Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe des jeunes confirmés de l’année à ND - 1er Dimanche de l’Avent - Année B

Dimanche 3 décembre 2017 - Notre-Dame de Paris

Le temps de l’Avent nous rappelle le temps d’attente de la venue du Fils de Dieu parmi les hommes mais aussi que cette venue continue de s’accomplir. Dieu continue de venir en parlant aux hommes de multiples manières, mais toujours en respectant leur liberté. Être chrétien, c’est répondre par notre propre parole à la parole que Dieu nous adresse et que nous cherchons à reconnaître.

 Is 63,16-17.19 – 64,2-7 ; Ps 79 ; Col 1,3-9 ; Mc 13, 33-37

Frères et Sœurs, Chers amis,

Pendant les trois semaines qui viennent, nous allons nous préparer à célébrer la nativité du Christ, la venue du Fils de Dieu parmi les hommes. Ce temps de préparation, que l’on appelle l’avent, est un temps pour éveiller notre attention, pour ouvrir nos esprits et nos cœurs, pour ne pas manquer le passage du Christ. Il nous est peut-être arrivé quelquefois de penser : ah, si j’avais été à Bethléem, peut-être que je me serais retrouvé avec les bergers pour reconnaître le signe que Dieu donnait de sa présence, mais il ne me plairait pas d’imaginer que j’aurais été avec tous les autres habitants de Bethléem, inconscients de ce qui se passait : ils n’ont rien vu, ils n’ont rien entendu. Le Fils de Dieu venait parmi les hommes et seule, une poignée de bergers éveillés par les anges et propulsés vers l’endroit où il était né, était éveillée pour le reconnaître. Ce que la liturgie veut nous faire comprendre, c’est que cette venue du Fils de Dieu dans l’humanité, qui s’est accomplie à Bethléem à un moment de l’histoire, continue de s’accomplir. Jusqu’à la fin des temps le Seigneur vient. Il vient croiser les routes des hommes, il vient parler aux cœurs des hommes, il vient donner des signes de sa présence.

On demande parfois ce que cela veut dire que d’être chrétien. Qu’est-ce qu’il faut faire ? On observe même quelquefois que des jeunes qui appartiennent à d’autres religions « savent » mieux ce qu’il faut faire… Ils disposent de consignes précises, qu’ils suivent ou qu’ils ne suivent pas, mais qui leur donnent exactement un mode d’emploi ! Et quelquefois, de jeunes chrétiens se disent : ne sommes-nous pas une religion de second rang puisque nous ne sommes pas capables de donner une liste claire et nette de ce qu’il faut faire ? En fait, le Christ a toujours dit ce qu’il fallait faire, mais il l’a toujours dit de telle façon qu’il laissait la place à la liberté humaine pour entendre sa parole et pour y répondre. Ainsi, former des chrétiens, ce n’est pas leur inculquer un catalogue d’obligations, c’est éveiller leur liberté, les rendre capables d’entendre ce que le Christ dit et de comprendre comment chacune et chacun d’entre nous peut et doit mettre en pratique la parole du Christ. C’est pourquoi, être chrétien, c’est d’abord être éveillé, vigilant, attentif à cette présence de Dieu dans le monde, capable de s’émerveiller de ce qu’il fait à travers l’histoire des hommes, de reconnaître comment son amour ouvre des chemins inconnus à la générosité humaine, de reconnaître le dévouement de tant d’hommes et de femmes qui acceptent de renoncer à beaucoup de confort et d’avantages pour se mettre au service des hommes, et reconnaître dans ce service des autres un signe de l’amour pour les hommes. Il est plus facile de détourner la tête, de faire comme si on ne voyait pas. L’amour de Dieu répandu en nos cœurs par le don de l’Esprit Saint ne fait pas de nous des aveugles, il fait de nous des gens qui voient clair. Il ne fait pas de nous des indifférents à la misère du monde, il fait de nous des gens qui prennent part aux espoirs, aux souffrances, aux attentes de leurs frères. Être vigilants et attentifs à ce que Dieu veut nous dire.

Tout au long de votre cheminement vers la confirmation, vous avez découvert progressivement les différentes manières dont Dieu s’adresse à vous, à chacune et chacun d’entre vous, comme il s’adresse à son Église entière. Dieu nous parle. Il nous parle par l’Ecriture que nous entendons et que nous méditons pendant la liturgie mais que nous pouvons aussi lire et méditer seul ou en groupe, dans le secret de notre vie. Entendre les paroles du Christ comme des paroles qui s’adressent à moi. Ce ne sont pas des paroles extraordinaires, ce sont des paroles ordinaires. Quand Jésus voit les disciples au bord du lac et qu’il dit : « viens suis-moi », ce n’est pas une formule très mystérieuse ! Viens suis-moi, tout le monde sait dire cela ! Tout le monde le dit, tout le monde l’entend, et il y a mystérieusement un moment où une fille, un garçon, un homme, une femme, reçoit ces paroles comme des paroles de Jésus qui leur sont adressées à eux, personnellement. Dieu parle par l’Ecriture que l’Église nous transmet et qu’elle nous invite à méditer et à partager. Dieu parle à chacune et à chacun d’entre nous sans parole, il parle dans le secret de nos cœurs. Il se fait entendre par des mouvements qui n’ont pas de mot, mais qui nous mettent en alerte. C’est la présence de l’Esprit Saint que vous avez reçu, vivant en vous, qui vous pousse à chercher, à entendre, à agir. C’est Dieu vivant en nos cœurs que personne d’autre ne voit, qui est le mystérieux intime habitant de notre cœur qui parle à notre esprit et qui nous fait vivre. Et Dieu nous parle à travers nos frères, à travers des messages que nous entendons, que nous recevons - pas simplement comme des sms ou comme des tweets - mais comme des paroles humaines qui sont la rencontre de deux ou de plusieurs personnes qui se découvrent comme messagers.

Dans la Bible, on nous dit que Dieu envoie ses anges pour parler aux hommes. Quand la Vierge Marie apprend qu’elle va être la mère de Jésus, c’est l’ange Gabriel qui vient lui annoncer cette nouvelle. Nous avons chacun d’entre nous la visite de Dieu d’une façon que nous ne connaissons pas, que nous ne comprenons pas, nous avons nos anges qui nous envoient des messages de la part de Dieu.

Alors, c’est cette parole de Dieu dans notre vie qu’il nous faut accueillir, écouter et à laquelle nous essayons de répondre. Être chrétien, c’est répondre par ma parole à la parole que Dieu adresse aux hommes. Ma parole, elle s’exprime dans la prière, la prière solitaire, la prière commune, elle s’exprime dans mon action, les gestes de charité, de service, d’attention aux autres, qui sont la marque distinctive du chrétien en ce monde.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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