L’édito de Mgr Benoist de Sinety du 5 novembre 2020

RCF – 5 novembre 2020

Benoist de Sinety rend hommage aux victimes du terrorisme, témoins d’une foi, après l’attentat qui a eu lieu dans la basilique de Nice.

Nul ne sait à l’heure qu’il est quelle sera la réponse du Conseil d’État au sujet de la décision de suspendre les célébrations publiques, contestée par l’Église.

Elle s’imposera, comme le réel s’impose à nos vies. Elle sera forcément commentée par ceux qu’elle concerne en premier lieu, c’est-à-dire ceux qui "pratiquent" leur religion. Mais elle le sera aussi par l’immense majorité de nos compatriotes sécularisés, qui ne mettent les pieds dans aucune synagogue, aucune mosquée, aucune église. Si j’étais persuadé que nos débats internes avaient une vraie capacité à mobiliser les foules immenses de ceux qui ne connaissent pas Jésus Christ, je m’en réjouirais. Mais, allez savoir pourquoi, j’ai comme un doute.

Oh, bien sûr qu’il est important de faire respecter le Droit, et surtout dans notre beau pays où les relations entre Église et État doivent être très rigoureuses et attentivement surveillées. Bien sûr qu’il est important, dans la mesure du possible, de permettre que les baptisés puissent se réunir pour célébrer le Christ, écouter sa Parole et être nourris de sa Présence. Mais à condition que ceux-là même qui se rassemblent n’oublient pas qu’ils ne se retrouvent pas pour leur simple satisfaction mais parce que Celui qui les réunit veut qu’ils s’offrent en son nom pour le salut du monde.

L’Eucharistie trouve sa destination dans le don de sa vie par le croyant. Sinon elle risque fort d’être mascarade. En prononçant ces paroles, je frémis comme vous peut-être qui les écoutez, car je sais bien que donner sa vie, c’est une histoire à faire trembler : Jésus n’a-t-il pas été saisi de spasmes au Mont des oliviers ?

Mais quand je regarde les figures qui dans notre pays, ont donné leur vie physiquement, dans le martyre, ces dernières années, qui vois-je ? Un humble prêtre auquel, avant sa mort tragique, certains de ses thuriféraires d’aujourd’hui auraient peut-être reproché de ne porter ni soutane ni col romain et d’avoir trop d’amitié pour les exclus de notre temps. Je vois un sacristain qui faisait le bien au quotidien, un "brave garçon" comme le dit son curé. Je vois une mère célibataire étrangère ancienne danseuse de samba qui aimait ses enfants. Je vois une femme passionnée de théâtre et qui se définissait d’après ses amis comme "très croyante mais peu pratiquante"…

Jacques, Vincent, Simone, Nadine : quatre noms, quatre visages, quatre âmes, quatre chemins de vie où le Seigneur s’est manifesté, ô combien, dans la simplicité de la rencontre en respectant chacun. Dans notre société où la plupart ne se rendent à aucun office, ce sont ces noms qui retentissent aujourd’hui comme ceux des témoins d’une foi qui décidément n’emprunte pas les chemins raisonnables de nos pensées pour se manifester au monde.

Ils doivent, ces frères et sœurs, que nous n’aurions pas tous croisés à nos Eucharisties, nous aider à avancer collectivement, nous, croyants, qui professons publiquement notre foi, sur un chemin d’humilité. Non pas un chemin de fausse modestie du démagogue, ou de crainte comme un peureux : un chemin d’humilité. Celle qui revêt celui qui sait que la manière dont Dieu se révèle au cœur de l’homme le dépasse infiniment, qu’il n’en a ni le monopole ni la recette. Et qui en rend grâce avec reconnaissance en célébrant le culte, en se nourrissant d’une Présence qui lui interdit de se comporter en maître puisqu’il est ainsi configuré au Serviteur dont la joie est que la Vie déborde.

Source : https://rcf.fr/la-matinale/refere-liberte

Chroniques de Mgr Benoist de Sinety sur RCF

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