Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Maison Marie-Thérèse (Paris 14e)

Dimanche 1er décembre 2019

– 1er dimanche de l’avent – Année A

- Is 2,1-5 ; Ps 121,1-9 ; Rm 13,11-14 ; Mt 24,37-44

Frères et sœurs,

On se marie, on travaille, on mange, on boit, on suit le cours des événements, comme si rien ne pouvait arriver, comme si rien ne pouvait venir perturber le déroulement des choses. On est comme des inconscients, comme des gens qui ne savent pas, qui ignorent. Mais ces hommes n’ignorent pas simplement le moment, le jour où le Fils de l’Homme viendra, ils ignorent même que le Fils de l’Homme viendra. Ils vivent comme si toute la vie de cet univers était la totalité de ce qui peut arriver, ils vivent comme si les événements qui se succèdent pouvaient un jour combler le désir de leur cœur. Pour les encourager dans cette attente, jamais satisfaite, on les stimule à croire qu’en possédant davantage, en prenant davantage l’utilisation du monde pour soi-même non seulement on sera les heureux bénéficiaires d’un Black Friday, mais on sera aussi les malheureux destructeurs de la Terre qui nous a été confiée.

Cette illusion que l’on peut satisfaire le désir du cœur de l’homme par l’accumulation des biens, par l’extension de son pouvoir sur les autres, par la satisfaction de chacun de ses désirs éteint en nous la vraie dynamique du désir du cœur de l’homme. Notre cœur est sans repos tant qu’il ne rencontre pas son Seigneur. Le temps de l’Avent où nous nous préparons à célébrer la venue du Christ en ce monde n’est pas le temps où l’on satisfait ce que l’on désire mais c’est le temps où l’on apprend à désirer ce que l’on ne cherche pas. Aujourd’hui, nous sommes invités non pas à renoncer à l’accomplissement de notre vie, nous sommes invités à laisser davantage grandir en nous le désir de la rencontre avec le Christ.

Quand cela sera-t-il ? Nul ne le sait. Pour beaucoup d’entre nous, on sait une chose : c’est que ce sera dans moins longtemps que cela aurait pu être il y a dix, quinze ou vingt ans ! Dans ce sens, notre vie nous conduit vers l’avènement, vers la venue du Christ pour chacun de nous. Dans ce sens, le jour s’approche et c’est pourquoi saint Paul nous invite à nous réveiller. C’est-à-dire qu’il nous invite à ne pas nous laisser endormir, à ne pas nous laisser étourdir, engourdir par les événements, par les biens que nous avons, par le peu de satisfaction qu’on peut tirer de chacune de nos journées, il nous invite à nous éveiller à être en attente.

On peut imaginer que pour nous, l’attente, c’est un peu une fiction, parce que l’attente, c’est une projection vers un avenir dont nous savons qu’il sera nécessairement court. Mais ce qui compte, ce n’est pas la longueur de l’attente, c’est l’intensité de l’attente. Qu’est-ce que nous désirons au fond de notre cœur ? Qu’est-ce que nous exprimons au Seigneur dans la perspective de notre rencontre ? Ô viens Seigneur Jésus, Maranatha, viens Seigneur Jésus combler l’attente de nos cœurs, éveille-nous pour que nous soyons impatients de cette rencontre, éveille-nous pour que nous soyons endurants dans l’attente du jour qui vient, éveille-nous pour que chacune de nos journées soit un jour béni qui nous rapproche de notre rencontre, éveille-nous pour que nous soyons prêts dans nos cœurs à la joie de t’accueillir et de te reconnaître.
Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris

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