Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Maison Marie-Thérèse

Dimanche 13 mars 2022 - Maison Marie-Thérèse (14e)

– 2e Dimanche de Carême – Année C

- Gn 15,5-12.17-18 ; Ps 26,1.7-9.13-14 ; Ph 3,17 à 4,1 ; Lc 9,28b-36

Frères et Sœurs,

Pierre, Jean et Jacques ont suivi le Christ, pendant des mois, ils ont entendu son enseignement, ils ont vu les signes qu’il a faits, les miracles, ils ont participé à certains de ses miracles, et ils ont appris peu à peu à le connaître. Si bien que, quand il leur pose la question : « Qui dites-vous que je suis ? », Pierre répond : « Tu es le Christ de Dieu, tu es le Messie. » Qu’est-ce que Pierre pouvait penser du Messie ? Qu’est-ce qu’il pouvait espérer du Messie ?

Et voilà que Jésus les entraîne sur cette montagne pour prier, et que sous leurs yeux, ils voient apparaître ce qu’ils ne voyaient pas. Ils découvrent dans la personne de Jésus qu’ils ont connu sur les chemins de Galilée, celui qu’ils ont identifié comme étant le Messie, ils découvrent beaucoup plus ! La présence de Moïse et d’Elie, - la Loi et les prophètes -, l’appareil de lumière éblouissante, les vêtements blancs qui sont les insignes des manifestations de Dieu, leur fait comprendre peu à peu qu’il y a ici plus que le Messie. La voix venue de la nuée va leur dire : « Celui-ci est mon Fils » ; il n’est pas simplement le Messie, il est mon Fils que j’ai choisi.

Nous savons bien que cette profession de foi de Césarée, comme la transfiguration du Seigneur, sont un tournant dans l’Évangile. On pourrait dire que ce qui précède était une suite d’indices pour découvrir qui était vraiment Jésus. Ce qui suit va être un chemin pour découvrir qui est le Fils, un chemin qui conduit Jésus et les siens à Jérusalem, pour qu’il apparaisse non plus comme le Messie sauveur que l’on acclamera encore le jour de son entrée dans la Ville, mais comme le Messie souffrant, celui qui n’a plus figure humaine, celui qui ne donne rien à voir de la divinité qu’il représente. C’est le passage de l’expérience humaine habituelle, à l’expérience de la foi. Afin que ces trois disciples Pierre, Jean et Jacques soient équipés pour reconnaître dans le visage défiguré du Christ la splendeur du Messie, il se manifeste à eux sur la montagne.

Nous savons, non seulement parce que les évangiles nous le rappellent, mais parce que nous bénéficions de notre propre expérience, nous savons, hélas, que cette connaissance de la gloire du Christ ne suffira pas à surmonter l’impensable, que le Fils de Dieu soit exécuté devant les hommes.

Ce chemin de la vision sur la montagne à la vision de l’insoutenable sur une autre montagne, le Golgotha, c’est le chemin de la foi. On adhère à la personne de Jésus parce qu’on a des signes, on adhère à la personne de Jésus parce qu’il parle bien, parce qu’il a un discours plein d’autorité comme dit l’évangile, on adhère à la personne de Jésus parce qu’il fait des miracles, mais ce premier mouvement de la foi doit devenir une communion profonde, doit s’enraciner dans notre propre existence pour que nous soyons capables, avec lui, de reconnaître l’amour et la puissance de Dieu dans la faiblesse du serviteur.

Ainsi, en nous faisant méditer sur la transfiguration au long de ce chemin de conversion qui nous conduit vers la Pâques, l’Église nous invite à nourrir l’espérance. Ce que nos yeux voient, ce que nos oreilles entendent, ce que notre expérience humaine nous permet de vivre, n’est que l’apparence immédiate de la réalité profonde, de l’amour que Dieu porte à l’humanité jusqu’à livrer son Fils pour elle.

Ainsi, alors que nos yeux découvrent toutes sortes de misères du monde, de la misère physique, de la misère violente, de la misère morale, de la misère psychologique, alors que nous découvrons le chemin qui conduit à la mort, la transfiguration ouvre en nous, par-delà ce que nous voyons, au cœur de ce que nous voyons, le chemin qui conduit à la vie, le chemin de l’espérance. Nos yeux n’ont pas vu comme Pierre, Jean et Jacques, la transfiguration du Christ, mais nous avons reçu le témoignage de ceux qui l’ont vu ressuscité, et qui savent que sous l’humanité détruite, Jésus reste le Fils que Dieu a choisi et par lequel il relève l’humanité.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris.

Homélies

Homélies