L’édito de Mgr Benoist de Sinety du 3 septembre 2020

RCF – 3 septembre 2020

En cette période d’incertitudes liée à la crise sanitaire nous sommes tous tentés de nous replier sur nous-mêmes. Le Père de Sinety nous invite au contraire à faire le pari de la confiance.

Savez-vous quel est le bouton le plus utilisé dans les ascenseurs ? Jusqu’à une époque récente il s’agissait du bouton pour accéder au rez de chaussée. Mais depuis quelques années le bouton sur lequel on presse le plus et avec quelle énergie est celui qui commande la fermeture rapide des portes.Quand j’étais petit on m’apprenait qu’il fallait retenir la porte si quelqu’un arrivait. Si on me l’apprenait c’est que cela n’est pas absolument naturel. On me disait : « Benoist, il faut toujours retenir la porte pour laisser entrer ceux qui arrivent après toi ». C’était en quelque sorte une règle de base des cages d’ascenseurs. Le savoir-vivre minimal entre voisins. Et les secondes qui nous séparaient ainsi des étages à gravir permettaient d’échanger des mots inouïs comme : « Bonjour Monsieur, bonjour Madame... ». C’était une époque incroyable où nul n’aurait songé que les secondes passées à attendre un retardataire étaient bien prioritaires.

C’est ce que je me disais précisément l’autre jour en appuyant sur ce satané bouton de fermeture rapide des portes, car je n’échappe malheureusement pas à la névrose ambiante du gain de temps à tout prix. Quel est l’intérêt de ce bouton ? Pourquoi y dépenser tant d’énergie car, et c’est là où l’on constate que la folie n’est pas loin, non seulement on appuie dessus une fois mais on répète cette pression plusieurs fois tant que les portes ne réagissent pas, avec un agacement grandissant... Et tant pis pour le retardataire. En plus avec le covid, la covid, on a la meilleure excuse du monde : surtout que la séparation entre nous soit la plus étanche possible. Plus que jamais l’autre est porteur d’inquiétudes. L’échange de paroles est devenu impossible, les sourires ou les grimaces sont quasi non-identifiables. Il ne reste plus que le regard mais, on ne sait jamais, après tout il y a bien une chanson qui parlait autrefois du « regard qui tue », alors méfiance !

N’ayant pas la redoutable et magnifique mission d’éduquer une progéniture, je ne sais pas ce que je dirais à l’enfant d’aujourd’hui. Mais il me semble que la pire des choses serait de lui enseigner la peur. Ce qui n’a rien à voir avec la prudence. La prudence est une vertu, la peur, elle, est la cause de bien des péchés. A moins qu’il ne s’agisse de la peur de déplaire à Dieu, la seule raisonnable.

La prochaine fois que vous monterez dans un ascenseur, pensez-y avant d’appuyer sur le satané bouton : au moins vérifiez que personne ne vous suit. En cette reprise, pour beaucoup, de ce qui fait un quotidien, aidons-nous ainsi à ne pas confondre le respect avec l’indifférence, la prudence avec la peur, et qu’en toute chose la seule crainte qui habite notre cœur soit celle de ne pas aimer assez !

Source : https://rcf.fr/la-matinale/l-ascenseur-de-la-peur

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