L’édito de Mgr Benoist de Sinety du 25 juin 2020

RCF – 25 juin 2020

Ce matin, Mgr Benoist de Sinety fait un éloge de la fragilité de nos existences, car ce sont les plus fragiles qui sont appelés par Dieu pour témoigner.

En évoquant la situation de proches malades ou en grandes difficultés, un ami me glisse cette remarque : "Sur le carton qui transporte nos vies il y a bien écrit FRAGILE en haut et en bas !" C’est vrai qu’elles sont fragiles nos existences. Nous l’expérimentons tous ensemble. Et peut-être pour la première fois à cette échelle. Des nouvelles d’Inde ou de Guyane font état de sociétés en pleine déroute : si les plus pauvres y sont frappés de plein fouet par l’épidémie et ses conséquences, les plus riches eux aussi voient leurs équilibres ébranlés. Si nous demeurons inégaux devant le danger nous y sommes tous exposés. Ainsi dans notre beau pays : au temps du confinement ceux qui se protégeaient chez eux n’avaient pas assez de louanges pour remercier ceux qui leur en donnaient la possibilité : blouses blanches, employés de magasin, éboueurs, etc.

C’est comme si, d’un coup, les protégés étaient saisis d’émotion devant les invisibles qui alors, comme avant et comme demain aussi, nous permettent que la vie est plus simple. Bouleversement de nos principes qui prônaient jusqu’alors que le plus fort est par nature le maître, et qui fait oublier que pour le serviteur, le maître n’est, somme toute, pas très intimidant tant il en connaît les faiblesses...

Mais voici que cette affection qui saisit les cœurs de biens de nos contemporains, avec une vraie sincérité, tant nous sommes capables de sincérités successives, cède la place au grand n’importe quoi du "chacun pour soi". Et nous voici revenus à l’état de guerres tribales où chacun revendique pour soi-même ce qui est par nature impossible : la proclamation d’un monde idéal. Un monde sans violence et sans discrimination, un monde de télétravail et de symbiose avec la nature, où l’on se consolerait de ne pouvoir partir loin en pédalant, rêveurs, dans des rues estivales réservées aux flâneurs. Un monde sans interdit sinon ceux qui protègent mon bien-être, et sans contrainte sinon pour ceux qui l’assurent.

Un monde où les statues de pierres seraient érigées en balsa afin que leur soient substitués des visages au gré des modes et des toquades. Oui, nous sommes bien fragiles de croire à chaque fois que nous pouvons nous ériger en donneurs de leçons les uns pour les autres sans nous appliquer d’abord à nous-mêmes la rigueur dont nous accablons autrui. Avec l’inconstance des gens biens nés nous voici oublieux de ceux qui souffrent sitôt que le vent de liberté souffle ne serait-ce qu’un peu, alors que la veille - la veille encore ! - nous jurions avec assurance qu’ils étaient nos frères "à la vie à la mort".

Et voici qu’en cette semaine quelques dizaines d’hommes vont recevoir l’ordination pour être en France les prêtres des 50 ans à venir. Ils passent inaperçus tant ils sont peu nombreux. Les règles en vigueur dans les églises, manifestement plus dangereuses que les cinémas, empêcheront beaucoup de les rejoindre physiquement. Entourés des quelques proches, ils recevront mission d’être au service dans le monde de la révolution de l’Amour que le Christ conduit. Ils n’ont pour cela que leurs mains, leurs talents et leurs désirs.

Il s’en trouvera même dans l’Église pour leur expliquer que ce à quoi ils s’engagent ne sert pas à grand chose. Et pourtant... à la place qui est la leur désormais, ils donneront chair à cette parole de l’Apôtre : "Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose, afin que personne ne puisse s’enorgueillir devant Dieu."

Oui, c’est bien parce que nos vies sont fragiles que Dieu appelle les plus fragiles à témoigner par leurs existences consacrées, du seul chemin qui nous assure de toujours pouvoir être réparés !

Source : https://rcf.fr/la-matinale/attention-vies-fragiles

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