Ordination épiscopale de Mgr Éric de Moulins-Beaufort et Mgr Renauld de Dinechin

Le 5 septembre 2008, les deux nouveaux évêques auxiliaires de Paris ont été ordonnés à Notre-Dame de Paris par le cardinal André Vingt-Trois, en présence d’une trentaine d’autres évêques.

Après le chant d’entrée, l’Église de Paris, par la voix d’un de ses prêtres demande au cardinal André Vingt-Trois d’ordonner les élus. Alors que les élus, accompagnés chacun de deux prêtres assistants, se tiennent debout devant Mgr Vingt-Trois, Mgr François Fleischmann, chancelier du diocèse de Paris, procède à la lecture des lettres du pape Benoît XVI désignant les Pères Renauld de Dinechin et Éric de Moulins-Beaufort pour la charge de l’épiscopat.

L’assemblée entonne le Gloria en signe d’assentiment. Les ordinands regagnent alors leurs sièges, reconduits par leurs assistants. La liturgie de la Parole se déroule ensuite de manière habituelle, car l’usage veut que les ordinations d’évêques, de prêtres et de diacres prennent place entre la liturgie de la Parole et celle de l’eucharistie.

Après la proclamation de l’Évangile et l’homélie de Mgr André Vingt-Trois, alors que l’assemblée invoque l’Esprit Saint en chantant le « Veni Creator », les ordinands s’approchent de l’autel. Devant Mgr André Vingt-Trois entouré de quatre évêques co-consécrateurs [1] et devant les fidèles, ils expriment, chacun à leur tour, leur engagement à s’acquitter des devoirs de leur charge en conformité avec la pensée du Christ, en communion avec l’ordre des évêques, et sous l’autorité du successeur de Pierre.

Puis ils se prosternent au sol, signe du don total de soi au Christ, pendant que le chœur diocésain chante la litanie des saints.

A la fin de la litanie des saints, les ordinands se relèvent pour aller s’agenouiller devant Mgr André Vingt-Trois. Ce dernier pose ses mains sur la tête des ordinands en silence, suivi par tous les évêques présents.

Après l’imposition des mains, Mgr Vingt-Trois tend le livre des Évangiles aux Pères de Dinechin et de Moulins-Beaufort. Les mains étendues, il prononce la prière d’ordination dont la phrase essentielle est dite par tous les évêques présents : « Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit qui fait les chefs, l’Esprit que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus Christ, celui qu’il a donné lui-même aux saints apôtres qui établirent l’Église en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange incessante et à la gloire de ton Nom. »

Avec le saint-chrême, Mgr Vingt-Trois oint la tête des deux nouveaux évêques agenouillés devant lui. L’onction avec cette huile parfumée montre le caractère ineffaçable de l’ordination épiscopale, qui engage totalement les nouveaux ordonnés. Après cela, il remet le livre des Évangiles aux ordonnés car la charge principale de tout évêque est la prédication fidèle de la Parole de Dieu.

Le cardinal archevêque de Paris passe ensuite l’anneau à l’annulaire droit des ordonnés. Cet anneau est l’expression de la fidélité de l’évêque envers l’épouse de Dieu, l’Église. Mgr Vingt-Trois pose la mitre sur la tête des nouveaux évêques et leur remet le bâton pastoral qui exprime la charge qui leur est confiée : gouverner l’Église et prendre soin du troupeau.

Mgr Renauld de Dinechin et Mgr Éric de Moulins-Beaufort reçoivent ensuite le baiser de paix de la part de Mgr Vingt-Trois et de tous les autres évêques présents, montrant ainsi qu’ils sont accueillis dans le collège épiscopal. C’est alors que se termine le rite de l’ordination proprement dite.

La messe se poursuit, comme à l’ordinaire. Après l’eucharistie, les deux nouveaux évêques auxiliaires montent à l’ambon pour prononcer quelques mots de remerciements.


Discours de clôture de l’ordination épiscopale de Mgr Renauld de Dinechin

Souvent, saint Paul a une manière directe de se présenter : « Moi Paul, Apôtre, je m’adresse à vous ». Quel beau titre « Apôtre », envoyé ! Avoir pour identité d’être envoyé, de la part du Christ, c’est la vocation des apôtres. Dont nous sommes, Eric et moi, désormais successeurs. Notre remerciement va vers vous, Eminence, Père qui nous avez imposé les mains. Votre ministère nous montre ce qu’est un apôtre. Merci à vous frères aînés, les évêques qui nous avez imposé les mains : vous êtes incorporés au Collège des évêques. Nous pensons aussi au Cardinal Lustiger qui nous a ordonnés prêtres.

