Pour une culture du respect de l’autre et des autres religions

Paris Notre-Dame du 9 janvier 2014

Radio Notre Dame – Différentes provocations ont marqué la fin de l’année : le 20 décembre, une « femen » simulait un avortement devant l’autel de l’église de la Madeleine, le 28 décembre, le joueur de foot reprenait le geste de la « quenelle » de Dieudonné… Quels sont vos souhaits pour cette année 2014 ?

Cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris.
© Pierre-Louis Lensel

Cardinal André Vingt- Trois – Mon souhait pour 2014 est que notre société s’apaise ! Que nos concitoyens soient moins soumis au stress de l’information instantanée, aux messages incontrôlables des réseaux sociaux qui sont vecteurs de rumeurs. Les provocations et la dérision sont devenues comme une seconde culture. C’est la porte ouverte à tous les excès. Je n’ai pas voulu réagir prématurément car le but des « femen » est de faire du buzz. On a porté plainte, la Préfecture de police fait son travail. On a entendu le maire de Paris, Mme Kosciusko-Morizet, Mme Hidalgo… Mais je suis étonné que les grands défenseurs de la laïcité ne se soient pas manifestés, car la laïcité est la protectrice des croyances et des religions ! Il y a des voix importantes qui sont restées muettes ! On apprécierait qu’il y ait des signes de désapprobation clairs. Pour l’affaire Dieudonné, l’intervention de Manuel Valls a eu un effet salutaire dans la mesure où elle fait réfléchir, et il faut faire réfléchir. Car le XXe siècle a montré que la montée de l’antisémitisme, c’est une montée progressive, qui passe par des événements, des paroles, des articles, des spectacles… Rien n’est anodin en matière d’antisémitisme, comme pour la xénophobie ou la discrimination religieuse. Il est scandaleux que nous soyons insensibles à la dépréciation progressive des seuils à ne pas franchir.

R. N. D. - Vous employez des mots très forts…

Cardinal André Vingt- Trois – L’antisémitisme est un poison, qui n’est pas simplement une agression contre les juifs, mais une agression qui concerne l’humanité entière. Car quand on attaque le juif parce qu’il est juif, on touche à quelque chose qui est au cœur de la révélation judéochrétienne, de même que quand on attaque un chrétien parce qu’il est chrétien. Et on ne doit pas laisser se développer et se banaliser les caricatures, la dérision, la provocation. Ce poison détruit aussi bien ceux qui en sont complices que ceux qui en sont victimes. Il faut donc lutter contre cela, notamment en éduquant les enfants dès leur plus jeune âge. Une culture du respect de l’autre, des autres religions, doit se réimplanter d’une manière forte. En conclusion, voici une belle réflexion du pasteur Martin Niemöller, interné en camp de concentration de 1937 à 1945 : « Quand ils ont arrêté les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont arrêté les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste. Quand ils ont arrêté les juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Quand ils ont arrêté les catholiques, je n’ai pas protesté, je n’étais pas catholique. Et quand ils sont venus m’arrêter, il n’y avait plus personne pour protester. » • Propos recueillis par Marion Duchêne le vendredi 3 janvier 2014

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