La rencontre nationale AFFMIC du 25 novembre 2018 à Notre-Dame de Créteil

Les foyers mixtes sont des laboratoires de l’œcuménisme pratique : la question du baptême des enfants, l’éducation chrétienne, l’hospitalité eucharistique, le témoignage, l’engagement dans les communautés, sont autant de champs d’expériences vécues.

Cependant il y des pratiques initiées dans certains lieux qui posent questions, concernant la double inscription du baptême par exemple. Concernant l’hospitalité eucharistique, l’application des critères de la note des évêques de France de 1983, peut aussi donner lieu à des compréhensions très diversifiées, les « impatiences » sont aussi vécues différemment selon le contexte national et générationnel.

Les foyers mixtes sont des laboratoires de l’œcuménisme pratique : la question du baptême des enfants, l’éducation chrétienne, l’hospitalité eucharistique, le témoignage, l’engagement dans les communautés, sont autant de champs d’expériences vécues. Cependant il y des pratiques initiées dans certains lieux qui posent questions, concernant la double inscription du baptême par exemple. Concernant l’hospitalité eucharistique, l’application des critères de la note des évêques de France de 1983 peut aussi donner lieu à des compréhensions très diversifiées, les « impatiences » sont aussi vécues différemment selon le contexte national et générationnel.

Une centaine de participants pour cette journée : des Foyers mixtes de la première génération et quelques jeunes couples avec enfants et même des fiancés. L’évêque de Créteil, Mgr Michel Santier, fut présent toute la journée et présida la messe du soir où le pasteur Rafi Rakotovao d’origine luthérienne malgache, en ministère pour l’EPUdF de Créteil, prêcha sur la royauté et la souveraineté du Christ. Mgr Santier avait accordé l’hospitalité eucharistique au pasteur, comme il en avait la possibilité à titre exceptionnel. Ce geste d’hospitalité, si fort soit-il, ne voulait cependant pas déroger à la discipline assez restrictive de la communio in sacris [1] qui pour l’Église catholique unit la communion sacramentelle à la communion ecclésiale et empêche une telle pratique de devenir habituelle.

Les foyers mixtes : un parcours de foi entre richesses et contraintes
Deux conférences introductives – par le pasteur Flemming Fleinert-Jensen, puis par le diacre Frédéric de Maack – ont amorcé les échanges en ateliers. Les deux orateurs ont parlé respectivement des deux aspects : la richesse et les contraintes Le pasteur a souligné deux principes qui aident à recevoir en couple les richesses reçues dans la vie de leurs deux Églises. Il s’agit d’abord de discuter souvent, d’échanger sur ce qui affecte dans la vie des Églises respectives, de rechercher comment articuler – pour reprendre les expressions du théologien Paul Tillich – la « substance catholique » et le « principe protestant ». Il s’agit de distinguer le fondamental dans la foi « catholique » au sens non-confessionnel de l’accessoire qui vient le submerger [2] . Le second principe est celui de la « préparation continue au mariage » comme continuation de la préparation initiale. Cela permet de prendre conscience de l’asymétrie du couple quant à la foi et à la pratique personnelle. Les différences chrétiennes dont nous sommes porteurs comme foyers mixtes sont aussi une chance face à l’indifférence du monde, parce qu’elles poussent à un dialogue dans le couple et renforcent aussi la capacité de rendre témoignage au-dehors. Le pasteur Flemming Fleinert-Jensen conclut son propos en invitant les couples mixtes à se ressourcer dans la pratique commune de la lecture de l’Écriture (lectio divina) et à persévérer dans leur mission prophétique vis-à-vis des Églises comme le levain dans la pâte et non comme des militants. Frédéric de Maack proposa que les foyers mixtes parlent des restrictions, des renoncements et des exigences auxquels ils sont confrontés dans les relations avec les familles, le contexte social et les Églises. Ces questions peuvent être abordées lors de la préparation au mariage, la préparation de la célébration et durant la vie commune, notamment en ce qui concerne les enfants (baptême, catéchèse, cène/eucharistie, l’éducation, les questions de la liberté, de la vocation, du choix…). Les restrictions envisagées sont celles des Églises ou celles des traditions familiales. Si elles impliquent des renoncements et amènent à poser des exigences, elles ouvrent aussi à une fécondité pour le couple et pour l’Église dans sa marche pour l’unité.