Dans l’épître au Romains, Paul réfléchit sur la transmission de la foi : « Comment croire ce qu’on n’a pas d’abord entendu ? » C’est dans ma famille que j’ai reçu la foi. C’est le plus grand don que j’ai reçu. Je confie mes parents à la bénédiction de Dieu, ainsi que ma famille. Et aussi toutes les familles ici présentes : chers parents, pour votre enfant, vous êtes la première Eglise et le lieu de transmission par le cœur. Vous en recevez la mission ! Vous recevez aussi la grâce pour l’accomplir. Toute famille qui a conscience d’être une cellule d’Eglise trouve dans cette réalité une force pour se construire.

Si Paul est apôtre, c’est qu’il a conscience du « trésor qu’il porte, lui qui se considère une poterie sans valeur ». Je suis reconnaissant à l’égard des collaborateurs de l’évêque : vous les prêtres et les diacres ; vous qui êtes catéchistes, animateurs en aumônerie, et ceux qui sont en mission dans la transmission de la foi.

Paul sait en qui il a mis sa confiance : « Ceux-là sont enfants de Dieu, qui se laissent conduire par l’Esprit Saint ». Ma reconnaissance est profonde à l’égard de la famille de Notre-Dame de Vie qui m’a appris à me laisser engendrer par l’Esprit Saint. Le prêtre que je suis a été édifié et stimulé par ceux qui osent se laisser guider par l’Esprit Saint.

Ce soir, je pense à ceux qui désirent être saints, ou à qui il est arrivé un jour de le désirer. Celui qui s’engage sur le chemin de la sainteté rencontre des surprises : « Au début, je pensais que le Christ m’avait libéré et que j’allais vraiment devenir saint. Et puis le vieil homme a ressurgi en moi. J’ai chuté : découragement ! » Plusieurs manières de réagir. Certains se raccrochent aux branches : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me rassure ! » Mais non, ce n’est pas la sainteté, çà ! Saint Paul réagit autrement. Il gémit mais il persévère : « Le bien que je voudrais, je ne le fais pas, et le mal que je hais, je le fais. Malheureux homme que je suis ; je sens au fond de moi une loi, celle du péché ». L’homme aux prises avec le combat spirituel ! C’est le moment où la Mère de Dieu se fait proche.

Un dernier mot de Paul : « Seigneur, ta grâce me suffit, car ta puissance se déploie dans la faiblesse. Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort ». L’Eglise, aujourd’hui, est fragile. Elle est vulnérable. En aucune manière cela ne peut entamer notre joie et notre espérance. Au contraire ! Nombreux sont les témoignages qui nous attestent que c’est quand elle se trouve dans la vulnérabilité, (la fragilité) qu’elle est la plus vivante. Quand les événements placent les chrétiens dans la fragilité, ils se révèlent à eux-mêmes et ils manifestent la vocation propre de l’Eglise. « Je peux tout en celui qui me rend fort. »

Mgr Renauld de Dinechin,
évêque auxiliaire de Paris


Discours de clôture de l’ordination épiscopale de Mgr Éric de Moulins-Beaufort

Devant vous et avec vous, chers amis, frères et sœurs, je voudrais au terme de cette célébration, à l’exemple de l’Apôtre Paul, « fléchir les genoux devant le Père de qui toute paternité tire son nom au ciel et sur la terre » (Ep 3, 14).
Car, dans la célébration d’une consécration épiscopale comme, en réalité dans toute célébration sacramentelle mais avec une intensité particulière, le mystère de Dieu nous saisit et nous nous trouvons entraînés par lui, chacun selon le don qui nous revient en partage, plus avant dans ce que Dieu attend de nous. C’est pourquoi deux formules montent de mon cœur à mes lèvres en ce moment : « Béni soit Dieu » et « Priez pour nous ».

Béni soit Dieu donc pour le mystère de sa volonté. Saint Paul nous dit qu’il est de donner à tous les hommes, les païens aussi bien que les Juifs, part à son unique héritage, au pardon des péchés, à la purification du cœur, à la liberté et à la vie éternelle que le Seigneur Jésus a acquis pour nous dans sa mort et sa résurrection. Béni soit Dieu pour ce mystère qui se réalise en son Église et par elle car nous y sommes rapprochés les uns des autres, si divers que nous soyons, à mesure que nous nous ouvrons au don de Dieu. La présence parmi nous, ce soir, de membres des autres Églises chrétiennes venus en leur nom propre ou en tant que représentants de leurs communautés est le gage de l’unité où le Seigneur nous a placés, malgré les complications et les douleurs que l’histoire humaine y a apportées, et dont nous aspirons à vivre visiblement à la face du monde.
Béni soit Dieu encore qui nous donne de vivre en avançant sur ses chemins en ce début du XXIème siècle. Chaque époque est passionnante ; la nôtre a quelques caractéristiques qui la rendent fascinante. La génération à laquelle Renauld et moi appartenons a eu la chance en notre pays de ne pas connaître d’autre guerre que la guerre froide, et de celle-là même nous avons vu la fin inattendue. Que prépare l’avenir ? Nous le verrons, mais avant tout, que faisons-nous de ce privilège dont si peu de générations et dans si peu de pays ont pu jouir ? Nos sociétés, à force d’être riches et sophistiquées, sont devenues compliquées. La technologie nous permet de lever chaque jour de nouvelles contraintes qui jusqu’ici appartenaient à la fatalité pesant sur les hommes. Plus que jamais, par conséquent, il nous revient à nous, hommes et femmes, de repérer clairement ce qui est mauvais et de le rejeter, et de rechercher ce qui est bon, qui fait du bien et nous rend bons, et de le choisir. Nous trouvons dans le Christ une lumière formidable car il éclaire en profondeur notre condition humaine et il nous donne en partage la liberté de nous détacher du mal et celle plus grande encore de nous engager dans le bien avec détermination et paix. En ce temps où, plus qu’en aucun autre, les hommes se croisent et échangent, béni soit Dieu qui nous donne l’espérance que nous sommes tous appelés à la même destinée et que nous pouvons nous entraider, tendus dans une unique recherche de la vérité et de la bonté, profitant des apports de toutes les cultures.

