« Ne nous laisse pas entrer en tentation »

Paris Notre-Dame du 12 décembre 2013

P. N. -D. - Avec la nouvelle traduction du Notre Père, « ne nous laisse pas entrer en tentation », l’Église poursuit la réforme liturgique de Vatican II. Sur quoi s’appuie cette nouvelle phrase ?

P. Éric Morin, docteur en théologie, directeur des cours publics et coordinateur de l’École Cathédrale, directeur de l’Institut supérieur de sciences religieuses (ISSR).
© D.R.

P. Éric Morin – Sur la grammaire. Les exégètes estiment que le Notre Père est un poème qui aurait été composé originellement en araméen, la langue maternelle de Jésus. Ainsi restitué, les grammairiens reconnaissent une tournure qu’ils nomment un factitif : un mode qui n’existe pas dans nos langues occidentales et qui indique que le sujet agit pour faire grandir, pour faire régner, pour faire entrer, introduire donc, comme c’est le cas ici. De ce point de vue, quasi unanimement partagé, la nouvelle traduction est un regain de précision : l’emploi du verbe “laisser” essaie de rendre cette tournure grammaticale. Cela fait également sa pertinence théologique.

P. N.-D. - Qu’est-ce que cette formule nous dit de la responsabilité de Dieu dans nos épreuves ?

P. É. M. – Cette nouvelle traduction du Notre Père est plus facile à interpréter : Dieu ne joue pas de rôle direct dans la tentation. Elle respecte ainsi davantage et le sens commun et le témoignage de l’apôtre Jacques, qui nous enseigne que : « Dans l’épreuve de la tentation, que personne ne dise : "Ma tentation vient de Dieu". Dieu en effet ne peut être tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne. Chacun est tenté par ses propres désirs qui l’entraînent et le séduisent. » (Jc 1, 13-14)

P. N.-D. - Quelle peut être l’incidence de ce changement sur notre prière ?

P. É. M. – Ce changement de traduction nous oblige à méditer sur ce qu’est la tentation. La version précédente n’était pas erronée pour autant ! Recevoir les dons de Dieu nous soumet à la tentation d’oublier la main qui donne et d’omettre ainsi de rendre grâce. Si Dieu ne nous tente pas directement, il semble, à lire saint Paul, qu’il faille reconnaître une tentation venue indirectement de Dieu. « Et Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous soyez éprouvés au-delà de ce qui est possible pour vous. Mais avec l’épreuve, il vous donnera le moyen d’en sortir et la possibilité de la supporter. » (1 Co 10, 13) Cette nouvelle traduction nous invite à réfléchir et à méditer sur le nécessaire combat spirituel inhérent à toute prière : cultiver les dons de Dieu, pour entrer plus avant dans l’action de grâce et la demande filiale : Notre Père… • Propos recueillis par Agnès de Gélis

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