L’oecuménisme au Moyen Orient

La question œcuménique diffère au Moyen-Orient et fait face à des problèmes propres à la conjoncture…La division des chrétiens en Orient eut de lourdes conséquences, dont celle de les rendre minoritaires et persé¬cutés sur leurs terres. Aujourd’hui, le problème de leur présence est crucial, et aucune Église ne réussira à relever le défi toute seule. Les chrétiens s’en sortiront tous ensemble, ou disparaitront lentement chacun dans le coin de son bénitier. L’œcuménisme prend là une dimension politique...La situation mondialement difficile du dialogue œcuménique se répercute sur le Moyen-Orient. (P. Antoine Fleyfel, de l’Œuvre d’Orient).

L’œcuménisme est depuis plusieurs décennies une exigence ecclésiale et théologique majeure. Il connut des moments forts au XXe siècle, notamment à travers la création du Conseil œcuménique des Églises en 1948 (350 Églises membres), et dans le sillage de l’aggiornamento du concile Vatican II (1962-1965), tournant décisif en la matière. La question œcuménique diffère au Moyen-Orient et fait face à des problèmes propres à la conjoncture.

Un contexte différent
L’œcuménisme auquel l’Occident est accoutumé concerne principalement les dialogues entre les catholiques, les protestants, ainsi que les orthodoxes dans certains contextes. Le dialogue œcuménique au Moyen-Orient n’est pas concerné d’une manière directe par les problématiques occidentales, d’autant plus que les protestants y sont une minorité adventice. Il évolue dans un environnement particulier, dont il faut soulever deux éléments majeurs. En Orient, en plus des trois familles ecclésiales catholiques, orthodoxes et protestantes, il en existe deux autres : les Églises des deux conciles, dites jadis nestoriennes (actuellement les deux Églises assyriennes), qui ont rejeté le concile d’Éphèse en 431, et les ortho¬doxes orientaux, dits jadis monophysites (coptes orthodoxes, arméniens apostoliques et syriaques orthodoxes), qui ont rejeté le concile de Chalcédoine en 451. Les conséquences sont de taille pour le dialogue qui doit tenir compte de l’histoire des Églises orientales.
Au Moyen-Orient, le dialogue se déroule sur la terre originelle du christianisme, où se maintiennent des structures apostoliques lourdement chargées d’histoire et de traditions. Quatre des cinq sièges de la Pentarchie (Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem) se situent au Moyen-Orient. Les différents schismes les ont chacun fragmentés en une diversité de patriarcats.

Les défis
Les défis majeurs des Églises du Moyen-Orient sont ceux de leur unité et de leur témoignage, notamment auprès des musulmans. Les problèmes de l’uniatisme et le défi de l’avenir constituent sur ce plan des entraves majeures. L’uniatisme, ancienne méthode missionnaire catholique à la source de la création des Églises catholiques orientales, est responsable, d’un point de vue œcuménique, d’une « situation qui est devenue source de conflits et de souffrance d’abord pour les orthodoxes mais aussi pour les catholiques ». C’est ce que pensent les Églises catholique et orthodoxe, signataires de la déclaration de Balamand (1993) dans laquelle elles rejettent l’uniatisme et s’inscrivent dans une vision conciliaire de l’unité comme rétablissement de la communion entre les Églises. La division des chrétiens en Orient eut de lourdes conséquences, dont celle de les rendre minoritaires et persé¬cutés sur leurs terres.
Aujourd’hui, le problème de leur présence est crucial, et aucune Église ne réussira à relever le défi toute seule. Les chrétiens s’en sortiront tous ensemble, ou disparaitront lentement chacun dans le coin de son bénitier. L’œcuménisme prend là une dimension politique.

Les difficultés et les espoirs
Tout ce qui précède doit tenir compte d’éléments qui dépassent microcosme oriental et relèvent de questionnements planétaires. Ainsi, la situation mondialement difficile du dialogue œcuménique se répercute sur le Moyen-Orient,
Les Églises locales dépendent pour une bonne partie des Églises mondiales et subissent par conséquent l’ambiance générale qui y règne. À cela s’ajoute le problème de la crise identitaire qui traverse le monde et qui pousse un grand nombre d’Églises à se renfermer sur elles-mêmes et à adopter des postures parfois peu compatibles avec le dialogue et le témoignage. Cependant, malgré une conjoncture difficile, l’œcuménisme possède des acteurs sérieux.
À la tête le Conseil des Églises du Moyen¬-Orient (CEMO), qui est l’institution œcumé¬nique par excellence dans la région, où presque toutes les Églises sont représentées. Il joue un rôle incontestable depuis plusieurs décennies et revêt un caractère unique, puisqu’il est la seule instance œcuménique à avoir l’Église catholique comme membre. Ceux qui sont engagés sur les chemins de l’œcuménisme rêvent d’une Église Une dans sa communion, que le théologien Jean Corbon décrit ainsi : « Il ne s’agira ni de l’Église (…) d’Arabie, ni de l’Église arabe ou antiochienne, ni de l’Église jacobite ou nestorienne, ni de l’Église orthodoxe ou catholique (…), mais de l’Église vivante en cette région et dont l’identité inclut les Églises particulières qui la composent ».
Pr. Antoine Fleyfel, Université St Joseph-Beyrouth, Œuvre d’Orient
Source : Bulletin de l’œuvre d’Orient N°797 – janvier 2020

Nous remercions le Pr Fleyfel de nous avoir permis de publier ce texte dans le numéro de notre Bulletin du mois de l’Unité. NDLR

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