Sacrement du baptême et enracinement dans une Église
Dans les ateliers, quelques discussions sur les sujets sensibles ont été possibles ; d’abord sur le baptême. Catholiques et protestants luthéro-réformés – ce que sont la quasi-totalité des couples mixtes qui adhèrent à l’AFFMIC – reconnaissaient mutuellement le baptême qui est conféré dans leurs Églises. Cette reconnaissance mutuelle semble une évidence, mais elle n’est pas générale. Nous connaissons la pratique de certaines Églises évangéliques de rebaptiser des personnes qui ont été baptisées enfants, voire adolescents. Les Églises orthodoxes ou coptes varient dans leur pratique : acceptation du baptême catholique ou protestant, chrismation, réitération du baptême. La reconnaissance mutuelle des baptêmes entre les différentes familles d’Églises n’est pas la norme habituelle. Entre Catholiques et Protestants de l’EPUdF, cette reconnaissance est effective, mais des ambiguïtés demeurent ; la pratique au sein des couples mixtes est révélatrice.

Une même théologie du baptême et de ses effets ecclésiaux
Protestants et Catholiques ont donc une compréhension commune du baptême quant à ses effets et à ses modalités. Le baptême est reconnu comme moyen ordinaire de salut pratiqué selon la forme trinitaire avec de l’eau et une profession de foi, pour les petits enfants comme pour les adultes. Dans une compréhension commune, le baptême pratiqué dans l’autre Église agrège au corps du Christ et donne le salut. Cependant, pour les Catholiques cette agrégation à l’unique corps du Christ se fait dans l’une ou l’autre Église et donc pas dans les deux. La célébration œcuménique du baptême selon les normes actuelles définies par le Directoire œcuménique peut être comprise de deux manières.

Célébration œcuménique du baptême ou baptême œcuménique ?
Pour certains le baptême fait entrer dans l’Église universelle, donc qu’importe le lieu et le ministre puisque le baptême est œcuménique. Des couples ont pu témoigner de leur choix de faire baptiser leurs enfants dans l’une ou l’autre Église en alternance, avec l’inscription sur les registres paroissiaux catholiques et ceux éventuellement apportés par le ministre protestant, l’inverse étant plus rare. Cette pratique de la double inscription voulait signifier qu’un unique baptême est reconnu par les deux Églises. Du point de vue catholique, du fait qu’on appartient à une seule Église – catholique ou protestante – l’intégration se fait par le baptême dûment inscrit dans les registres et par la réception des sacrements de l’eucharistie et de la confirmation qui conduisent progressivement à la plénitude de l’initiation chrétienne dans une seule confession.

Complications et confusions pour le parcours chrétien
Pour le reste de la vie chrétienne, l’enfant aura pu recevoir une catéchèse dans un seul lieu pour éviter les surcharges ou encore alterner pour les étapes sacramentaires de la vie chrétienne avec celles de l’Église protestante. Évidemment quand les situations n’avaient pas été décelées ou délibérément ignorées, à l’occasion, par exemple, d’une présentation à la préparation de la première communion d’un enfant baptisé protestant, c’est à la préparation au mariage que la situation devient parfois délicate. Un baptisé protestant qui épouse une personne non-baptisée et qui veut célébrer son mariage à l’Église catholique et qui est de bonne foi se voit renvoyé dans l’Église protestante, alors qu’il ne voit pas le problème puisque son baptême est « œcuménique ». La célébration œcuménique des baptêmes et la participation à la catéchèse de l’autre Église sont souhaitables pour les enfants des couples mixtes, mais si elles forment des chrétiens ouverts à la dimension des différences entre Églises séparées, elles ne forment pas des chrétiens indifférenciés.

