« Notre-Dame incarne l’espoir »

Paris Notre-Dame du 24 décembre 2020

On avait pu l’entendre, le visage penché sur son instrument, le lendemain de l’incendie, aux abords de la cathédrale. Le violoncelliste Gautier Capuçon a accompagné, en ce mois de décembre, la Maîtrise de Notre-Dame de Paris et la soprano Julie Fuchs, pour un concert de Noël exceptionnel, dans la cathédrale, qui sera diffusé sur KTO le 25 décembre [1].

© Gregory Batardon

Paris Notre-Dame – Pourquoi avoir accepté de jouer ce concert dans Notre-Dame ?

Gautier Capuçon – Notre-Dame fait partie de ma vie depuis très longtemps. Au même titre que tous les Parisiens, que tous les Français. Mais elle m’a aussi particulièrement marqué. Quand j’étais étudiant, je traversais les quais de Seine pour me rendre à mes cours. Tous les matins, je passais devant elle. Je la considère un peu comme un refuge. D’abord parce que je suis croyant. Mais, plus largement, parce qu’elle représente cette force protectrice de Paris, de la France. Cette force apparaît encore aujourd’hui alors qu’elle est profondément meurtrie. Notre-Dame reste magnifique. C’était très émouvant d’y entrer à nouveau pour enregistrer ce concert. Bouleversant de sentir l’émotion de chacun, les larmes d’Henri Chalet, le directeur de la Maîtrise, qui, normalement, y joue tous les soirs.

P. N.-D. – De la musique dans un lieu endommagé, n’est-ce pas l’illustration de la victoire de la vie sur la mort ?

G. C. – Exactement. Célébrer Noël, partager ce moment de musique ensemble, alors que toutes les salles de concert sont fermées, c’est l’espoir, c’est la vie. Qui n’enlève pas une certaine impuissance. La culture ne mourra jamais. Mais tout un écosystème est en grand danger actuellement. Certains professionnels sont en train de mourir. Nous traversons une période difficile. Nous pouvons être en colère. Il faut tout de même garder ces messages d’espoir, pour la culture, pour nous tous. C’est aussi cela que j’ai ressenti le lendemain de l’incendie. Cette cathédrale était toujours là. Elle était meurtrie, certes, mais toujours là. Pour moi, elle incarnait l’espoir qui renaissait après une nuit d’horreur. Nous pouvons vivre des moments de drame. Mais il reste toujours l’espoir, la vie. C’est aussi une leçon pour l’homme qui croit que tout lui est acquis. Cet incendie a montré que rien n’est éternel, que rien n’est dû.

P. N.-D. – Vous étiez venu, le lendemain de l’incendie, jouer aux abords de Notre-Dame. Pourquoi ?

G. C. – Je me rappelle très bien de l’incendie. J’étais à table, avec ma femme et mes deux filles. Malgré les alertes que je recevais sur mon téléphone, les images à la télévision, je ne pouvais pas y croire. C’était comme un cauchemar. Je suis parti en courant à la cathédrale. J’avais besoin de voir de mes yeux l’incendie pour comprendre qu’il était réel. C’était absolument bouleversant. Le lendemain matin, je suis venu jouer une œuvre de Gabriel Fauré : Après un rêve. C’était une façon pour moi, en tant que musicien, d’exprimer, par la musique, les émotions que je ressentais. Et de pouvoir permettre à tout le monde, de mieux ressentir les leurs. La musique sert aussi à cela : à transcender nos émotions, quelles qu’elles soient. Des émotions que nous ne pourrions pas forcément communiquer par des mots. En tant qu’interprète, nous transmettons les émotions du compositeur, nous transmettons aussi les nôtres. Et l’auditeur charge cette musique de ses propres émotions. C’est extraordinaire. La musique nous relie tous. Elle nous permet de communiquer ensemble, au-delà de notre langue, de notre couleur de peau, de notre culture. Elle est, en ce sens, spirituelle. Elle nous dépasse. Elle nourrit notre âme. Elle nourrit notre être.

Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab

[1Le concert sera diffusé sur KTO le vendredi 25 décembre, à 12h30. Gautier Capuçon a sorti, en novembre, un
nouvel album intitulé Emotions (Erato).

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