Semaine sainte en confinement : ils témoignent

Paris Notre-Dame du 16 avril 2020

Des célébrations sans fidèles, sans gestes et sans symboles. Pas de rameaux, ni de lavement des pieds ou de vénération de la Croix. Les catholiques parisiens ont vécu une Semaine sainte dépouillée, mais dont beaucoup retirent un sens nouveau, et une attente d’autant plus grande.

Mariane et Aymeric ont vécu la Semaine sainte avec leurs trois enfants.
© D. R.

Mariane et Aymeric

Paroissiens de St-Joseph des Épinettes (17e), ils ont vécu la Semaine sainte à la maison, avec leurs trois enfants, en organisant des célébrations domestiques. Expérience nouvelle.

« Passer Pâques confinés à l’appartement, c’est bien sûr inédit et ce n’est pas facile. La communauté paroissiale nous manque. Mais on découvre aussi notre foi autrement, en famille.

Les dimanches précédents, nous avons en effet mis en place des petites célébrations dominicales vécues tous ensemble. Partage d’Évangile, intentions de prière formulées… C’est aussi ce que nous avons fait pour certains offices de la Semaine sainte (lavement des pieds, Chemin de croix dessiné…) et pour la Vigile pascale, avec de nombreuses bougies pour symboliser la lumière pascale. Une expérience nouvelle et révélatrice pour tout le monde. Adélaïde, deuxième de la fratrie, neuf ans, nous a confié qu’elle aimait bien rester à la maison pour “la messe” : “Parfois je n’ai pas envie d’aller à la messe le dimanche. Mais là, à la maison, c’est différent !” Comme quand elle a décidé de lire en entier, à plusieurs voix, l’Évangile de la Passion, après notre célébration dominicale des Rameaux (pour laquelle nous avions choisi l’Évangile de l’entrée dans Jérusalem). Ce que l’on vit “matériellement” durant ce confinement revêt aussi une dimension spirituelle : malgré l’enfermement, il y a quand même un chemin vers Pâques. Nous vivons des choses qui nous mettent en route. »

Propos recueillis par Laurence Faure

Daniel

Il est volontaire à la distribution alimentaire de St-Ambroise (11e). À l’aube de Pâques, Daniel, 74 ans, sans-abri, témoigne de sa « richesse » : le Christ.

« Quand le confinement a commencé, nous, dans la rue, on s’est sentis abandonnés. Mais l’Église est là… et les Restos du Cœur aussi. C’est très difficile, pour nous, en ce moment. Restées ouvertes dans cette période, les églises de Paris sont notre refuge, et je les connais bien ! Sur 106, j’en ai fait 58. J’ai toujours cru en Dieu. Pour la Semaine sainte, je me suis rapproché de St-Ambroise (11e) et de N.-D. de la Croix (20e). L’Église, c’est notre lieu de refuge à nous, notre richesse, inscrite dans notre coeur. Nous, on n’a pas de richesses matérielles, mais on a le Christ : c’est lui qui nous surveille et nous garde, le seul qui s’occupe de nous. Mon Christ, c’est tout ce que j’ai. Pour nous, personnes habituées à vivre dans la rue, c’est quelque chose ! Jésus est mort sur la croix. Il est pauvre, comme nous. Il était avec tous les pauvres pendant sa vie sur Terre, et il est toujours avec nous. Il ne se montre pas supérieur, il est notre égal ; c’est notre ami. Le Christ est avec tous ceux de la rue. Même ceux qui ne sont pas croyants. Comme Éric, copain de la rue, qui va bientôt être baptisé. J’ai un long parcours. Beaucoup de mes amis de la rue sont décédés, à cause de l’alcool, de la maladie. Mais on est quelques-uns à rester, ensemble. »

Propos recueillis par Laurence Faure

Sr Marie Constance

Sœur Bénédictine du Sacré-Cœur de Montmartre, elle assure avec l’ensemble de la communauté, l’adoration perpétuelle ininterrompue depuis plus d’un siècle.

Par prudence mais aussi par solidarité avec ce que vit le peuple de Dieu, nous n’avons eu aucune messe depuis le confinement, jusqu’au dimanche des Rameaux. Mais nous avons continué, en communauté, à prier les offices tous les jours dans une basilique privée de ses fidèles, depuis sa fermeture au public le 16 mars. Nous avons vécu les célébrations de la Semaine sainte avec les prêtres de la basilique. Des messes dépouillées, suivant les directives sanitaires données par le diocèse : un dimanche des Rameaux sans rameaux et sans aspersion, une Cène sans lavement de pieds, une Vigile pascale sans transmission de la lumière… Malgré cela, nous avons conscience d’avoir beaucoup de chance. Ce qui nous a portées, ce qui nous a soutenues, c’est la vie communautaire. Et l’adoration. Car il fallait que l’adoration perpétuelle, ininterrompue depuis plus d’un siècle, se poursuive, sans l’aide des laïcs qui se relaient d’ordinaire. C’est donc la communauté qui l’assure, à quatorze, jour et nuit. Nous avons aussi ouvert, sur notre site internet, une adoration à distance, avec un vrai succès : dans la nuit du samedi précédant les Rameaux, 67 personnes se sont inscrites ! Car même confiné, même privé d’eucharistie, chacun peut prier chez lui, en s’appuyant sur la parole de Dieu… Et la charité reste active : l’opération Hiver solidaire, qui devait se terminer le 6 avril, se poursuit le temps du confinement. Sans bénévoles. L’hôtellerie de basilique fournit les repas, préparés par la communauté, aux trois personnes que nous accueillons.

Propos recueillis par Priscilia de Selve

P. Augustin Servois

Vicaire à la Ste-Trinité (9e), confiné avec les autres prêtres de sa communauté et cinq jeunes étudiants volontaires, il vit « un recentrement de son ministère ».

« Ce qui change, c’est l’ambiance. Durant le Triduum pascal, la Trinité s’anime comme une ruche. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que quelques prêtres et cinq jeunes étudiants, qui ont accepté de se confiner avec nous pour aider à servir la centaine de repas que nous continuons à proposer chaque jour. Car si du jour au lendemain les bénévoles ont dû partir, les pauvres eux sont toujours là. Et si l’ambiance est différente, l’intensité de travail reste la même, avec la retransmission en direct des messes, une proposition de retraite à domicile et des conseils permettant de déployer toute une liturgie domestique. Nous qui avions l’habitude d’être des “chefs d’orchestre”, nous nous sommes retrouvés “petites mains”, à tout faire... Pour tout dire, les débuts ont été assez acrobatiques, car il a fallu tout repenser… Pour ma part, je me suis senti un peu comme un célibataire géographique, loin de mon épouse, loin du peuple de Dieu. Un pasteur sans troupeau. Ce sont finalement les célébrations de la Semaine sainte qui m’ont fait comprendre que les brebis étaient bien présentes, demandeuses. Les nombreux retours que nous avons reçus m’ont permis d’entrer dans une nouvelle étape de ce confinement, avec une prise de conscience plus forte de ce qu’attendent nos fidèles. Confrontés, comme tous, aux grands mystères de la vie, de la souffrance et de la mort, avec parfois le sentiment d’être impuissants, il nous reste aujourd’hui l’eucharistie, célébrée pour nos fidèles. Comme une forme de recentrement de notre ministère. »

Propos recueillis par Priscilia de Selve

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