Prisons : « Nous sommes des agents pacificateurs »

Paris Notre-Dame du 1er février 2018

Alors que les surveillants de prison ont manifesté partout en France pour de meilleures conditions de travail et de sécurité, Paris Notre-Dame a interrogé la coordinatrice de l’aumônerie de la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne), sur la présence de Dieu dans ce monde cloisonné.

© D. R.

Paris Notre-Dame – Ressentez-vous la violence dénoncée ces dernières semaines par les surveillants de prison au sein des centres de détention ?

Denise D. – Il faut d’abord signaler que nous ne sommes pas dans la prison 24 heures sur 24 comme les surveillants. Le prêtre avec lequel je travaille en binôme et moi-même, ne sommes présents que quatre demi-journées par semaine. Durant ce type de mouvement social, nous n’avons pas le droit de venir visiter les prisonniers. Seules sont maintenues les promenades hebdomadaires et l’ouverture des parloirs aux familles. Nous ne voyons donc pas tout. Ceci étant dit, le monde de la prison engendre une violence sourde, quand elle n’est pas directement visible (j’assiste rarement à des bagarres ou agressions physiques). Intrinsèquement, du fait de l’enfermement – des détenus et des surveillants –, ce système porte quelque chose de violent. Nous sommes, par ailleurs, sensibles à la surcharge de travail des surveillants qui sont en sous-effectif. Ils sont constamment sollicités par les détenus, en surpopulation.

P. N.-D. – Comment se passent concrètement vos visites ?

D. D. – Quand un détenu demande à nous rencontrer, nous parlons dans sa cellule. Mais pour notre sécurité, nous devons laisser la porte ouverte. Nous écoutons beaucoup les détenus qui se plaignent souvent des surveillants. C’est sur ces derniers que se concentrent toutes les frustrations et les colères des prisonniers. Nous sommes 25 au total dans l’équipe, répartis sur six bâtiments, tous isolés les uns des autres. Les auxiliaires d’aumônerie viennent le samedi pour animer des groupes bibliques et tous les dimanches pour animer la messe. Sur 800 détenus dans le bâtiment dans lequel je suis présente, 80 s’inscrivent à la messe dominicale, même si nous ne pouvons en accueillir que 60. Beaucoup d’entre eux sont étrangers, venus d’Amérique du sud et d’Europe centrale, soit des cultures plutôt chrétiennes. Autrement, les demandes des détenus sont variées. Certains sont dans une grande pauvreté matérielle et demandent des produits d’appoint comme du café. Le Secours catholique leur offre aussi ponctuellement une aide. Mais la demande matérielle est souvent un prétexte. Beaucoup sont seuls et ont besoin de parler. Ils attendent des relations suivies et un regard bienveillant qui va leur permettre de se tourner vers l’avenir. Nous ne sommes jamais au courant de l’acte qu’ils ont commis – à moins qu’ils nous le confient eux-mêmes.

P. N.-D. – Comment percevez-vous votre rôle dans ces murs ?

D. D. – Dans le bâtiment où je suis présente, les gens attendent de partir en centre de détention pour effectuer leur peine. Beaucoup sont au désespoir. Avec les aumôniers d’autres religions, nous sommes des agents pacificateurs, et c’est la raison pour laquelle nous sommes les bienvenus. Nous rencontrons des gens qui traversent une nuit très importante sur le sens de leur vie. Nous, on s’installe un peu dans cette nuit pour les aider à faire route vers plus de lumière, même s’ils ne croient pas en Dieu. Il y a parfois des demandes de baptême – quatre ou cinq demandes par an dans toute la Maison d’arrêt. Personnellement, cet apostolat me permet aussi de traverser mes propres nuits ! La première personne qui se relève spirituellement dans cette mission, c’est moi.

Propos recueillis par Laurence Faure

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