Le syndicalisme chrétien a-t-il encore un avenir ?

Paris Notre-Dame du 16 janvier 2020

La CFTC vient de célébrer les 100 ans de sa création. Un siècle après, que signifie le syndicalisme chrétien ? A-t-il encore un avenir ? Son nouveau président, Cyril Chabanier, décrypte la position et la spécificité du 5e syndicat de France.

Cyril Chabanier a été élu le 7 novembre dernier président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).
© Bernard Gouëdard CFTC

Paris Notre-Dame – Cent ans après la création de la CFTC, le syndicalisme chrétien existe-t-il toujours ?

Cyril Chabanier – Non seulement il existe, mais je pense que les valeurs qu’il prône sont encore plus d’actualité qu’il y a un siècle. Dans le syndicalisme chrétien, la référence à la personne – dans toutes ses sphères, y compris spirituelle – est centrale. Si je prends la question qui est au cœur de l’actualité aujourd’hui, celle des retraites, on voit bien que la position de la CFTC sur ce sujet s’inspire des valeurs chrétiennes. Pourquoi ? Parce qu’au lieu de défendre un système, nous nous occupons de la personne. Peu importe qu’elles soient chauffeurs de métro à la RATP ou à Marseille, si ces personnes font le même métier, si leurs conditions de travail sont aussi difficiles, elles doivent bénéficier des mêmes droits. Or, aujourd’hui, ces deux catégories de travailleurs partent avec cinq ou six ans d’écart, car l’une bénéficie d’un régime spécial et l’autre pas. Rien, du point de vue de la personne et des situations auxquelles elle fait face, ne justifie cet écart. C’est ce qui fait notre différence et c’est une approche moderne, partagée aujourd’hui par beaucoup de personnes.

P. N.-D. – Cette notion d’humanisme est ancrée dans votre histoire ?

C. C. – C’est la CFTC qui l’a mise en exergue. Il y a cent ans, il n’existait qu’un syndicat, la CGT, d’inspiration révolutionnaire. La CFTC a, pour la première fois, introduit dans le syndicalisme cette notion d’humanisme, issue de la pensée sociale chrétienne. Tout cela semble acquis aujourd’hui, mais il faut se rappeler qu’il y a un siècle déjà, la doctrine sociale chrétienne prônait cette volonté de réforme constructive, en opposition à la voie révolutionnaire. Se référer à la doctrine sociale chrétienne, c’est se référer encore aujourd’hui à des valeurs humanistes, à la dignité de la personne, à la notion de Bien commun, qui va bien au-delà de l’intérêt général, car il dépasse les seuls intérêts particuliers. Cette approche humaniste marque l’essentiel de notre différence avec les autres syndicats dits réformistes.

P. N.-D. – Aujourd’hui, les corps intermédiaires, État, Églises, syndicats, semblent en perte de vitesse. Comment y remédier ?

C. C. – Cela fait des années que nous disons que nous sommes dans un monde en plein bouleversement et qu’il est nécessaire de construire un nouveau contrat social. Il ne suffit pas de féminiser ou de rajeunir nos instances, ce que nous avons fait. Ou de travailler à faire comprendre que l’environnement et le progrès social sont les deux faces d’une même pièce, et qu’il ne sert à rien de les opposer. Il faut nous remettre en question et concevoir le syndicalisme autrement. Or, force est de constater que les syndicats se remet tent peu en cause. Quand on me dit que les Français ne sont plus solidaires, qu’ils ne s’engagent pas, moi je réponds que je n’y crois pas. On l’a constaté lors de la crise des Gilets jaunes ou durant le Grand Débat : les Français veulent participer à la vie publique, donner leur avis, s’impliquer… C’est peut-être notre réponse qui ne convient plus. C’est pourquoi je souhaite travailler à faire de la CFTC une caisse de résonance de ces colères, savoir les capter, les comprendre pour proposer des solutions.

Propos recueillis par Priscilia de Selve @Sarran39

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