Isam, un chrétien d’Irak qui revit

Paris Notre-Dame du 14 février 2019

La reconstruction de l’économie locale s’organise dans la plaine de Ninive (Irak), soutenue par divers donateurs, parmi lesquels les paroissiens de St-Ferdinand des Ternes (17e). Leur collecte de Carême en 2018 a permis notamment à Isam Khider de redémarrer son activité en juin dernier avec l’ONG Fraternité en Irak. Nous l’avons rencontré.

Isam a relancé son activité à Qaraqosh avec l’ONG Fraternité en Irak
© Laurence Faure

Sur sa maison aux murs blanchis, plus de traces, à première vue, de la violente intrusion de Daech à Qaraqosh (Irak), capitale chrétienne de la plaine de Ninive, prise dans la nuit du 6 au 7 août 2014. Fin 2017, après trois ans d’exil à Erbil (Kurdistan irakien), Isam a pu retourner chez lui. « Ma maison était vandalisée, il n’y avait plus rien, se rappelle-t-il, parlant avec de grands gestes. Il a fallu reconstruire. » L’homme au regard bienveillant évoque, d’un ton vif, ces jours noirs où sa famille et lui ont tout quitté pour fuir les soldats de l’organisation État islamique. Aujourd’hui, il finalise son installation avec sa femme, sa plus jeune fille et un de ses fils. Les aînés ont quitté l’Irak pour l’Australie et la France. À l’intérieur de sa maison désormais réparée et rénovée, les tapis moelleux et la chaleur diffusée par le radiateur à gaz vont de pair avec l’accueil de cette famille désormais dispersée : spontané, généreux. Isam Khider a 56 ans. Il est syriaque catholique, comme la grande majorité des habitants de Qaraqosh, dont l’archevêque est Mgr Pétros Mouché.

Comme beaucoup ici, l’homme aux mains calleuses parle en « avant Daech » et « après »… marqueur indélébile dans le temps. Avant, donc, il possédait son usine de transformation de céréales. Marié, père de cinq enfants, il hébergeait également sa mère. Son activité consistait à transformer des lentilles, du blé et du malt, en couscous et en farines. « Nous sommes spécialisés dans ce métier depuis plusieurs générations, explique simplement Isam. Mes parents et mes grands-parents l’exerçaient dans les années 1960. Nous avions des vieilles machines, pas très sophistiquées, mais elles fonctionnaient assez bien pour satisfaire les besoins de la ville. Mes cousins et mes oncles aussi, vivaient de ce métier. Mais ils sont partis. Il n’y a plus que moi et mon frère à l’exercer à Qaraqosh. » Son usine aussi, située dans un quartier voisin, a été saccagée par les soldats de l’État islamique. « J’avais 40 000 dollars de matériel et de matière première, déplore-t-il. Ils ont tout pillé et l’usine a été totalement détruite. »

Dès avril 2018, l’ONG Fraternité en Irak [1] a contribué à la relance de l’usine d’Isam : achat de la machinerie lui permettant de transformer ses matières premières (principale ment du blé provenant des champs de la région de Qaraqosh). L’ONG propose, dans ce cadre, un système de don (20 %) et de prêt (80 %), qu’Isam remboursera progressivement. « Même si c’est essentiellement un prêt, affirme-t-il, cette aide est un véritable encouragement. Je n’aurais jamais relancé mon activité sans cela. » Et d’expliquer, visiblement soulagé : « À Erbil, en exil, mes fils travaillaient dans des restaurants. Moi j’aidais aussi mais je ne travaillais pas. » L’usine d’Isam tourne maintenant depuis juin : « Mon activité augmente progressivement. J’espère retrouver mon niveau de vie d’avant Daech. » Mais pour lui, il est trop tôt pour pouvoir parler d’avenir, en Irak. « Aujourd’hui, accorde-t-il, je peux revivre normalement et j’espère que cela continuera. » Retour à l’usine. Sur le mur, à l’entrée, des lettres arabes se dessinent : « Dieu est amour »…

Laurence Faure, à Qaraqosh (Irak) Traduction : Vinciane Joly et Fadi Francis Kiryaqos

[1Fraternité en Irak porte un programme de relance économique auprès des minorités religieuses de la plaine de Ninive, en partie financé par le ministère des Affaires étrangères au titre d’une convention avec le Programme des Nations Unies pour le développement. Depuis son lancement en 2017, plus de 720 000 euros ont été investis ; 72 artisans, ouvriers ou éleveurs ont relancé leur activité ; 253 emplois ont été créés. fraternite-en-irak.org

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