L’orthodoxie en République Tchèque et Slovaquie (Metropolite Ratislav)

Lors des solennités en l’honneur de saint Dimitri de Bassarabovo, protecteur de Bucarest, le métropolite Rastislav, primat de l’Église des Terres tchèques et de Slovaquie, a prononcé une allocution sur les problèmes de son Église sous le régime communiste et de nos jours.

Le 28 octobre 2017, lors des solennités en l’honneur de saint Dimitri de Bassarabovo, protecteur de Bucarest, le métropolite Rastislav, primat de l’Église des Terres tchèques et de Slovaquie, a prononcé une allocution sur les problèmes de son Église sous le régime communiste et de nos jours, que nous reproduisons des extraits. Le texte intégral se trouve sur le site Orthodoxie.com

« …Je voudrais évoquer maintenant en quelques mots l’expérience de notre Église locale sous le régime communiste en Tchécoslovaquie, qui a marqué notablement son histoire moderne. La psychose qui suivit la guerre dans nos pays a mené beaucoup de chrétiens à la servilité à l’égard du pouvoir de l’État communiste, qui utilisait cet état psychologique des fidèles et qui initia des troubles parmi les membres des différentes religions afin de discréditer l’Église chrétienne comme institution et parvenir à sa liquidation. Le régime communiste tchécoslovaque, dans son combat avec les catholiques romains qui constituaient la plus grande menace en tant que religion la plus nombreuse de toutes les dénominations chrétiennes, n’a pas hésité à exploiter le processus naturel et graduel du retour des Uniates – Gréco-catholiques à l’Église orthodoxe – un processus qui avait commencé bien avant, plus de cent ans avant la révolution de février 1948 en Tchécoslovaquie. Déjà à l’époque de la domination austro-hongroise, des partisans de l’éveil national en Bohême et en Slovaquie regardaient de plus en plus vers la Russie et la partie slave des Balkans, plus particulièrement la Serbie et le Monténégro, où ils trouvaient les racines de leur propre identité. Ce fait a mené les autorités austro-hongroises à intensifier leur lutte contre le panslavisme ce qui, de facto, était une lutte contre l’Église orthodoxe.

Commençant avec Ľudovít Štúr et Václav Hanka jusqu’à Adolf Dobriansk et le procès de Marmaroš-Sighet [intenté par les Autrichiens contre l’archimandrite Alexis Kabaliuk, confesseur de l’Orthodoxie en Russie subcarpathique, ndt] jusqu’à l’exécution du prêtre Maxime Sandowicz, il n’y a eu qu’un chemin de Croix – la voie de l’aspiration à sa propre identité et à l’Église authentique. L’année 1918 et la constitution de la Tchécoslovaquie apportèrent beaucoup de libertés religieuses, qui ont aidé à consolider l’Orthodoxie en Tchécoslovaquie. En effet, le processus déjà existant de retour à l’Orthodoxie fut intensifié par le mouvement qui se produisait dans l’émigration aux États-Unis et au Canada, presque exclusivement chez les anciens uniates des régions les plus pauvres de Slovaquie orientale, qui commençaient à revenir à l’Église orthodoxe. Simultanément, le retour au pays des Tchèques orthodoxes venus de la province de Volhynie [actuelle Ukraine] et l’arrivée de nombreux émigrés russes après la Révolution, ont renforcé la position de l’Orthodoxie en Europe centrale. Si nous ajoutons à cela le renouveau national parmi les catholiques-romains en Bohème, qui a mené à la création de « l’Église de Tchécoslovaquie », dont une partie des fidèles est devenue ultérieurement orthodoxe, les perspectives de développement de l’Église orthodoxe en Bohème et en Slovaquie étaient plus que favorables. Cependant, la Seconde Guerre mondiale arriva à sa fin, et l’Église orthodoxe fut mise hors la loi dans le Protectorat de Bohême-Moravie. L’exécution du saint évêque-martyr Gorazd et de ses plus proches collaborateurs affaiblit la position de l’Orthodoxie en Bohême. En Slovaquie où, jusqu’en 1948, le retour à l’Orthodoxie de paroisses uniates entières s’était déroulé d’une façon naturelle et sans violence, le pouvoir communiste organisa en 1950 le soi-disant « Concile de Prešov » qui a « aboli » l’Église gréco-catholique. Indépendamment de leurs opinions, les anciens uniates sont devenus orthodoxes « en une nuit ». Cela a porté préjudice de façon irréparable et a interrompu le processus naturel en cours. En même temps, les fermes fondations d’un « sentiment d’injustice » et d’une hostilité mutuelle entre les gréco-catholiques et les orthodoxes dans le proche avenir avaient été posées. En même temps, le régime communiste a utilisé ingénieusement des questions sociales pour promouvoir ses décisions dans le domaine religieux. Les liturgies et les messes les jours de semaine et même les dimanches et jours fériés devaient se terminer avant que le travail commence. Les fidèles orthodoxes furent contraints de passer au nouveau calendrier civil, le calendrier grégorien, qui fut également imposé pour la célébration de Pâques. L’ancien clergé gréco-catholique, des professeurs qui avaient formellement accepté l’Orthodoxie mais qui étaient à jamais enfermés dans les catégories scholastiques occidentales, enseignèrent à la faculté théologique orthodoxe.

