L’édito de Mgr de Sinety du 2 mai 2019

« Appuyer sur "Pause", prendre le temps de faire le point sur la direction que je souhaite donner à ma vie, aux moyens que j’y consacre… plutôt que d’être englouti dans le flot qui pousse toujours plus vite et toujours plus loin. » À écouter cette semaine : « La vitesse symbole de notre société ? ». Mgr Benoist de Sinety, vicaire général, donne son regard sur l’actualité au micro de RCF.

Et si la vitesse sur le périphérique parisien passait à 50 km/h ?
Pardon à tous ceux qui n’habitent pas la région parisienne de commencer cette chronique par une question qui semble ne pas les concerner, ou les "impacter" comme l’on dit dans la novlangue d’aujourd’hui… Loin du faire une poussée de parisianisme, il me semble que cette perspective de ralentissement progressif de nos moyens de locomotion (rappelons-nous les fameux 80km/h chers aux Gilets Jaunes !) dit quelque chose de notre société.
Je suis absolument persuadé que des nuées d’experts nous expliqueront doctement, feignant de découvrir ce que n’importe quel enfant de trois ans presse sans grandes difficultés : moins on va vite, moins grand est le risque. Il est évident que les accidents automobiles n’ont rien à voir en gravité et en conséquence avec ceux qui surviennent lorsqu’on voyage à dos de mules.
Et c’est d’ailleurs l’argument qui m’a toujours déconcerté dans ces fameux 80 km/h : pourquoi ne pas proposer encore moins puisque la science et les ordinateurs nous imposent l’équation suivante : vitesse réduite = baisse des victimes ? Oui, pourquoi, sinon à cause du risque du ridicule de voir demain les désormais célèbres patinettes électriques lancées à toute bombe entre la porte de Clichy et celle de Clignancourt, doubler les motorisations les plus puissantes ? Métaphore moderne et routière du lièvre et de la tortue.
Mais derrière ces querelles bien françaises, desquelles, je l’avoue, je me délecte aussi, il y a cette question lancinante et vitale du lien que nous avons avec le temps qui passe. Nous sommes devenus tellement habitués à la vitesse que nous en sommes esclaves : les distances ne se mesurent plus en kilomètres mais en minutes ou en heures. Ce qui compte, et ce qui compte seulement, c’est le cadran de nos montres : il faut être toujours plus rapide, toujours plus efficace, jusqu’à l’épuisement, l’implosion parfois même. Nos modes de déplacements en sont le signe patent. Mais ils n’en sont que le signe. Ralentir la vitesse ne sert à rien d’autre qu’à exaspérer les passions, si on ne s’attache pas d’abord à réfléchir ensemble sur le sens de tout cela. C’est s’attaquer aux conséquences du mal sans chercher à en traiter les causes.
Appuyer sur "Pause", prendre le temps de faire le point sur la direction que je souhaite donner à ma vie, aux moyens que j’y consacre… plutôt que d’être englouti dans le flot qui pousse toujours plus vite et toujours plus loin. Au lendemain du 1er mai, ce n’est pas forcément du luxe de se demander simplement : "et moi après quoi est-ce que je cours ?" Tout en laissant résonner ces vers du poète qui terminent la fable en nous laissant interroger par la tortue qui la première franchit la ligne d’arrivée : la Tortue arriva la première. Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? De quoi vous sert votre vitesse ?

Chroniques de Mgr Benoist de Sinety sur RCF

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