L’édito de Mgr Benoist de Sinety du 21 mai 2020

RCF – 21 mai 2020

Le Conseil d’Etat vient de demander au gouvernement se suspendre son interdiction des rassemblements religieux. Une bonne nouvelle que les croyants sont invités à accueillir avec humilité.

Est-il encore possible de nos jours de réfléchir en essayant d’éviter la caricature ? Depuis donc que le Conseil d’État a rendu son ordonnance sur la reprise du culte, certains commentaires donnent l’impression d’une victoire du Bien sur le Mal, voire d’une revanche de dimension quasi historique, en fait, il s’agit simplement d’un rappel du Droit comme ledit conseil en a la mission. Mission dont il ne se prive d’ailleurs pas puisque régulièrement, il rappelle à l’ordre des gouvernants qui de tous temps éprouvent la tentation d’aller un peu trop vite ou un peu trop fort. Ainsi se trouve réaffirmé le principe de la liberté religieuse et cela est très bon. Ceux qui, il y a quelques jours, osaient comparer la situation de la France à une dictature sont d’un coup, un peu ridicules et ceux qui trouvent trop molle notre démocratie se révèlent tartuffes. Je l’ai dit suffisamment pour ne pas avoir besoin de le répéter : ce qui était choquant à mes yeux dans cette affaire, c’est une forme de légèreté un peu condescendante, un peu méprisante dans le dialogue avec les religions, qui donne à croire que l’on préfère considérer le citoyen comme un consommateur de biens plutôt qu’une personne en quête d’absolu.

Mais alors d’où vient ce malaise ? Lorsque j’entends les responsables musulmans ou le grand rabbin de France déclarer préférer une reprise du culte plus tardive afin de préserver la santé de nos concitoyens, dans laquelle ils voient un bien commun supérieur à leur bien particulier, je m’interroge ; quand j’entends des catholiques commencer leur prise de parole par ces mots : « nous, les catholiques », je m’inquiète qu’ils ne tombent dans une forme de logique minoritaire, tellement contraire à l’essence même du christianisme. Nous ne sommes pas un groupe de pression ou alors ne nous étonnons pas qu’on nous traite comme tel ; ne jouons pas aux « pandas religieux » qui par peur de disparaître, montent aux arbres en criant. Comme le disait il y a quelques années le cardinal Vingt-Trois, si nous nous comportons comme des Amish nous susciteront de la curiosité voire de la compassion, mais sans doute peu de désir de découvrir en profondeur la foi qui nous anime. Nous n’avons pas à nous battre pour nous-mêmes mais nous avons à donner notre vie pour nos frères ; nous n’avons pas à être les avocats ou les soldats de Jésus mais ses disciples, ses témoins. En ce jour où nous célébrons l’Ascension, il nous faut écouter celui que nous reconnaissons comme le maître de sagesse et de vie, il nous envoie dans toutes les nations non pas pour les dominer et leur imposer des codes et des règles mais pour y servir en son nom la justice et la vérité pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

Ne nous trompons pas de combat, il nous faut sortir du fantasme pour accueillir le réel et ce réel, en France, n’est pas celui de la persécution mais celui de l’ignorance. Par respect pour ceux de nos frères qui souffrent le martyre, soyons humbles devant les épreuves, par respect pour ceux de nos frères qui sont privés des sacrements, que ce soit pour des raisons politiques ou géographiques qui rendent impossibles leurs célébrations, décidons nous à être davantage dans l’ordinaire de nos vies, les ministres de la présence du Christ pour tous ceux qui ont faim et soif de la vie.

Source : https://rcf.fr/la-matinale/non-pas-soldats-mais-disciples-de-jesus

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