Légende dorée

Edith L’Haridon

Face à l’église Saint-Séverin, la Galerie Saint-Séverin présente « Légende dorée », une exposition de la plasticienne Edith L’Haridon. Sur une proposition d’Yves Sabourin, l’œuvre conçue spécialement pour la Galerie est visible jour et nuit, 4 rue des Prêtres-Saint-Séverin, Paris 5e. M° Cluny-la-Sorbonne, Saint-Michel.

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 Edith L’Haridon, Légende dorée, 2015, Rolling angel – Sainte Agnès, détails.
 Vernissage le 17 décembre 2015 de 19h à 21h

Infos
jeudi 17 décembre 2015 au 14 février 2016

Légende dorée

Le choix d’Edith L’Haridon de s’inspirer de La légende dorée, écrite par le dominicain italien Jacques de Voragine entre 1261 et 1266, et qui raconte la vie d’environ 150 saints, permet à l’artiste d’exprimer ses recherches plastiques sur la condition humaine vue à travers le corps et ses multiples postures. Il est impossible de ne pas mentionner cet autre dominicain français Vincent de Beauvais et son Speculum maius, écrit entre 1246 et 1263, une encyclopédie universelle qui, avec une érudition extraordinaire, « traite de tout » comme de la Création et de la Genèse mais aussi de la lumière ; de la couleur ainsi que de la musique ; des animaux ; de la psychologie ; de la physiologie sans oublier l’anatomie du corporis humani (corps humain). Ces textes seront des sources d’inspirations extraordinaires et merveilleuses pour les visionnaires que sont les artistes de l’époque, les plasticiens d’hier et d’aujourd’hui comme Edith L’Haridon, qui s’approprie les couleurs du Quattrocento et regarde la peinture de Francisco de Zurbarán (1598-1664) pour ses Saintes Martyres en habit de lumière qui souffrent dignement.

Chez Edith L’Haridon, le corps féminin ou masculin habillé ou dénudé, selon les époques, est l’expression d’un plaisir gustatif et savant. La représentation de l’Homme dans la peinture occidentale est le modèle essentiel depuis des siècles qui évolue aussi en simultané avec l’Histoire intellectuelle, spirituelle et artistique. Certains plasticiens contemporains l’expriment de façon forte et toujours novatrice comme dans les travaux de : Jean-Louis Aroldo (FR), Hernan Bas (US), Georg Bazelitz (DE), Michaël Borremans (BEL), Michel Bompieyre (FR), Damien Cabanes (FR), Marie Ducaté (FR), Laurent Esquerré (FR), Adrian Ghenie (RO), Mohamed Lekleti (FR) et Markus Lüpertz (DE). C’est avec les mêmes convictions, que ces peintres qu’Edith L’Haridon traite les chairs de ses suppliciées. Excepté que chez elle, il ne s’agit pas de peinture mais de bas-reliefs modelés avec de multiples matières textiles colorées (feutre industriel, Mousse de Mouzon, dentelle aux fuseaux ou au crochet, croquet, lacet, tresse, ruban, laine de chez Plassard) et quelques morceaux de papier rehaussés de broderie au fil de soie. Afin de dresser sa Légende dorée , l’artiste choisit, de manière délibérée, une suite de saintes martyres aux corps exaltés par la souffrance et glorifiés dans des torsions baroques où la courbe fait écho à la contrecourbe renforcées ici par la verticalité de chaque panneau.

Pour dresser la « procession de Saint-Séverin », l’artiste et moi-même avons sélectionné sept figures sur les onze créées. Il s’agit de Sainte Catherine d’Alexandrie associée à l’instrument de son supplice : la roue armée de lames tranchantes ; Sainte Blandine dite de Lyon emprisonnée dans un filet et livrée aux animaux sauvages tel le lion ; Sainte Agnès de Rome avec, à ses pieds, son attribut fétiche : l’agneau symbolisant également le Christ ; Sainte Euphémie de Chalcédoine, en ancienne Grèce, qui sortit indemne de divers supplices, comme les flammes, pour mourir sous la morsure d’un ours. Et enfin, Sainte Cécile de Rome, patronne des musiciens et des brodeurs, représentée par l’artiste avec un violoncelle brisé qui symbolise le martyre de cette sainte décapitée.

La liberté d’Edith L’Haridon, sa libre expression, lui permet d’illustrer sa Légende dorée avec une forme de violence purement artistique soutenue par une espièglerie qui la pousse à faire rentrer dans cette parade sérieuse deux figures à l’identité contemporaine que sont : l’Ange de la Haute Couture, à l’allure d’un sportif de course de haies brandissant comme témoin une paire de ciseaux, et le trublion Roller Angel chaussant avec désinvolture les roues de Sainte Catherine pour toujours avancer.

Edith L’Haridon a choisi d’associer à ce retable Agnus Dei de Paul Verlaine, poème moderne tiré du recueil Liturgies intimes (1892), et dont la 1e strophe exprime bien sa Légende dorée .

L’agneau cherche l’amère bruyère,
C’est le sel et non le sucre qu’il préfère,
Son pas fait le bruit d’une averse sur la poussière.
 
Quand il veut un but, rien ne l’arrête,
Brusque, il fonce avec de grands coups de sa tête,
Puis il bêle vers sa mère accourue inquiète…
 
Agneau de Dieu, qui sauve les hommes,
Agneau de Dieu, qui nous comptes et nous nommes,
Agneau de Dieu, vois, prends pitié de ce que nous sommes.
 
Donne-nous la paix et non la guerre,
Ô l’agneau terrible en ta juste colère. Ô toi, seul Agneau,
Dieu le seul fils de Dieu le Père.
Portrait de l’artiste dans son atelier, © Hubert Minet

Edith L’Haridon,

Née à Brest en 1952.
Après ses études universitaires et l’obtention d’un diplôme de professeur d’allemand, elle part pour le Japon où elle s’initie à l’art traditionnel de la peinture à l’encre de Chine. Revenue en France, elle poursuit dès 1980 son apprentissage à Paris auprès d’un maître japonais reconnu, Hachiro Kanno.
Son parcours personnel l’amènera à prendre quelques distances avec l’enseignement du maître : de 1993 à 1995 elle utilise des matériaux de récupération pour de petites mises en scène intimistes qui attireront l’attention de la galerie Arnoux, rue Guénégaud, à Paris.
En 1996 elle s’installe en Bretagne et revient à l’encre de Chine avec des monotypes sur toile de coton qu’elle ornemente de plastiques et de papiers brodés. Elle renoue avec une tradition familiale de couture et de broderie. Elle ouvre son atelier à Quimper et à Auray, y rencontre son public, lui présente son « livre d’heures ».
En 2000 elle passe à la peinture numérique, mais dialogue ce faisant avec l’aiguille et le crochet : le pixel ou la maille. Même l’espace numérique est « couturé ». Elle quitte la Bretagne en 2003, s’installe au Maroc, puis dans la région lilloise où elle vit aujourd’hui. Elle expose à la galerie Circé à Lille en avril 2013 et organise en 2014 une exposition personnelle dans son atelier lillois. En 2014 elle conçoit la série « La Princesse au petit Pois » sur ordinateur donnant au pixel le statut de point de broderie mais la matière de ces tableaux intimes est purement textile. En 2015 elle participe à l’exposition Autrement textile Chronique contemporaine aux Musées de la soierie et hospitalier de Charlieu.

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