L’accès au numérique, un enjeu vital pour les personnes précaires

Paris Notre-Dame du 4 juin 2020

Jérôme Perrin, président de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Paris et membre du Comité national pilote d’éthique du numérique du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) propose que les paroisses parisiennes accompagnent les personnes précaires dans leur accès au numérique. Un enjeu vital selon lui.

Jérôme Perrin est directeur scientifique chez Renault, président de la Société de Saint-Vincent- de-Paul de Paris et membre du Comité national pilote d’éthique du numérique du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).
© D.R.

Paris Notre-Dame – Dans un communiqué publié début avril, le Comité pilote d’éthique du numérique du CCNE dont vous êtes membre, a alerté sur la nécessité de l’accès des personnes précaires au numérique. Pourquoi ?

Jérôme Perrin – En période de confinement, les administrations, en particulier celles qui donnent accès aux droits sociaux, se sont mises en suspens. Aujourd’hui, elles ouvrent de nouveau leurs portes, progressivement. Mais de manière partielle. Afin de protéger leurs salariés, les temps d’accès aux guichets sont réduits ; la capacité d’accueil des locaux, aussi. Dans ces contextes, les bénéficiaires sont invités à se rendre sur internet. Or, pour les personnes en situation de précarité, cela peut être compliqué. Certains ne disposent pas d’accès à internet ou de smartphone, d’autres ne maîtrisent pas bien les clés pour effectuer des démarches en ligne. Il leur est alors impossible d’accéder à leurs droits. Cela engendre une double-peine : à la précarité s’ajoute l’impossibilité de bénéficier des aides possibles. J’ai rencontré ainsi une personne qui a perdu son aide au logement pendant le confinement. Son loyer a été multiplié par deux. Il y a aussi ces personnes en situation de migration qui n’ont pas pu renouveler leur titre de séjour… Il y a un vrai enjeu d’accès au numérique et d’accompagnement à celui-ci.

P. N.-D. – Comment s’annoncent les mois à venir ?

J. P. – Ces deux mois de latence ont engendré le blocage ou le retardement d’un certain nombre de dossiers. Par ailleurs, la période estivale arrive et, avec elle, la fermeture d’un certain nombre d’associations. Cela s’annonce compliqué. Il me semble donc important, dans ce contexte, que les paroisses, et le diocèse, en lien avec l’opération Août secours alimentaire et les Centres d’action sociales de la ville de Paris, créent dans leurs locaux, de la même manière qu’ils ont pensé la distribution alimentaire pendant le confinement, des points d’accompagnement au numérique pour les personnes en situation de précarité. Il suffit de peu : un ordinateur, un accès Wi-Fi, une imprimante, des bénévoles formés. Des associations ayant développé une expertise à ce sujet, comme le Secours catholique ou Emmaüs connect, pourraient contribuer à la formation de ces bénévoles. Le confinement a suscité chez certains l’envie et le besoin de se rendre utiles. Donnons-leur une occasion supplémentaire d’y répondre.

P. N.-D. – Quel est l’enjeu derrière ?

J. P. – Si ces personnes n’ont plus accès à ces aides, elles ne pourront plus joindre les deux bouts et risquent de sombrer dans la grande précarité. Il est par ailleurs toujours préférable de donner aux gens les moyens de se nourrir en étant autonomes et en étant capables de payer leur logement. Il s’agit d’une question d’accès à l’autonomie. Une question de dignité humaine. Il faut faire vite.

Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab

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