Homélie du Métropolite Emmanuel de France

À la célébration pour la région parisienne pendant la semaine de prière pour l’unité des chrétiens
Paris, mercredi 24 janvier 2018, sur l’appel du Seigneur à la fille de Jaïre, « Talithaqoum ! », parole d’espoir et de réconciliation.
« Annoncer la parole de Dieu au XXIe siècle est une mission sérieuse et complexe. Il nous revient d’incarner cette parole de Dieu, à la faire vivre en nous. Elle rayonne dans nos actes, dans nos gestes, dans nos attitudes envers la société qui nous environne. Le Christ nous a laissés pour commandement : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » (Jn 13, 34-35). Il y a une place à l’annonce de l’Évangile et le génie créateur du christianisme doit désormais l’investir pour trouver les formes et les moyens adaptés qui rendent témoignage au Christ. »

dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens
Paris, mercredi 24 janvier 2018

« Le Seigneur est ma force et mes louanges, il est mon libérateur »

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,

« Talithaqoum ! » « Talithaqoum ! » dit le Seigneur à la fille de Jaïre. Ces mots ne sont pas que miraculeux. Ils ne sont pas que des paroles de miséricorde. Ce sont des mots d’espoir au-delà de l’espoir. Saint Paul en parle comme d’une folie. « La parole de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, elle est puissance de Dieu. » (1 Co 1, 18) La fille de Jaïre n’est plus. Elle repose dans le silence d’une foule assurée que la mort l’avait emportée. Mais lorsque le Fils de l’homme pénètre sous le toit de Jaïre, il porte avec lui la puissance divine d’accomplir des miracles. Ses paroles deviennent source de vie, car il est à la fois parole et vie. Il est aussi chemin et vérité.

Espérer au-delà de tout espoir. Nous n’avons pas que de bonnes raisons d’espérer parce que l’amour divin peut ramener à la vie ce qui semblait totalement perdu. Mais cet amour divin est avant tout sacrificiel comme l’écrit le Saint Évangéliste Jean le Théologien : « Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jn 3, 16-17)

Dans le cas de cet enfant, la vie lui est rendue immédiatement. Dans la relation à notre prochain, il faut cependant quelques fois attendre des années pour lui donner vie, inspirés par un amour patient, par le don de soi qui endure et supporte sans fin. Car, il y a dans la vie dès ici-bas des « petites » résurrections qui nous introduisent dans la vie éternelle. Ces petites résurrections ne prennent pas forcément des formes aussi miraculeuses que dans la lecture évangélique que nous venons d’entendre. Ces petites résurrections sont de grands instants de vie lorsque le miracle de l’espoir jaillit de la plus parfaite impuissance. Il peut s’agir d’une rencontre, d’un geste, d’une parole, d’une simple présence qui est porteuse d’une joie ne laissant plus de place à autre chose que l’amour. Ces instants peuvent être furtifs ou continus. J’aime souvent à rappeler la magnifique conclusion de Dostoïevski à la fin de son livre Crime et Châtiment. Le meurtrier et la prostituée se retrouvent, l’un est derrière les grilles de sa prison, l’autre attendant qu’il en sorte enfin. C’est alors que Dostoïevski a ces mots incroyables : « C’était l’amour qui les ressuscitait. Le cœur de l’un enfermait une source de vie inépuisable pour l’autre. »

Espérer au-delà de tout espoir, c’est aussi ça l’œcuménisme. À mesure que nous nous rapprochons, que nous apprenons à nous connaître, que nous sommes en mesure de nous appeler frères et sœurs dans le Seigneur, nous pénétrons dans le mystère de l’unité. Mais ce dernier n’est pas révélé que dans la mesure de nos limites. Car le Seigneur se trouve au-delà de ces limites.

Nous prions ce soir par ces mots : « Le Seigneur est ma force et ma louange, il est mon libérateur ». Prions-le pour qu’Il nous libère de la tentation de la désunion. Prions-le pour qu’Il nous libère des représentations trompeuses qui ne nous permettent pas d’espérer dans notre prochain. Prions-le pour qu’Il nous libère des passions destructrices qui ne nous permettent pas d’accéder à la réconciliation et d’être un en Christ. « Aussi, si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. » (2 Co 5, 17)

Saint Jean Chrysostome en commentant ce passage écrit : « Nous devons donc vivre pour Jésus-Christ, non seulement parce que nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes ou parce qu’il est mort pour nous, ou parce qu’il a ressuscité les prémices du genre humain, mais aussi parce que nous sommes entrés dans une vie nouvelle. » Or qui dit une nouvelle vie, dit aussi l’originalité du regard que nous lui portons. En créant ce nouveau monde, Dieu nous appelle à l’émerveillement. Il nous presse à redécouvrir le sens de la beauté dans cette réalité nouvelle dont chaque détail, infime partie, nous dit désormais la gloire de Dieu et nous l’annonce !

En tant que chrétiens, nous devons voir la vie d’un jour nouveau, à la lumière de la résurrection. Le principe même de réconciliation est appelé à disparaître au profit d’une unité vécue, d’une unité comme incarnation de la vie des chrétiens. Par réconciliation, il faut entendre au moins deux aspects. Tout d’abord la réconciliation entre le Créateur et sa créature. C’est l’œuvre du Christ. Saint Paul ajoute une autre dimension : « Car de toute façon, c’était Dieu qui en Christ réconciliait le monde avec lui-même » (2 Co 5, 19). La démarche œcuménique s’en approche de manière déterminante. Pour paraphraser saint Paul : « C’est Dieu qui en Christ réconciliera le christianisme avec lui-même. » Aussi, devons-nous penser cette vocation de réconciliation comme un processus de guérison historique et mémoriel, pour ne pas dire spirituel. La réconciliation entre chrétiens en revient à renouer avec la vie, en reconnaissant ce que nous répétons pendant la divine liturgie, que le Christ « s’est offert pour la vie du monde ». Il y a dans la recherche de l’unité un besoin particulier de résurrection.

Annoncer la parole de Dieu au XXIe siècle est une mission sérieuse et complexe. Il nous revient d’incarner cette parole de Dieu, à la faire vivre en nous. Elle rayonne dans nos actes, dans nos gestes, dans nos attitudes envers la société qui nous environne. Le Christ nous a laissés pour commandement : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » (Jn 13, 34-35) Il y a une place à l’annonce de l’Évangile et le génie créateur du christianisme doit désormais l’investir pour trouver les formes et les moyens adaptés qui rendent témoignage au Christ.

Chers frères et sœurs en Christ,

« Talithaqoum ! » « Lève-toi ! » « Levez-vous » comme le signe du Christ ressuscité. Selon Saint Jean Chrysostome, encore une, en commentant ce passage évangélique déclare : « Le Christ attend à dessein que cette jeune fille soit morte, afin de faire, en la ressuscitant, un miracle plus éclatant. Il ne se hâte point, il marche seulement, et s’arrête à parler longtemps avec cette femme, afin de n’arriver qu’après que la jeune fille serait morte. (…) Ainsi il voulut qu’on ne doutât point de la mort, afin qu’ensuite on ne pût douter de la résurrection. C’est ce qu’il a observé presque partout. C’est ainsi qu’il ne se pressa point d’aller voir Lazare le premier, ou le second, ou le troisième jour. »

« Talithaqoum ! », une parole d’espoir au-delà de tout espoir ; une parole de réconciliation au-delà de toute réconciliation. Amen.

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