La famille – 15 questions à l’Église

Livre de Mgr André Vingt-Trois paru en octobre 2002.

Extraits.

Les parents, éducateurs en humanité

Si l’éducation à la vie chrétienne est le premier devoir des parents chrétiens, il en est un plus général, qui concerne tous les parents, quelle que soit leur foi. C’est d’aider leurs enfants à devenir des hommes et des femmes adultes. On pourrait appeler ce devoir l’« éducation en humanité ». En quoi consiste-t-il ?

Depuis trois cents ans, les recherches en pédagogie nous ont appris que les éléments qui servent de référence se mettent en place dès le plus jeune âge. C’est dire que l’éducation familiale a un rôle déterminant dans la croissance des jeunes. Avant même d’être scolarisé et de connaître une vie social plus large, le petit enfant apprend de son père et de sa mère ce qui sera le socle des valeurs de référence de toute sa vie. Les étapes suivantes ne feront que développe ces valeurs initiales fondatrices ou les contredire et susciter un conflit intérieur. Quelles sont donc ces valeurs fondatrices ?

Ce sont les valeurs morales fondamentales telles զue vous avez pu les apprendre dans votre famille ou à l’école : le respect de l’autre, de sa liberté et de ses convictions, ce qui n’est pas exactement la même chose que la tolérance ; le respect des biens de l’autre, de ses biens matériels et de ses biens moraux ; le sens de la solidarité humaine et du partage ; le refus du mensonge et la recherche de la vérité dans la relation avec les autres et avec le monde ; le refus de la dissimulation et le sens des responsabilités ; le respect de la parole donnée et des engagements pris, qu’ils soient publics et solennels comme le mariage, ou qu’ils soient, plus modestement, des engagements pris envers les proches dans la vie quotidienne ; le sens du travail bien fait et de la conscience professionnelle ; le respect de son corps et du corps des autres par la pudeur. Vous pouvez allonger cette liste à loisir et comme vous le voyez, c’est un vaste programme.

N’est-ce pas un programme très ambitieux, trop ambitieux ? Qui oserait prétendre pouvoir assurer cette éducation à partir de ses seules ressources ? Ce vertige qui saisit beaucoup de jeunes parents nous invite à réfléchir à un aspect des devoirs des parents, que beaucoup aujourd’hui voudraient pouvoir ignorer ou transformer en fonction de leurs choix particuliers. Jusqu’à présent, nous avons surtout envisagé des devoirs éducatifs : éducation chrétienne, éducation à l’humanité. Nous n’avons pas beaucoup parlé des moyens de remplir ces devoirs éducatifs. Or, la mise en œuvre de ces moyens fait aussi partie des devoirs des parents. Il y a pour eux non seulement obligation d’objectifs, mais aussi obligation de moyens.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire en parlant du mariage et de la famille, l’expérience séculaire des sociétés humaines a mis en évidence des conditions favorables à l’éducation des enfants. Dans la mesure où une société est vraiment civilisée, elle favorise le plus possible la réunion de ces conditions favorables. L’union stable du père et de la mère pour élever leurs enfants fait partie de ces conditions. Elle est même la plus nécessaire. Un mariage unique et définitif est par lui-même un signe vécu du sens des valeurs que l’on voudrait faire connaître aux jeunes : valeurs de fidélité aux engagements pris, de respect de la parole donnée, de respect de l’autre dans ses limites et même dans ses fautes. N’est-ce pas le premier devoir des parents d’offrir ce témoignage de la puissance de l’amour et de la fidélité ?
Je sais que notre société se révèle incapable de soutenir cet effort des parents. Ce n’est pas une raison pour dire qu’un enfant est plus heureux et mieux élevé par des parents séparés que par des parents unis. Nous savons tous ce que ce discours comporte de volonté, même inconsciente, de justifier sa conduite. Ceux qui ont été acculés à ce drame de la séparation savent aussi ce qu’il recouvre de souffrance et de sentiment de culpabilité. L’éducation d’un homme ou d’une femme est une aventure de longue haleine, qui suppose de mettre de son côté tous les moyens disponibles. L’amour et la fidélité du père et de la mère sont au premier rang de ces moyens, c’est un devoir premier des parents.

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