Homélie du cardinal André Vingt-Trois – 4e dimanche de l’Avent

Dimanche 20 décembre 2020 – Maison Marie-Thérèse (14e)

 2 S 7,1-5.8b-12.14a.16 ; Ps 88,2-5.27.29 ; Rm 16,25-27 ; Lc 1,26-38
 4e dimanche de l’Avent – Année B

Frères et sœurs,

Quel est ce mystère caché depuis les origines, dont la venue du Christ va être la manifestation pour toutes les Nations, selon la parole de saint Paul aux Romains ? Nous en avons une sorte de résumé dans les lectures de ce jour, en commençant par le roi David, dont tout le monde connaît ses incartades, ses capacités à commettre des péchés, y compris des péchés graves, mais aussi sa capacité à revenir vers Dieu. On dirait facilement que David avait un bon fond, pas toujours servi par un jugement sûr mais un bon fond… et qu’il est établi roi sur Israël, qu’il est installé à Jérusalem, que tout lui a réussi, que Dieu a été avec lui, qu’il l’a aidé à vaincre ses ennemis. On pourrait dire d’une certaine façon qu’il n’a plus rien à espérer ! Alors le moment est venu de s’occuper de Dieu, et de s’apercevoir que la splendeur du palais de David jure un peu avec la précarité de la demeure de Dieu. David, qui est généreux et qui comprend qu’il a une dette envers le Seigneur, se met en tête de prendre en main les affaires de Dieu et de l’établir dans son royaume. Il ne perçoit, et Nathan ne perçoit pas non plus dans un premier moment, que cette idée est un peu farfelue. C’est un peu retourner la situation. David n’était rien sans l’intervention de Dieu, et c’est lui maintenant qui veut faire la promotion de Dieu dans son royaume ! Alors Nathan le corrige et lui indique dans quel sens doivent aller les affaires : c’est Dieu qui mène le monde, c’est Dieu qui mène David et c’est Dieu qui va établir la maison de David, non seulement sa maison à Jérusalem mais sa descendance pour toujours. Il lui donnera un fils qui sera le grand roi d’Israël, son libérateur.

Munis de cette prophétie, on s’attendait - du moins beaucoup des juifs qui attendaient la venue du Messie -, à ce que le Messie naisse de la descendance de David, comme cela avait été prophétisé et comme cela avait été promis par Dieu à David lui-même. Et voilà, cela aurait pu arriver… Si Joseph avait été le père de Jésus, celui-ci aurait été de la descendance de David, et la prophétie aurait été accomplie. Mais voilà, les choses ne se sont pas passées ainsi parce que Dieu veut toujours rappeler que c’est lui qui décide et qu’il n’est lié que par ses propres décisions. Il va bien donner un Messie, un successeur à David, mais pas un descendant de David, pas un fils de David. Il va donner un Messie qui est son propre Fils.

Le dialogue de l’ange avec Marie qui met en œuvre ce bouleversement des prophéties et qui prépare l’accomplissement d’une façon imprévue et imprévisible, nous permet de découvrir que Dieu seul est maître du salut de l’humanité. Il a recours à des gens pour l’exercer mais personne ne peut se substituer à lui dans sa paternité pour le monde. Il est le seul Père, le seul Père des hommes, le seul Sauveur des hommes, et s’il veut prendre soin de l’humanité, ce ne peut être que par lui-même et non pas par un héritage incertain de la lignée de David, par un Fils qu’il engendre lui-même, comme un autre lui-même. Le mystère qui va être manifesté aux yeux des nations, dans la personne de Jésus, c’est que la promesse de Dieu s’accomplit non pas dans la filiation de David mais dans la filiation de Dieu lui-même, et qu’elle n’est donc pas réservée aux héritiers de David, elle est ouverte à toutes les nations.

Ce basculement dans le processus de la révélation et de l’accomplissement des promesses, nous savons qu’il a été difficile à comprendre, difficile à accepter, difficile à mettre en œuvre. Il est toujours difficile à mettre en œuvre, et la seule possibilité pour qu’il s’accomplisse, c’est que nous croyions vraiment que c’est Dieu lui-même qui le fait.

C’est pourquoi l’annonce faite à Marie n’est pas simplement une question et une épreuve pour la foi de Marie, c’est une question et une épreuve pour la foi de tout homme. La question est : est-ce que Dieu peut ou est-ce qu’il ne peut pas ? Comme le conclut l’ange : « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,37). C’est cela qui va être révélé et manifesté par la naissance de Jésus dans l’obscurité, la méconnaissance de la plupart. C’est ce qui va se manifester dans la vie cachée de Nazareth, avant qu’il l’exerce publiquement, et qu’il manifeste aux yeux des nations que Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son propre Fils, son Fils unique, pour le salut du monde. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois,
archevêque émérite de Paris

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