Marie Noël, femme blessée mais poète de l’espérance

Paris Notre-Dame du 12 mai 2022

Les 14 et 15 mai [2022], un spectacle autour des textes de Marie Noël est donné à l’Espace Bernanos, intitulé Aux âmes troublées, leur sœur. Entretien avec le P. Philippe Desgens, délégué de l’archevêque pour la culture, qui est à l’initiative de ce projet théâtral.

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

Marie Noël vers 1918
© Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne

Paris Notre-Dame – Pourquoi consacrer un spectacle à Marie Noël ?

Philippe Desgens – Cela faisait très longtemps que j’avais envie de proposer quelque chose autour des textes de Marie Noël. J’ai découvert ses Notes intimes, – le nom donné à son journal qu’elle a tenu de 1920 à 1940, publié en 1959 –, il y a de nombreuses années, et j’ai développé un intérêt, une amitié même, pour cette poète trop peu connue. Je me suis adressé à Élisabeth Commelin, une comédienne que je connais depuis longtemps, familière des spectacles spirituels, à qui j’ai confié une sélection d’extraits des Notes intimes et quelques poèmes qui me semblaient particulièrement intéressants. Élisabeth Commelin a remanié et scénarisé l’ensemble afin d’offrir un spectacle présentant les quatre saisons de la vie de Marie Noël : l’enfance, la jeunesse, la maturité et la vieillesse. Elle a imaginé une alternance entre les différents textes et la musique, et le tout a été mis en scène par André Obadia. C’est un spectacle grand public, pour découvrir ou redécouvrir Marie Noël et se plonger dans son univers tellement original.

P. N.-D. – On connaît mal Marie Noël. Comment la présenter ?

P. D. – Alors qu’elle était toute jeune et en prière à la cathédrale d’Auxerre (Yonne), Marie Noël, de son vrai nom Marie Rouget, a eu cette supplication à Dieu : elle voulait être poète, beaucoup souffrir et être sainte. Poète, elle l’est assurément et reconnue comme telle de son vivant. Elle entretient une correspondance très régulière avec les grands auteurs de son époque, comme Colette, Cocteau, Montherlant, etc. « Beaucoup souffrir », hélas, s’est également réalisé. Il y a, je crois, deux drames dans la vie de cette femme. Elle a perdu un frère très jeune, Eugène, retrouvé mort dans son lit, au petit matin, le lendemain de Noël. Elle choisira son pseudonyme en souvenir de cette tragédie. Coïncidence inouïe, elle meurt le 23 décembre 1967, veille de Noël. Le deuxième drame de sa vie, qui se lit en filigrane dans ses poèmes, c’est de ne pas avoir trouvé de mari et de devoir accepter ce célibat et la solitude. Concernant son désir de sainteté, une cause de béatification est en cours, depuis 2017. Qui sait, Marie Noël pourrait être déclarée bienheureuse, ce qui permettrait à de nombreux catholiques de découvrir sa spiritualité !

P. N.-D. – Qu’est-ce que les catholiques y gagneraient ?

P. D. – Ils découvriraient une poète, femme blessée, femme de foi, d’une grande liberté et d’une audace folle. Très férue de lectures, elle se dévoile beaucoup à travers son journal ou ses poèmes, pour la plupart autobiographiques. On y lit sa tristesse, sa spiritualité très vive mais aussi son humour. Dans une époque très marquée par le jansénisme (elle est née en 1883), elle n’aime pas du tout les sermons théologiques dogmatiques qui jouent sur la peur de l’enfer. Elle sent bien que la foi chrétienne, ce n’est pas ça. Marie Noël fait preuve d’une grande liberté spirituelle par rapport à son époque, exactement dans la lignée de Thérèse de l’Enfant Jésus. Il y a, à mon sens, une parenté spirituelle entre les deux : ce sont des femmes qui ont connu beaucoup de souffrances dans leur vie, et cependant, qui sont toutes deux des poètes de l’espérance. Marie Noël, c’est une figure éternelle : elle est de son époque, d’aujourd’hui et demain, elle sera encore là.

Deux représentations

Marie Noel : Aux âmes troublées, leur sœur , avec Élisabeth Commelin (comédienne), Marion Gailland (au
violoncelle), et Loïc Brodin (au piano). Mise en scène d’André Obadia.

  • 14 mai 2022, à 20h
  • 15 mai 2022, à 16h
    À l’Espace Bernanos, 4, rue du Havre, 9e – 15 € ; espace-bernanos.com
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