Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à Saint-Pierre de Montrouge (Paris 14e)

Dimanche 19 janvier 2020

– 2e Dimanche Temps ordinaire – Année A

- Is 49, 3.55-6 ; Ps 39, 2.4.7-11 ; 1 Co 1,1-3 ; Jn 1,29-34

Frères et Sœurs,

Le témoignage de Jean-Baptiste qui nous est proposé dans la liturgie de ce jour, clôture le cycle des manifestations du Christ Fils de Dieu. Elles ont commencé dans la nuit de Bethléem quand les bergers ont été appelés à venir adorer le Messie, elles se sont poursuivies quand les mages sont venus pour adorer le Roi des rois, elles se sont développées ensuite par le baptême de Jésus où il est révélé comme Fils de Dieu. Messie d’Israël, Roi du monde, Fils de Dieu.

C’est le témoignage que Jean-Baptiste donne à ses disciples quand il le désigne comme l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Il ne le désigne pas simplement comme le Messie qui vient arranger les affaires du royaume d’Israël, il le désigne comme celui qui va prendre sur lui le péché du monde. Cette manifestation, ce témoignage rendu à la personne de Jésus, ouvre devant nous le cycle complet de l’année liturgique, au long de laquelle, dimanche après dimanche, nous allons entendre le récit des actes que Jésus a posés, le récit des enseignements qu’il a donnés, puis les événements de sa Pâque à Jérusalem.

C’est ainsi que nous sommes invités à comprendre, du moins à pressentir, ce que cela veut dire qu’il est l’Agneau de Dieu. Il n’est pas simplement le serviteur, comme disait Isaïe : « C’est trop peu de dire que tu es mon serviteur » (Is 49,6), il n’est pas simplement une vision prophétique de la royauté sur l’humanité, il est l’Agneau de Dieu, c’est-à-dire celui qui va tenir la place de l’agneau pascal. Il est celui qui va être immolé, comme l’agneau l’était dans la nuit de Pâques, pour que les hommes, pas simplement les Hébreux esclaves en Égypte, mais l’humanité entière, puissent accéder à la vie.

Cet Agneau pascal qui nous est annoncé prophétiquement par Jean-Baptiste : « Voici l’agneau de Dieu » (Jn 1,29), nous le célébrons chaque dimanche. Vous avez certainement reconnu les formules mêmes de la célébration eucharistique : « Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Chaque dimanche, nous disons où nous chantons cette invocation à l’Agneau pascal. Au moment de la communion, quand je vous montrerai le pain et le vin consacrés, je dirai : Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.

L’histoire que les évangiles vont nous permettre de suivre au long de l’année liturgique n’est pas simplement une fable magnifique, où par une intervention extraordinaire, Dieu enlèverait le péché du monde sans que cela ne coûte rien à personne, comme s’il suffisait qu’il détourne le regard pour ne pas voir ce qu’est le péché du monde. Il nous est souvent arrivé d’être tenté de détourner le regard du mal qui frappe l’humanité, parce que nous devons reconnaître que ce mal, nous en sommes solidaires, nous en sommes participants et nous ne pouvons pas honnêtement et sincèrement prier pour la libération du monde, pour la paix entre les hommes, pour la prospérité de tous en faisant comme si chacune de nos vies n’était pas un des éléments constitutifs de cette paix, de ce développement, de cet épanouissement de l’humanité.

Nous sommes le Corps du Christ, nous sommes l’Agneau, et à mesure que nous allons suivre le cheminement du ministère public de Jésus à travers la Galilée, puis la Judée et la Samarie, à mesure que nous allons voir les gestes de salut qu’il pose, les paroles d’espérance qu’il prononce, nous allons être invités à découvrir le prix qu’il va payer pour ces gestes de salut et pour ces paroles d’espérance. Il n’est pas un magicien qui vient d’un coup de baguette faire disparaître les malheurs du monde, il est un homme tout entier offert par amour pour son Père et par amour pour les hommes. Il est l’Agneau qui va donner sa vie et par qui nous vivons, avec qui nous vivons, pour qui nous vivons. A mesure que nous intériorisons les événements de sa vie, les paroles qu’il a dites, à mesure que nous comprenons qu’il est l’Agneau de Dieu, l’Agneau pascal, nous sommes entraînés à sa suite à devenir, comme lui, des hommes et des femmes disposés à offrir leur vie pour que le monde vive.

Ce que je dis ne fait appel à aucune action extraordinaire qui serait hors de portée de chacun d’entre nous. Cela fait appel simplement à la réalité de nos cœurs qui donne sens de l’intérieur aux événements que nous vivons, qui donne sens aux difficultés auxquelles nous sommes confrontées, et qui font de nous, au milieu des hommes, des témoins de l’espérance que vraiment, l’Agneau de Dieu a enlevé le péché du monde et qu’il nous entraîne à sa suite.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris.

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