L’unité entre les chrétiens doit être visible (Cardinal Kurt Koch)

Cette grande entrevue avec le Cardinal Koch, qui a paru dans le Pèlerin, résume le point de vue du Vatican sur l’œcuménisme en 2016-2017

Cinquante ans après Vatican II, où en est l’œcuménisme ? Le président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens s’exprimait sur ce sujet, mardi 6 décembre, à la cathédrale de Strasbourg, dans le cadre d’une journée de commémoration œcuménique des 500 ans de la Réforme. Nous l’avons rencontré.

À propos de l’article ; publié par Agnès Chareton ; édité par Cécile Picco ; publié dans Pèlerin n°7 décembre 2016

Pèlerin  : On entend parfois dire qu’après l’élan du Concile Vatican II, le dialogue œcuménique serait aujourd’hui en panne. Est-ce le cas ?
Cardinal Kurt Koch  : Non, le dialogue œcuménique n’est pas mort, il est très vivant. Seulement, cela nécessite plus de temps qu’on ne le pensait il y a 50 ans, au début du mouvement œcuménique. L’histoire de la séparation entre les Églises chrétiennes est longue, et on ne peut pas surmonter tous les problèmes avec rapidité. La même chose est vraie dans les relations humaines : on se sépare vite, mais cela nécessite du temps pour se réunir. Dans l’œcuménisme, l’engagement et la patience sont les deux vertus cardinales !

Avec le voyage du pape François à Lund, en Suède, en octobre dernier, catholiques et protestants ont commémoré ensemble les 500 ans de la Réforme pour la première fois. Cette étape est-elle déterminante ?
Il y a 50 ans, quand l’œcuménisme a débuté, c’est avec les luthériens que l’Église a commencé à dialoguer, immédiatement après le Concile Vatican II. C’est pourquoi nous commémorons non seulement les 500 ans de la Réforme, mais aussi 50 ans de dialogue intensif entre les catholiques et les luthériens. La commémoration commune de Lund est un grand pas dans le dialogue. Nous n’avons pas encore atteint le but du chemin, mais c’est un encouragement à le poursuivre.

Vous dites toutefois que le risque est de perdre de vue le but du mouvement œcuménique, les chrétiens n’ayant plus la même vision de l’unité. Qu’entendez-vous par là ?
C’est un problème fondamental. Nous n’avons plus de vision commune du but de l’œcuménisme, car il n’y a pas d’accord sur la nature de l’Église. Chaque Église a sa propre définition de son unité et veut faire valoir cette vision au niveau œcuménique. J’y vois le signe qu’il faut mener un dialogue intensif sur la question de la nature et de la mission de l’Église, en particulier avec les Églises réformées. J’ai proposé aux luthériens de préparer une nouvelle déclaration commune sur l’Église, l’eucharistie et le ministère. J’ai l’impression que l’on pourrait avancer sur ces sujets.

Vous mettez en cause notre société post-moderne qui valorise la pluralité et qui relativise l’idée de l’unité..
La mentalité post-moderne est très favorable au pluralisme et pas à l’unité, qui est toujours un petit peu soupçonnée. Le mouvement œcuménique ne doit pas adopter cet esprit du temps, mais doit donner un témoignage sur la nécessité de l’unité. Bien sûr, unité n’est pas uniformité. C’est toujours une unité dans la diversité, comme l’a souligné le fameux théologien protestant, Oscar Cullmann, qui est bien connu à Strasbourg, et que le pape François aime citer.

Cette unité ne doit-elle pas se réaliser dans une même institution, l’Église, qui est le corps du Christ ?
Cette unité doit être visible. Dans sa prière sacerdotale, Jésus prie le Père « pour que tous soient un, afin que le monde croit que tu m’as envoyé. » Pour que le monde croit, il doit voir cette unité. Comment doit être visible cette unité, c’est la question qui reste à discuter entre les différentes Églises.

Après les grands progrès sur les questions doctrinales, catholiques et protestants se sont éloignés sur les questions éthiques. Comment dépasser ces différences ?
Ces questions suscitent des tensions non seulement dans le dialogue œcuménique mais à l’intérieur des Églises confessionnelles. Pour moi, les questions les plus centrales sont les questions de bioéthique, qui ont trait au commencement et à la fin de la vie. Nous avons des opinions différentes sur les questions de l’avortement ou du suicide assisté. Nous devons approfondir ces questions, et élaborer une anthropologie commune. C’est un grand défi, car si les Églises chrétiennes ne peuvent pas s’exprimer d’une même voix sur les questions fondamentales de la vie, de l’homme, la voix chrétienne deviendra de plus en plus faible dans la société.

Il existe un autre défi, celui de la fragmentation des Églises, avec la multiplication des églises évangéliques et pentecôtistes dans de nombreuses régions du monde. En quoi cet éparpillement rend-il le dialogue œcuménique plus difficile ?
Au niveau numérique, le mouvement pentecôtiste est la deuxième confession chrétienne après l’Église catholique. Le pentecôtisme représente en lui-même un grand défi. Dans ces milieux, il existe des groupes anti-œcuméniques ou anti-catholiques, et on ne peut dialoguer qu’avec ceux qui le veulent bien. Mais il y a des groupes évangéliques et pentecôtistes qui veulent instaurer un dialogue avec nous. Le pape François, qui connait bien ces mouvements, a lancé une grande invitation aux représentants des mouvements évangéliques et pentecôtistes, il y a quatre mois. Il les a rencontrés pendant deux heures. Cette initiative a ouvert la porte à un dialogue entre ce mouvement et l’Église catholique, c’est très important.

Vous dites que l’unité peut se réaliser à travers la persécution des chrétiens. Quelle signification donner à cet « œcuménisme du sang » ?
Les chrétiens ne sont pas persécutés parce qu’ils sont orthodoxes, luthériens, réformés ou anglicans. Ils sont persécutés parce qu’ils sont chrétiens. C’est pourquoi le pape François a dit que les persécuteurs des chrétiens avaient une meilleure vision de l’œcuménisme que nous, parce qu’ils savent que les chrétiens sont un ! Le sang de ces chrétiens, qui rendent un témoignage au nom de leur foi, ne divise pas, mais unit les chrétiens. Les martyrs vivent déjà l’unité dans la gloire céleste. Je suis convaincu qu’ils nous aident à retrouver l’unité sur la terre.

La prière peut-elle aider à avancer vers l’unité des chrétiens ?
Oui, car le fondement de tout mouvement œcuménique est l’œcuménisme spirituel. Nous les hommes, nous ne pouvons par parvenir seuls à l’unité. Elle est toujours un don. Et pour recevoir ce don, la condition élémentaire est la prière pour l’unité.

Source : Pèlerin

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