« Il nous faut gagner en estime les uns pour les autres »

Paris Notre-Dame du 28 mai 2020

Dans la tradition chrétienne, la Pentecôte est la fête de l’unité. Comment vivre cette fête alors que la société civile et la communauté catholiques peuvent être tentées, en cette période de déconfinement, par la critique ou la division ? Quelques clés avec Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims (Marne) et président de la Conférence des évêques de France.

Mgr Éric de Moulins-Beaufort
© Diocèse de Reims

Paris Notre-Dame – Pourquoi la Pentecôte est-elle la fête de l’unité ?

Mgr Éric de Moulins-Beaufort – Le feu réchauffe, brûle ce qu’il y a à brûler, mais surtout, comme la lumière, il est fait pour se diffuser. On peut le partager à l’infini et tout le monde le reçoit de la même manière. Le jour de la Pentecôte, l’Esprit saint est descendu sur les apôtres en langues de feu. Tous les apôtres reçoivent l’Esprit saint et chacun le reçoit. Ils s’adressent alors à une foule venant de lieux divers et tous les comprennent. L’événement de la Pentecôte révèle une humanité plus profondément une que la diversité des nations et des cultures le laisse voir. Cette unité n’annule pas ces différences mais permet de les vivre en communion. Ce qui régule ici la diversité n’est pas la force politique ni la domination mais la possible recherche d’une communion plus profonde que toutes les différences.

P. N.-D. – Au sortir de ce confine ment, l’autre peut être perçu comme une menace, et certaines divisions peuvent apparaître. La communauté catholique ne fait pas exception. Elle s’est divisée au sujet de la reprise de la messe. Qu’est-ce que cette solennité vient nous dire aujourd’hui ?

E. M.-B. – Je relativiserais un peu ces divisions. Je les relativiserais face à des divisions malheureusement nettement plus grandes, comme la séparation avec les orthodoxes et les protestants. Ici, les évêques ont agi de concert. Cette fête nous rappelle que l’unité est plus profonde que ce qui nous divise. L’unique Esprit passe par des personnes différentes ayant des réactions différentes les unes des autres. Notre foi en l’Esprit saint nous appelle à aller chercher ce qui nous unit plus profondément. Le confinement d’ailleurs a pu être l’occasion d’éprouver cette unité. Même si chacun l’a vécu différemment, toute l’humanité était à égalité. Le défi aujourd’hui est d’approfondir ce que nous avons appris pendant cette période de crise. Nous devons tous, je crois, gagner et progresser en estime les uns pour les autres. Ce n’est pas parce que quelqu’un vit sa foi différemment de moi qu’il est moins aimé de Dieu ni qu’il aime moins Dieu que moi. À travers lui, l’Esprit saint m’indique quelque chose du mystère de Dieu. Je dois croire que l’autre baptisé essaie lui aussi de répondre à la dynamique de la parole de Dieu à sa manière. Ce fait nous stimule dans notre attention à ce que Dieu nous dit. Arrêtons de penser que notre manière de croire est forcément la meilleure. Dieu est toujours plus riche que notre interprétation. C’est pour cette raison qu’il existe quatre évangiles. Parce que nous ne pouvons pas enfermer le Christ dans un portrait unique.

P. N.-D. – L’Esprit saint est appelé le « Paraclet ». Mais contre quoi est-il le consolateur et l’avocat ?

E. M.-B. – Il nous console quand nous découvrons que nous ne sommes pas à la hauteur des commandements en assurant que nos petits efforts participent déjà à l’œuvre du Salut. Il est notre avocat contre nous-mêmes quand nous sommes tentés de désespérer ; notre avocat contre les autres, aussi, qui réclament toujours plus de nous, chrétiens, que nous soyons à la hauteur de ce que nous annonçons ; notre avocat contre le diable qui nous accuse, en particulier, devant Dieu. « Un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés », souligne le pape François dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium (paragraphe 44). Il nous faut écouter l’Esprit saint nous dire : « tu as fait ce que tu as pu ». Et nous découvrirons peut-être au Ciel que nous avons mis plus d’amour dans certains actes que nous n’aurions osé l’imaginer.

Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab

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