Toute cette stagnation, nourrie artificiellement et soutenue par le pouvoir, a produit ses fruits amers durant l’année des soi-disant réformes en 1968, sous la forme du « rétablissement » de l’Église gréco-catholique en Slovaquie. Au début, il n’y avait que des escarmouches verbales parmi les fidèles dans les paroisses, qui dégénérèrent très tôt en attaques physiques et en bagarres, bien des fois avec une fin très triste. Néanmoins, le pouvoir communiste contraignit les orthodoxes et les gréco-catholiques à utiliser « communément » les églises, ce qui resta la source de conflits et de provocations innombrables pendant deux décennies. Toutefois, ce fut durant cette période difficile qu’eut lieu un retour conscient de la théologie orthodoxe à la tradition des Pères de l’Église, de même que la purification graduelle de rites liturgiques locaux. En outre, le renouveau fondamental de la vie spirituelle se produisit à la Faculté de théologie orthodoxe et ensuite dans notre plus large environnement ecclésiastique.

La chute du régime communiste en Tchécoslovaquie à la fin de 1989 a apporté une solution douloureuse mais définitive aux problèmes de longue date, ainsi que des accords provisoires entre les orthodoxes et les gréco-catholiques, et a normalisé les relations tendues entre eux par un accord juridique de propriété sous la supervision de l’État. En pratique, cela signifiait que la quasi-totalité des églises et des bâtiments ecclésiastiques dont l’Église orthodoxe était propriétaire étaient cédés aux gréco-catholiques, et que les fidèles orthodoxes étaient contraints de construire de nouvelles églises et des maisons paroissiales, avec toutefois un certain soutien financier de l’État.

Bien que les « chargés des affaires religieuses » aient disparu de la vie ecclésiale, de nouveaux défis sont apparus avec le rétablissement de la liberté, pour laquelle n’étaient pas prêts, en particulier, ceux qui étaient nés avant cette période. Les portes des écoles et des institutions, des prisons et des casernes, des hôpitaux, et d’autres institutions ont été ré-ouvertes pour l’église et les prêtres. Il semble que la liberté nouvelle acquise était la panacée pour toutes les difficultés et problèmes. Il en résulta, cependant, qu’un défi bien plus responsable et un « test » plus complexe que les persécutions se sont présentés à la vie ecclésiale.

De nos jours, bien des personnes comprennent la liberté de l’homme d’une façon absolument différente du concept chrétien. Ce n’est plus la liberté de choix moral et l’idéal qui résident dans l’observation de standards clairs et non ambigus. La liberté faussement comprise, à savoir le libéralisme, dans lequel tout est maintenant possible, j’ose le dire, est un défi bien plus grand pour le christianisme que ne l’était le communisme.
Le consumérisme – c’est la réalité d’aujourd’hui… »
Source : Orthodoxie.com - 11 novembre 2017

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