Béni soit Dieu qui nous donne de vivre en cette ville de Paris. La lumière de la foi et la beauté de l’amour y sont souvent éclipsées par des scintillements plus spectaculaires, mais l’une et l’autre existent et depuis longtemps. La foi, l’espérance et la charité ont tracé dans notre ville un chemin de lumière qui ne s’interrompt pas, qui se renouvelle sans cesse et que nous sommes appelés à rejoindre. Sur ce chemin, nous retrouvons tant d’hommes et de femmes de bonne volonté en qui nous apprenons à reconnaître avec joie et espérance le travail patient de l’Esprit-Saint. Les visages que nous croisons dans notre ville se font chaque jour plus différents ; bien des gens y cherchent la possibilité de vivre, fuyant la pauvreté ou la misère, la guerre, l’injustice. Des évidences culturelles sont ainsi bousculées, des habitudes rassurantes sont ébranlées. Béni soit Dieu qui construit le Corps grâce auquel nous n’avons pas trop peur de voir passer la figure de ce monde.
Béni soit Dieu pour la variété et la densité des liens dont nous vivons et qui nous constituent peu à peu : liens de l’engendrement, liens de la chair et du sang dont la force est promesse de liens spirituels ; liens de l’amitié, gage déjà de nos relations dans l’éternité ; rencontres plus fugaces dont l’impact pourtant demeure comme une espérance de fraternité. Dieu soit béni encore pour la densité de notre vie humaine, pour la variété de ses étapes, pour la capacité qu’il nous donne de les traverser en approfondissant notre capacité de nous donner et d’accueillir ce qui nous est offert. Dieu soit béni pour la beauté du mariage où l’amour de l’homme et de la femme trouve de quoi s’épanouir en creusant le cœur de chacun, et Dieu soit béni pour la grâce du célibat qu’il donne à ceux qu’il choisit : par cette grâce, l’âme et le corps sont travaillés pour qu’ils trouvent leur unité, dilatés à la taille de l’Église entière.

Alors, priez pour nous, frères et sœurs, chers amis.
Priez pour nous afin que notre parole soit une parole de paix, de bonté, de consolation, d’encouragement, mais aussi une parole claire et lumineuse. Priez pour que nous sachions servir en vous la liberté la plus profonde, celle qui mobilise l’être entier et permet de choisir la vie sans jamais céder aux sirènes de la mort.

Priez pour nous afin qu’à l’exemple de l’Apôtre, nous soyons humbles, toujours, conscients d’être comme vous des pécheurs comblés par un pardon immérité et appelé à aimer dans la sainteté. Priez pour que nous vous aimions d’un amour sincère et concret, consentant jour après jour à porter les tribulations qui nous reviennent et partageant avec douceur les biens que le Seigneur met entre nos mains : la connaissance de Dieu, le pardon des péchés, l’espérance de la vie éternelle, et son corps livré et son sang versé.
Priez pour nous et nous prions pour vous, afin que tous nous nous réjouissions d’avoir à vivre à la suite du Christ, ici et maintenant, heureux de tirer de tout de quoi aimer avec plus d’exactitude, heureux de porter devant tous ceux qui veulent bien les voir les fruits que le Seigneur nous donne. Priez pour nous et nous prions pour vous, frères et sœurs, chers amis, pour que l’émotion de la célébration de ce soir se distille en émerveillement de chaque jour devant ce que Dieu fait pour nous, souvent, à travers ceux qu’il met sur notre route.

« A celui qui a le pouvoir de vous affermir conformément à l’Évangile que j’annonce en prêchant Jésus Christ, écrit saint Paul, à lui soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen » (Rm 16 25…27).

Mgr Éric de Moulins-Beaufort,
évêque auxiliaire de Paris


La célébration s’achève par le Magnificat qui accompagne la procession de sortie.

[1Les quatre évêques co-consécrateurs étaient : Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, Mgr Eric Aumônier, évêque de Versailles, Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis, et Mgr Jean-Yves Riocreux, évêque de Pontoise.

Comptes-rendus