La double inscription : les conséquences d’une telle pratique dans les deux confessions
L’inscription dans les registres catholiques est la trace et la mémoire de la vie chrétienne dans la tradition catholique, dans la mesure où les mentions marginales seront complétées à l’occasion de la confirmation et du mariage. L’inscription au registre avec les signatures du baptisé éventuellement, des parents, du ministre et du parrain et de la marraine a aussi une valeur d’attestation pour permettre de répondre aux demandes ultérieures des sacrements de la première communion, de la confirmation, du mariage et de l’ordination. Les registres sont donc le moyen de prouver l’état catholique d’un fidèle qui fait une demande de sacrements. Lors de la préparation au mariage à l’Église catholique, la double inscription réalisée lors de la célébration œcuménique d’un baptême pose un problème et risque de conduire à une incompréhension, tant du ministre qui prépare que du futur conjoint concerné, qui se résoudra au pire par la demande de la dispense pour disparité de culte, comme pour un mariage entre un Catholique et un non-baptisé ! Du point de vue catholique, la double inscription lors du baptême ne peut être ratifiée en dépit des pratiques observées ici ou là.

Les sacrements : eucharistie et sainte cène, un défi pour nos Églises
Les normes de l’hospitalité eucharistique entre Catholiques et Protestants sont exposées dans le Directoire œcuménique [3] qui présente les conditions et les modalités du point de vue catholique. L’hospitalité eucharistique doit être une exception, mais il existe quelques ouvertures. Du point de vue protestant, au contraire, l’accès à la communion est très large. Le défi sera sans doute de ne pas faire de la cène une simple « agape » comme le pratiquent les orthodoxes justement pour tous ceux qui ne peuvent ou ne se sentent pas dignes à un moment de communier. La pratique catholique s’est considérablement élargie à cause de l’assouplissement du lien entre communion et pratique du sacrement de pénitence. La communion d’une assemblée étant devenu quasi-générale, cela semble stigmatiser ceux qui en sont habituellement exclus. Le paradoxe de l’hospitalité eucharistique, c’est que l’on demande aux protestants qui veulent communier un degré de conscience doctrinale que l’on ne demande à aucun catholique ou orthodoxe qui voudrait et pourrait recevoir l’hospitalité eucharistique.

L’hospitalité eucharistique avec les chrétiens des Églises issues de la Réforme en France. Note du 14 mars 1983 sous la responsabilité des évêques de France
Le Directoire œcuménique dans son édition française contient en annexe une note de la Commission épiscopale pour l’unité des chrétiens adressée aux prêtres et aux fidèles catholiques (14 mars 1983). Elle a pour titre L’hospitalité eucharistique avec les chrétiens des Églises issues de la Réforme en France. Il est donc à noter que la question ne se pose pas avec les orthodoxes, puisqu’ils n’accueillent pas des non-orthodoxes à la communion lors d’une divine liturgie. bien que ce principe établi dans le droit canonique orthodoxe puisse souffrir des exceptions, mais cette participation implique une identité de foi dans le mystère eucharistique et la pratique de la confession des péchés avec réception du sacrement de réconciliation. En ce qui concerne les relations entre les catholiques et les protestants, la première partie de la note développe la question : pourquoi l’hospitalité eucharistique ne peut-elle être habituelle ? » Les numéros 1,2 et 3 affirment le lien entre communion eucharistique et communion ecclésiale. La foi en l’eucharistie est portée par la foi en la doctrine de l’Église ; en particulier la doctrine sur le lien avec le ministre qui célèbre l’eucharistie comme tête du corps du Christ en communion avec l’autorité apostolique incarnée dans l’épiscopat personnel en communion avec la tête du collège épiscopal, le pape. La question des ministères ordonnés qui n’est pas résolue dans le dialogue œcuménique fait obstacle à l’hospitalité eucharistique habituelle. Il ne s’agit donc pas uniquement d’être en accord avec la doctrine sur l’eucharistie et la « présence réelle ». Sur ce sujet, le dialogue est proche du consensus différencié, là où les différences ne sont pas considérées comme séparatrices. La deuxième question de la note est de savoir à quelles conditions cependant certains cas exceptionnels d’hospitalité eucharistique peuvent être envisagés. » Si c’est l’Église catholique qui est sollicitée pour l’hospitalité, il faut de la part du demandeur « un désir spirituel éprouvé » et « un engagement actif au service de l’unité, ainsi qu’une adhésion de foi sur trois points précis ».

