Le jeûne, « thérapie » divine

Paris Notre-Dame du 19 mars 2020

Le jeûne, pratique chrétienne ancestrale, est aussi une forme de thérapie à la mode. Quelles sont les raisons de jeûner durant le Carême ? Est-ce obligatoire dans l’Église ? Le point avec Fr. Giovanni Battista Novelli, des Fraternités monastiques de Jérusalem de St-Gervais (4e).

© Jean-Michel Penot

Paris Notre- Dame – Le jeûne est pratiqué dans le cadre de certaines thérapies de bien-être. Quelle différence avec le jeûne vécu dans l’Église depuis des siècles ?

Fr. Giovanni Battista Novelli – Ce qu’il peut y avoir de commun en tout cas, c’est l’expérience de liberté que l’on fait quand on jeûne. Contrairement à l’animal, l’homme est capable, en raison de valeurs supérieures, de se restreindre volontairement. Concernant la tradition chrétienne, la pratique du jeûne est déjà évoquée dans l’Ancien Testament. Elle est liée au côté pénitentiel de la vie chrétienne qui peut être compris sous deux aspects : l’appel à la conversion adressé par le Christ (« Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 4, 17)). Mais aussi l’union à la passion de Jésus-Christ (« Des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils [les disciples] jeûneront » (Mt 9, 17)). Pour autant, il ne s’agit pas d’une pratique « punitive ». Le jeûne est un acte qui montre le désir de l’homme de se rendre plus malléable à la grâce de Dieu. Il s’agit d’associer le corps à la prière et à la relation au Christ. C’est comme si tout notre corps devenait prière pour entrer dans une transformation intérieure.

P. N.-D – Quand et pourquoi l’Église préconise-t-elle le jeûne, est-ce obligatoire ?

G. B. N. – Chacun peut vivre librement cette démarche au cours de sa vie spirituelle. Dans le temps liturgique, l’Église a néanmoins établi des moments communautaires pour la vivre ensemble. Chaque vendredi de l’année, les fidèles sont ainsi tenus de se souvenir de la passion du Christ par des actes concrets, avec des indications différentes selon les conférences épiscopales du monde. En France, il est généralement recommandé de s’abstenir de viande, d’alcool ou de tabac, et de réaliser une pratique plus intense de prière et de partage. Le temps du Carême est le temps pénitentiel par excellence. Durant les vendredis du Carême, il est donc demandé de ne pas consommer de viande, si c’est possible, et le Mercredi des Cendres et le Vendredi saint, de pratiquer un jeûne substantiel de nourriture, selon l’âge et la santé du chrétien, et de réserver un temps notable à la prière. Dans l’Évangile, le Christ conseille lui-même de jeûner pour lutter contre le mal (Mc 9, 14-29). Il le pratique au désert (Mt 4, 1-11) et il encourage à le vivre en secret (Mt 6, 16-17)…

P. N.-D. – Peut-on attendre des fruits particuliers du jeûne ?

G.-B. N. – Le jeûne fait partie de la triade classique, avec la prière et l’aumône, sur laquelle insistent l’écriture et les Pères de l’Église. Ce qui montre bien que le chrétien n’est pas appelé à jeûner pour lui-même, ou seulement pour soigner sa relation personnelle à Dieu. Le jeûne implique toujours notre charité. Par exemple, en partageant avec d’autres ce que l’on aurait pu manger ou épargner (ou économiser) grâce à notre jeûne… Par le jeûne, l’homme perçoit également des bénéfices spirituels et une certaine maîtrise de soi, lui permettant de se tourner vers le Seigneur, vers plus de vigueur et de liberté intérieure. En jeûnant avec toute l’Église, on fortifie aussi l’unité du corps ecclésial en chemin, car il s’agit d’une démarche commune. On peut encore jeûner pour demander quelque chose de spécifique, mais il n’est pas possible d’en mesurer l’efficacité au sens humain. On ne jeûne pas pour satisfaire un désir de Dieu qui, en récompense, nous rendrait une faveur. Le jeûne signifie d’abord le désir intérieur de l’homme de s’unir à Dieu.

Propos recueillis par Laurence Faure @LauFaur

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