Les couleurs retrouvées de Saint-Germain-des-Prés

Paris Notre-Dame du 16 février 2017

Le passage du temps avait eu raison de l’éclat des décors de cette église parmi les plus anciennes de Paris. Une vaste opération de restauration leur donne une nouvelle jeunesse – l’occasion de redécouvrir des chefs-d’œuvre oubliés.

Derrière les bâches de protection des travaux de restauration, les peintures murales d’Hippolyte Flandrin retrouvent leur fraîcheur originelle.
© Yannick Boschat

« Cela a été un choc ! En découvrant l’éclat des peintures qui se trouvaient sous les couches de crasse, j’ai ressenti une grande joie et une immense surprise, confie Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques, en charge du projet. Je n’avais pas mesuré, malgré les études et les textes, le caractère éclatant de ces couleurs ! » Le blanc des tuniques des Apôtres, le rouge des colonnes, le vert de l’arbre de Jessé, les fonds dorés et le bleu de la voûte étoilée… Derrière les bâches de protection des travaux de restauration du chœur des moines, les peintures murales d’Hippolyte Flandrin ont retrouvé leur fraîcheur originelle. Et à l’heure où les vitraux, également restaurés, s’embrasent, le Collège apostolique et L’entrée du Christ dans Jérusalem s’illuminent. Qui aurait pu imaginer que tant de splendeur se cachait-là ?

Afin de retrouver toute la vivacité de ces décors peints, réalisés au XIXe siècle sous la direction de l’architecte Victor Baltard, et confié à Hippolyte Flandrin et Alexandre Denuelle, plusieurs étapes ont été nécessaires (dépoussiérage, gommage, décrassage, peintures des zones lacunaires, etc.), mobilisant peintres, maîtres verriers, sculpteurs ou encore ferronniers. « Le défi est de redonner à voir la peinture en respectant sa technique à la cire et que nos interventions ne portent atteinte au travail de l’artiste », précise Pierre-Antoine Gatier. Après le choeur des moines – qui rouvrira au public à Pâques – c’est l’essentiel des peintures, du mobilier et des boiseries des intérieurs, qui devrait être restauré à l’horizon 2020.

Transmission et profondeur de la foi

Fondée au VIe siècle par le roi Childebert, fils de Clovis, et l’évêque Germain, cette église est l’un des édifices cultuels les plus anciens de Paris. Trésor architectural, riche de toutes les transformations successives, elle mêle les styles romans, baroques et gothiques. Soucieux de préserver cet héritage, la Ville de Paris, la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC) et le Fonds de dotation pour le rayonnement de l’église St-Germain-des- Prés travaillent de concert avec la paroisse. Le coût total de l’opération a été estimé à 6,4 millions d’euros, somme à laquelle la Ville contribue à hauteur de 1,2 million. « Il reste 3,8 millions à trouver, détaille Jean-Michel Delisle, administrateur du fonds de dotation. Nous avons lancé des opérations, une fondation aux États- Unis ou encore le projet “Adopte une étoile [1]”, pour attirer les dons._ » Les paroissiens, eux aussi, sont mobilisés. « Que ce soit en argent ou en temps, nous nous investissons, confie Pierre, 60 ans. C’est une reconquête de notre église, cela crée du lien, donne le sentiment d’une paroisse vivante qui travaille pour les générations futures. » Cette idée de transmission anime également le P._Antoine de Folleville, curé de la paroisse. « St-Germain a reçu pour mission de se consacrer aux jeunes et aux étudiants. Ceux-ci recherchent une profondeur de foi. Nous sommes heureux de les accueillir dans un tel cadre. C’est vrai pour chaque visiteur. Le beau est transcendantal, nous en avons besoin pour élever notre regard au-delà du quotidien. » Quoi de mieux, dès lors, que de lever les yeux vers cette voûte céleste à l’éclat retrouvé ? • Anne-Louise Sautreuil

[1Pour donner votre nom à une étoile de St-Germain, rendez-vous sur la plateforme de financement participatif : https://www.commeon.com/fr/projet/SGP

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