos frères.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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