« Il faut que cela soit le cœur qui parle »

Paris Notre-Dame du 5 décembre 2019

Le peintre François-Xavier de Boissoudy revient, en ce début d’hiver, pour une exposition à la galerie Guillaume [1]. Ses tableaux, pensés et créés autour du thème Béatitude, sont tous accompagnés de textes du philosophe Martin Steffens. Il y distille, à sa manière, sa vision de l’amour et de l’art.

Les fleurs
© Luc Paris

Paris Notre-Dame – Vous avez choisi, pour cette exposition, de traiter le sujet « Béatitude ». Pourquoi ?

François-Xavier de Boissoudy – Parce que c’est un mélange entre l’idée de bonheur qu’on se fait dans la société française et les Béatitudes, qui sont la marche à suivre chrétienne pour être heureux. Le bonheur est un état très difficile à décrire. Les Béatitudes aussi, puisqu’elles ressemblent à une promesse. Heureusement, les promesses faites dans l’Évangile portent des signes annonciateurs. C’est là-dessus que je me suis accroché. J’ai eu envie de relier les Béatitudes à la vie quotidienne, en introduisant par exemple des natures mortes. Et puis, je me suis emparé du sujet à ma manière, en parlant de ce que je connaissais. En partant d’où je suis : un homme en couple avec une femme.

P. N.-D. – Vos précédentes expositions traitaient de thèmes religieux. Ici, vous vous attachez au couple. Pourquoi ce glissement ?

F.-X. B. – Ce qui m’a fait travailler est le désir d’aimer. J’ai eu envie de parler du travail d’amour. De cette relation que l’on peut avoir avec l’amour comme personne. J’avais envie de montrer que le travail d’amour peut exister dans un couple et qu’il peut porter le nom de Béatitudes. J’ai laissé faire mon intuition. Ainsi, j’ai volontairement posé le tableau représentant une étreinte d’un homme et d’une femme en miroir avec ce tableau d’un prêtre devant un calice baigné de lumière. J’ai accroché ces tableaux comme une équivalence. Cette offrande du Christ, c’est comme l’offrande d’un couple : se recevoir dans l’altérité, se transformer, être transformé, laisser la relation nous transformer… C’est un désir profond que Dieu a mis en nous de passer par la chair pour aimer.

P. N.-D. – Vous qui étiez habitué à l’encre, vous introduisez des couleurs. Pourquoi ?

F.-X. B. – Il n’est pas évident de changer. Cela remet en cause toute la maîtrise. Mais j’avais envie de voir la couleur de la chair. De montrer le chaud de la chair. Alors, j’ai plongé dans la couleur. J’ai utilisé des bruns qui produisent, quand on les mélange avec de l’huile ou de l’essence, soit du jaune, soit du rose. Pour évoquer et montrer la lumière. Cette lumière qu’on voit au soleil couchant. J’ai essayé d’ordonner la couleur à l’apparition de la lumière pour montrer la relation entre la lumière et le monde. Si la lumière est un cadeau actif, c’est à sa réception qu’on la voit. Et quand cette lumière se pose sur la chair, c’est beau.

P. N.-D. – Pourquoi avoir voulu accompagner vos œuvres de textes du philosophe Martin Steffens ?

F.-X. B. – Nous avons tenté une sorte de miroir. Les mots et les images ne sont pas sur le même plan. Ils disent des choses différentes, différemment. Martin fait travailler les personnes sur des mots pour les confronter au mal dont elles souffrent. J’essaie de montrer que ces histoires sont inscrites dans une histoire, celle de l’Évangile. L’idée est d’être dans le vrai. Et cela ne passe pas par l’intellect. Ce n’est pas très à la mode, mais, dans l’art, il faut que cela soit le cœur qui parle. Il y a actuellement cette tentation de construire un art dont le gabarit est créé par l’intellection. Alors qu’en fait, chez moi, la compréhension arrive a posteriori. Je peins quelque chose parce que je le sens. Et c’est en le faisant que je réalise ce que je suis en train de faire. En fait, la clé est le lâcher-prise. Et ce n’est pas une clé intellectuelle.

Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab

[132, rue de Penthièvre, 8e, ouverte du mardi au samedi, de 14h à 19h. L’exposition se tient jusqu’au 11 janvier.

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