La dimension sacrificielle du mémorial
Pour tout chrétien, le Christ s’offre en sacrifice unique et définitif sur la croix, mais les catholiques affirment de manière spécifique que « le Christ est présent dans le sacrifice de la messe surtout sous les espèces eucharistiques ». (Sacrosanctum Concilium 7, 153)

La présence réelle
Sans être exclusive, la présence réelle du Christ déborde les seules espèces eucharistiques, mais la réalité considérée est « son propre corps et son propre sang » (Concile de Trente) sans pour autant que le corps eucharistique présent dans les espèces soit passible ou augmente avec la quantité de matière ! Le réalisme eucharistique se situe de manière intellectuellement inconfortable entre le symbolisme et le matérialisme.

Le lien entre communion eucharistique et communion ecclésiale
Ce point est développé dans la première partie. Le cœur du problème, c’est le ministre ordonné qui, du point de vue catholique, est le seul habilité à présider l’eucharistie, même s’il existe « la participation active des fidèles » – expression catholique qui rappelle le sacerdoce commun de tous les fidèles et qui rejoint le sacerdoce universel du chrétien (qui s’est dressé contre la cléricalisation du sacerdoce ministériel). Le Catholique désireux de communier à la cène doit agir en conscience et ne « pas mettre en péril l’appartenance à sa propre Église ». Bien que cela ne soit pas indiqué le Protestant voulant communier à l’eucharistie peut sans doute appliquer le même discernement. Mais la restriction est, du point de vue catholique, plus forte pour l’éventuelle participation catholique à la cène.

L’engagement actif au service de l’unité
Les couples mixtes qui ont vécu les débuts de l’engagement œcuménique de l’Église catholique, ou ceux qui vivent dans un contexte d’une large mixité œcuménique, comme dans certaines parties de l’Allemagne, peuvent manifester de l’impatience quant à la normalisation de la pratique de l’intercommunion, d’autant que celle-ci se pratique entre Églises protestantes dans le cadre de la Communion d’Églises Protestantes en Europe (CEPE). Le pape François et le révérend Mounib Younan de la Fédération Mondiale Luthérienne déclaraient ensemble le 31 octobre : « Beaucoup de membres de nos communautés aspirent à recevoir l’Eucharistie à une même table, comme expression concrète de la pleine unité. Nous faisons l’expérience de la souffrance de ceux qui partagent leur vie tout entière, mais ne peuvent pas partager la présence rédemptrice de Dieu à la table eucharistique. Nous reconnaissons notre responsabilité pastorale commune pour répondre à la soif et à la faim spirituelles de nos fidèles d’être un dans le Christ. Nous désirons ardemment que cette blessure dans le Corps du Christ soit guérie. C’est l’objectif de nos efforts œcuméniques, que nous voulons faire progresser, y compris en renouvelant notre engagement pour le dialogue théologique. » Pour mettre les choses en perspective nous pouvons dire que le dialogue théologique est d’autant plus nécessaire que les impulsions affectives risquent de conduire à des impasses. Enfin, la question dépasse le seul dialogue catholique et luthéro-réformé, même si c’est là qu’elle est le plus sensible.

Père Jérôme Bascoul

[1« Communion dans les choses sainte », possibilité pour les fidèles d’une Église de bénéficier des bienfaits spirituels dans une autre Église. Notion plus large que l’hospitalité eucharistique.

[2Paul TILLICH, Substance catholique et principe protestant, Collection Œuvres de Paul Tillich - N° 4, Cerf, Labor et Fides, Laval, 1996.

[3Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcuménisme, Cerf 1994.

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