« La musique ouvre une coupe qui n’attend qu’à être remplie »

Paris Notre-Dame du 5 novembre 2020

Le Festival des Heures qui aurait dû se tenir les 13 et 14 novembre au Collège des Bernardins était articulé autour du thème du "Murmure de l’âme". Une invitation à l’épure pour se mettre à l’écoute de la voix de Dieu selon Véronique de Boisséson, organisatrice, avec Pierre Korzilius, de l’événement.

Tableau de Kim En Joong, commenté par François Cheng, exposé à St-Éloi (12e), en 2018.
© Isabelle Demangeat

Paris Notre-Dame – Vous vous voyez dans l’obligation d’annuler cet événement musical que vous préparez depuis deux ans. Il devrait être reprogrammé avant l’été 2021.

Véronique de Boisséson – Nous avons d’abord dû renoncer, la mort dans l’âme, à des artistes programmés qui venaient de loin, des États-Unis, puis du Royaume-Uni. Renoncer aussi à l’intervention très attendue de l’académicien François Cheng. Puis, le couvre-feu est arrivé. Il a fallu tout condenser, diviser le nombre de places par deux. Aujourd’hui, nous sommes face au renoncement à l’extrême… Ce qui est intéressant, c’est que ce renoncement fait écho au thème que nous avions choisi. Nous étions partis,bien avant la Covid-19, de l’idée d’un festival axé sur le retour à l’essentiel, au tout petit, à l’épure, à l’humilité, au presque rien. Une idée venue dans le cadre des travaux menés par le Collège des Bernardins sur l’encyclique Laudato Si’. Dans une société qui vit dans l’agitation constante, dans la surenchère, nous recherchions cette prise de distance par rapport à l’emprise du quotidien, cette nécessité de revenir au recueillement, à l’écoute du murmure de notre âme.

P. N.-D. – Justement, que veut dire « le murmure de l’âme » ?

V. B. – C’est l’idée que les choses essentielles ne se font entendre que si on se met en position de les percevoir, de les écouter. François Cheng donne une très bonne définition de l’âme : « L’âme proche du battement du cœur est à définir comme un murmure ininterrompu qui incarne le foncier désir de vie. » Écouter son âme, c’est donc porter une attention éveillée à tous ces petits miracles de la vie, comme le rayon de soleil qui vient se poser sur le plateau du petit-déjeuner, ou la rose qui se déploie et fleurit. Tous ces miracles que l’on ne sait plus voir et qui sont pourtant des manifestations de la beauté de la Création mais aussi ce qui nous permet de changer de registre et de nous élever vers Dieu, vers le divin.

P. N.-D. – En quoi la musique peut-elle permettre cette posture d’écoute ?

V. B. – La musique a d’abord cette faculté de ne se faire entendre que dans le silence. Elle nous impose le silence. Quand elle surgit, elle ouvre cet espace intérieur et cet espace de communion propice à la manifestation de toutes ces épiphanies potentielles. Elle ouvre non pas un vide mais une espèce de coupe qui n’attend qu’à être remplie. Nous avons cherché des œuvres destinées à nous mettre sur ce chemin de disposition. Nous avions ainsi choisi soit des musiques très épurées, proches du silence comme l’aria incroyable des Variations Goldberg de Bach ou le Magnificat d’Arvo Pärt. Soit des œuvres démontrant la fécondité du silence comme celles jaillies d’un Beethoven muré dans une surdité complète. Ou encore des musiques évoquant cet appel de l’âme qui cherche à se faire entendre comme dans le De Profundis du compositeur franco-ukrainien contemporain Tchesnokov. Dieu, nul ne l’a jamais pu le voir. Mais il a fait entendre sa voix.

Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab

En attente
« Être en attente, c’est être attentif
À tous signes annonçant l’advenance.
Si Dieu est, il est aussi dans l’attente ;
De l’advenance, nous sommes partie prenante. »

Quatrain extrait de “Enfin le royaume” (Gallimard) de François Cheng. L’académicien avait écrit un texte inédit pour l’événement. Il devait être lu par Didier Sandre, sociétaire de la Comédie-Française.

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