« Un seul horizon : la suppression de l’arme nucléaire »

Paris Notre-Dame du 23 mai 2019

Le 2 mai dernier au Vatican, le pape François se disait inquiet d’une « nouvelle saison d’opposition nucléaire », sur fond de tension croissante entre l’Iran et les États-Unis. L’Église peut-elle avoir un rôle au cœur de ces enjeux géostratégiques ? La réaction de Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes (Aube) et président de "Pax Christi France".

Paris Notre-Dame – L’Iran a annoncé, le 8 mai, s’affranchir partiellement de l’accord international de 2015 sur le programme nucléaire iranien. Les États-Unis ont haussé le ton. Quelle est votre réaction ?

Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes (Aube) et président de Pax Christi France.
© Françoise Monsallier

Mgr Marc Stenger – Ces États jouent – mais ce n’est, bien sûr, pas nouveau – une stratégie du rapport de force qui peut conduire à l’escalade. C’est précisément contre ce risque que l’Église, et avec elle, Pax Christi, alertent. La possession de l’arme nucléaire conduit au danger, réel, qu’une puissance finisse un jour par l’utiliser contre une autre. Notre mouvement, au diapason du magistère de l’Église, affirme qu’il n’y a un seul horizon, incontournable : la suppression de tout armement nucléaire. Les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki (Japon), il y a 74 ans, suffisent à le rappeler. Nous ne disons pas cela simplement pour des raisons idéologiques ou morales, mais au nom de la simple humanité. Un certain nombre d’États légitiment la dissuasion nucléaire comme la clé de voûte de leur plan de défense et de sécurité. J’oppose à cela l’affirmation de Benoît XVI, le 1er janvier 2006 : cette forme de dissuasion relève d’une perspective « funeste et tout à fait fallacieuse ». Elle n’établit pas une situation de paix effective, mais de « non-guerre ». Le monde sera en paix, non par la dissuasion mais seulement par la construction d’une communauté entre les hommes, sur les bases de la liberté, de la justice, de la solidarité.

P. N.-D – L’Église peut-elle être entendue sur un sujet aussi sensible et géostratégique ?

M. S. – Je pense que l’Église peut être entendue à condition qu’elle suscite la confiance. Les grandes puissances nucléaires n’ont pas signé le Traité d’interdiction des armes nucléaires de juillet 2017, car elles disent n’avoir pas assez de garanties. Des groupes de travail au Vatican réfléchissent à mettre en place ces garanties. Si l’Église arrive à mettre tout le monde en confiance et qu’elle peut ouvrir une médiation en vue d’une sécurité mondiale basée sur l’éthique de solidarité et de coopération, alors on avancera. Au fond, un des obstacles à la suppression de l’armement nucléaire, est cette absence de confiance entre les États. La possession de l’arme nucléaire leur sert à menacer l’adversaire, ce qui est déjà un déni d’humanité. Il faut modifier le rapport de forces au sein des relations internationales, par la coopération.

P.N.-D – Que peut-on attendre du voyage du pape François au Japon, prévu en novembre 2019, à l’occasion du 75e anniversaire, en 2020, des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki ?

M. S. – Ce voyage aura une grande signification. Le pape représente aux yeux du monde une personnalité de référence, un peu exceptionnelle et hors cadre. Il mettra le doigt sur l’inconséquence de l’humanité. Ce voyage sera le symbole de la dénonciation de l’armement nucléaire, en mettant les hommes face à leurs excès. Il pourra dire, depuis le pays d’Hiroshima et de Nagasaki : voilà de quoi l’homme est capable. Et ainsi, conduire ceux qui veulent réfléchir, à une sorte d’examen de conscience.

Propos recueillis par Laurence Faure

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