Quelles Églises suivront celle de Grèce et reconnaîtront l’autocéphalie ukrainienne ?

Après avoir décidé d’entrer en communion avec l’Église orthodoxe autocéphale d’Ukraine (Patriarcat de Constantinople), l’archevêque Jérôme a pris la décision d’envoyer une lettre au métropolite Épiphane de Kiev et de commencer à le commémorer. Mais comment les autres Églises orthodoxes ont-elles réagi ?

Le site d’information grec Orthodox Times (anciennement Romfea) vient de publier une analyse de la situation dans le monde orthodoxe après la reconnaissance par l’Église de Grèce de la nouvelle Église mise en place par Constantinople en Ukraine, exprimant un point de vue dominant dans les médias grecs : 17 octobre 2019 par Yannick Provost

Après avoir décidé d’entrer en communion avec l’Église orthodoxe autocéphale d’Ukraine (Patriarcat de Constantinople), l’archevêque Jérôme a pris la décision d’envoyer une lettre au métropolite Épiphane de Kiev et de commencer à le commémorer. Ces deux faits marquants sont perçus comme les éléments déterminants de la relance de la dynamique du dialogue inter-orthodoxe.

Il y a un autre paramètre crucial, qui constitue un obstacle pour toutes les Églises qui ont l’intention de reconnaître la nouvelle Église d’Ukraine : les menaces et le chantage venant des responsables du Patriarcat de Moscou. Le facteur « menaces russes et chantages » a également été au centre des échanges entre les métropolites de l’Église de Grèce, samedi dernier. Un grand nombre d’opinions ont été exprimées lors de la réunion extraordinaire du Synode. Les métropolites qui ont exprimé leur opinion et qui ont plaidé en faveur de la reconnaissance de l’Église d’Ukraine n’ont pas mâché leurs mots. Les pressions, auxquelles plusieurs métropolites ont fait allusion au cours de la réunion, ne se sont pas exclusivement exercées sur la Grèce. Le métropolite Hilarion de Volokolamsk a beaucoup voyagé ces derniers mois, notamment en Grèce, à Chypre, en Géorgie, en Serbie, au Liban et à Jérusalem et de là à Moscou et vice-versa. Il est communément admis que chaque déclaration et/ou visite du métropolite de Volokolamsk en Grèce ou dans d’autres Églises orthodoxes s’est accompagnée, comme l’ont dénoncé de nombreux responsables ecclésiastiques, de pressions incessantes, voire de menaces, pour faire en sorte que l’Église orthodoxe autocéphale d’Ukraine ne soit pas reconnue comme telle.

Qui suivra la Grèce ? Les anciens Patriarcats, celui d’Alexandrie et celui de Jérusalem, ont reçu de Moscou des menaces sans précédent qui exploitent les faiblesses et les difficultés de ces deux anciennes Églises. Les Patriarcats d’Alexandrie et de Jérusalem sont dans une situation particulièrement difficile, chacun pour des raisons différentes. C’est pourquoi ils préfèrent encore garder le silence sur cette question. Les pressions exercées par Moscou sur le Patriarcat d’Alexandrie ont commencé à provoquer une sérieuse malaise chez certains métropolites, qui soutiennent pleinement le patriarche Théodore, mais lui conseillent de faire abstraction totalement des menaces et chantages, en le pressant de faire le nécessaire en prenant les dispositions voulues pour reconnaître le métropolite Épiphane de Kiev.

Le Patriarcat d’Antioche s’est avéré être un satellite de la Russie. Le Patriarcat d’Antioche a fragilisé le Concile de Crète par sa non-participation, afin que Moscou puisse contester la validité du Concile. Le Patriarcat d’Antioche donne maintenant « la terre et l’eau » en permettant la construction d’églises russes sur son territoire, malgré les centaines d’églises ravagées et détruites en Syrie par la guerre civile qui doivent être reconstruites. Le Patriarcat d’Antioche n’adoptera donc pas une position différente de celle du Patriarcat de Moscou sur la question de l’autocéphalie ukrainienne.

L’Église de Jérusalem doit faire face à toute une opération d’infiltration russe jamais vécue jusqu’ici. Le patriarche Théophile est obligé de gérer de nombreux problèmes. Le Patriarcat de Jérusalem doit sans cesse négocier avec l’État d’Israël pour la gestion des biens du Patriarcat et avec des groupes de croyants arabophones mobilisés discrètement par les autorités religieuses et séculières contre la direction du Patriarcat de Jérusalem. Le patriarche Théophile et la Fraternité du Saint-Sépulcre doivent également faire face aux actions de provocation de la Russie. Les métropolites Denys de Corinthe et Pantéléimon de Maroneia ont décrit dans les termes les plus sombres la manière dont les évêques, le clergé et les moines russes visitent la Terre Sainte, sous le couvert du pèlerinage, mais en fait en jouant un rôle provocateur. « Le patriarche de Jérusalem n’a absolument jamais voulu dire qu’il reconnaissait Onuphre », a déclaré le métropolite Denys de Corinthe au Synode pour montrer combien la pression était grande, tout en dressant un tableau affligeant sur la manière dont la Russie se comporte envers la Terre Saint, sur son attitude provocatrice aussi vis à vis des populations locales. « Il y a beaucoup d’évêques et de membres du clergé russes qui se rendent à Jérusalem et célèbrent la Divine Liturgie sans la permission du Patriarche de Jérusalem », a affirmé le métropolite Denys. La situation créée par les actions provocatrices de la Russie à Jérusalem a contraint le Patriarcat de Jérusalem à garder le silence sur la question de l’autocéphalie ukrainienne.

L’archevêque Anastase d’Albanie a été l’un des primats de langue grecque qui a suscité des sentiments forts – peut-être même négatifs – avec son article critiquant l’octroi de Tomos d’autocéphalie au métropolite de Kiev. Mgr Chrysostome, archevêque de Chypre, qui doit faire face à un puissant mouvement pro-russe au sein de sa Hiérarchie, a fait le choix de rester neutre. Le patriarche Irénée de Serbie, le métropolite Sava de Pologne et l’archevêque Rastislav des Terres Tchèques et Slovaques sont pleinement sur la même position que le patriarche Jean d’Antioche, et en faveur du Patriarcat de Moscou. Certains évêques bulgares ont également soutenu la partie russe, et cela a amené le patriarche Néophyte à garder le silence afin d’éviter des problèmes internes. Le Patriarcat de Roumanie maintient une position équidistante. Le patriarche Daniel est très prudent dans ses discours publics et n’a jusqu’à présent fait aucun commentaire sur la question de l’autocéphalie ukrainienne. Cependant, il rappelle toujours à ses interlocuteurs que c’est l’observance des Canons Sacrés et le respect de l’ordre ecclésiastique qui garantissent l’harmonie dans l’Orthodoxie. Le Patriarcat de Géorgie entretient des relations très particulières avec la Russie depuis de nombreuses années. Le Patriarcat de Moscou, à la suite de la situation en Ukraine, a intensifié la pression sur le patriarche Elie, qui est vieillissant, pour lui demander son soutien. Toutefois, les différends territoriaux concernant la frontière entre la Géorgie et la Russie et les revendications de Moscou ont créé un climat de malaise profond au sein du Patriarcat de Géorgie.

Ainsi, comme on peut le voir, indépendamment des aspects canoniques, théologiques et ecclésiastiques, l’équilibre géopolitique des relations inter-orthodoxes peut basculer d’un côté comme de l’autre.
Source orthodoxie.com 17 octobre 2019 par Yannick Provost

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