Le martyre en 2015

Paris Notre-Dame du 30 avril 2015

P. N.-D. – La triste actualité n’a de cesse de nous rappeler la réalité du martyre. Quel sens a-t-il pour les chrétiens ?

Mgr Denis Jachiet, vicaire général du diocèse de Paris.
© Ariane Rollier

Mgr Denis Jachiet – Le mot martyre vient du grec et signifie témoin. Si tout chrétien, par son baptême, est un témoin du Christ, le martyr est celui dont le témoignage de foi, par sa parole et par ses actes, va jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la mort. Mais il s’agit bien d’un témoignage de vie : le martyr accepte la mort en raison de sa foi car elle signifie que quelque chose de plus grand l’attend, la Résurrection ! Il est très important de préciser que les martyrs n’ont pas choisi cette forme-là de témoignage. Aussi ne peuvent-ils être poussés par un éventuel fanatisme, une violence intérieure ou une tendance suicidaire. Le Christ dit : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais moi, je vous ai choisis […] afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit » (Jn 15, 16).

P. N.-D. – Pourquoi a-t-on en quelque sorte oublié cette réalité en Occident ?

Mgr D. J. – Au début du christianisme, il y avait beaucoup de martyrs. Les trois premiers siècles ont été marqués par les persécutions contre les chrétiens. Ainsi, lorsqu’on demandait le baptême, le martyre faisait partie de l’éventualité proche. En Gaule, on pense à sainte Blandine ou à saint Denis par exemple. Dans notre histoire européenne, cette réalité s’est ensuite estompée jusqu’aux missions du XVIe siècle. La Révolution française et les guerres au XXe siècle ont engendré des persécutions. Ces situations restent aujourd’hui une réalité extérieure à l’Occident qui bénéficie de la liberté de culte. Ceci dit, hors contexte de martyre, existent tout de même des situations de souffrance dans le témoignage de la foi.

P. N.-D. – Pourquoi craint-on spontanément le martyre ?

Mgr D. J. – Il est naturel que la perspective de la mort fasse peur : nous sommes faits pour la vie. Il est normal d’avoir des craintes vis-à-vis de la souffrance et de l’appréhension concernant sa capacité à être fidèle au Christ jusqu’au bout…

P. N.-D. – Que dire des martyrs en Orient ?

Mgr D. J. – Même dans un contexte pacifique, les chrétiens d’Orient sont un témoignage, car être une minorité religieuse dans un pays musulman est difficile et coûteux. Ils portent avec une grande fidélité l’héritage de nos pères. Aujourd’hui, dans certains pays comme la Syrie, l’Irak, ou la Libye, ils vivent une situation de réelle persécution. Il n’est pas inutile pour nous Occidentaux de mener une réflexion sur ces chrétiens qui subissent la perte de leurs biens, l’arrachement à la terre de leurs ancêtres, l’exil, et qui préfèrent mourir que de renier leur foi. Ces chrétiens-là actualisent pour nous le mystère du don de sa vie par fi délité au Christ. Il devient pour nous quelque chose de contemporain, qui fait que nos vies chrétiennes portent du fruit. Il est à cet égard important qu’on garde la mémoire de ces exemples de vies offertes pour contribuer à leur fécondité. • Propos recueillis par Ariane Rollier

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