Pourquoi parler de frugalité ?

Paris Notre-Dame du 4 février 2016

François Bal, auteur de L’Évangile du partage des biens (Éd. Fidélité 2008)
© D.R.

P. N.D. – Vous donnez une série de conférences autour de la frugalité : à qui s’adresse-t-elle ? Pourquoi est-ce une question d’actualité ?

François Bal – J’entends par frugalité ce qu’en dit le langage courant : vivre de façon simple, en se contentant du nécessaire, de ce qu’on a. Oui, il y a urgence à en parler. Alors que des centaines de millions d’hommes vivent en camp ou en bidonville, à côté, notre société de consommation est devenue folle ; je cite les mots du pape François dans Laudato Si’ : « consumérisme obsessionnel », « accumulation de possibilités de consommer ». Depuis, la COP21 constitue un appel qui va dans le même sens. On ne peut pas continuer à vivre comme si de rien n’était. Que peuvent faire les chrétiens, si ce n’est, en premier, réexaminer leur mode de vie ? C’est l’objet de ces conférences.

P. N.D. – En quoi cette notion est-elle chrétienne ?

F. B. – Depuis 3000 ans, le contexte économique, politique, technique a changé ; on peut dire : cela n’a plus rien à voir. Mais le cœur de l’homme n’a pas changé ! Relisez l’histoire de la manne dans l’Exode. Le peuple d’Israël passe de « marmites de viande et de pain à satiété », à une manne réduite à la ration quotidienne. Tout le débat qui suit entre le peuple, Moise et Dieu porte sur cette question : vaut-il mieux abondance et esclavage, ou bien frugalité et liberté d’obéir à la loi du Seigneur ? C’est la question posée aux chrétiens d’aujourd’hui. On ne peut pas répondre oui à l’appel de Jésus sans une libération de l’emprise de l’argent et des consommations. Sans cela, le témoignage chrétien deviendrait désincarné, c’est-à-dire non signifi catif. C’est pourquoi je présente la frugalité comme une épreuve pour la foi ; sinon, que veut dire la prière « Notre secours est dans le Nom du Seigneur » ? En cela, on peut dire que la vie frugale est constitutive de la communauté chrétienne.

P. N.D. – Quelles sont les pistes que vous allez développer autour de frugalité et solidarité ?

F. B. – Il n’y a pas de solidarité sans frugalité. Mon expérience est que le partage, la communion avec la personne pauvre, nous invite à une certaine frugalité de vie. La place du pauvre à la table familiale – qu’il faudrait réhabiliter – ne peut se vivre sans une certaine frugalité. J’insiste beaucoup sur cet aspect familial des choses. Le chemin de la frugalité est un chemin de vie familial. Mais quand on parle de frugalité, on tombe vite sur des questions très concrètes. Par exemple, pour définir la limite d’une propriété juste, je prends comme référence celle donnée par le cardinal Suhard, ancien archevêque de Paris : « le nécessaire et le convenable ». Quand on applique cette limite à l’épargne, aux investissements, à la garantie de ressource, etc., on s’aperçoit que c’est très exigeant. Autre exemple, quand l’Église dit : « priorité à la destination universelle des biens », on croit d’abord qu’il s’agit d’un principe général et lointain. Mais quand on l’applique aux questions d’héritage et de successions, on voit que les enjeux sont durs. Oui, il faut faire ce travail de confrontation de la parole de Dieu avec nos questions d’argent. Il y a là comme l’esquisse d’une pastorale pour les chrétiens possédants. • Propos recueillis par la Rédaction

Soirées organisées par le Vicariat pour la solidarité, le mardi 16 février, sur Le lien frugalité solidarité et le mardi 15 mars, sur Frugalité et communauté chrétienne, à N.- D.-des-Champs, 92 bis bd du Montparnasse (6e), à 20h30.

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