« Une invitation pour les femmes à devenir ce qu’elles sont »

Paris Notre-Dame du 23 novembre 2017

Samedi 2 décembre se tient, au Collège des Bernardins, un colloque autour de la figure explosive de Lou Andreas-Salomé, auteure, critique et psychanalyste de la fin du XIXe siècle. Gemma Serrano, co-directrice de ce colloque, explique les raisons d’un tel choix.

Lou Andreas-Salomé (1861-1937)
© Domain public

Paris Notre-Dame – Pourquoi un colloque aujourd’hui autour de Lou Andreas-Salomé ?

Gemma Serrano – Il y a trois ans, aux Bernardins, nous avons lancé, avec le psychana-lyste Jean-Michel Hirt, un séminaire Corps et âme en devenir. Nous désirions nous interroger sur ce qui était le propre de l’humain. Dans ce questionnement que nous avons mené avec des juristes, psychanalystes, philosophes, une trame a surgi. Il s’agissait de la question de l’intériorité. Nous désirions alors étudier une figure féminine où les questions de la spiritualité, de l’intériorité, de la féminité, se croisaient. Lou Andreas-Salomé a surgi. Elle se situait à la croisée de différents « genres » : la poésie, le roman, l’essai, le théâtre... et a été une psychanalyste ou encore une critique d’art.

P. N.-D. – Comment son intériorité se développait-elle dans son œuvre ?

G. S. – Dans ses ouvrages, notamment dans son texte autobiographique, Ma vie, Lou signale Dieu comme un élément fondateur, comme l’expérience la plus humaine, la plus sublime et radicale de l’existence. Mais attention, pour elle, protestante, qui a perdu la foi enfant, Dieu n’est pas un Dieu confessionnel, dogmatique, c’est un Dieu existentiel, moteur de vie et d’espérance, de création radicale de soi.

Un autre axe de son intériorité s’incarne, je crois, dans sa curiosité intellectuelle, son désir d’apprendre, de connaître, d’analyser le réel, de l’explorer. Dans ce désir, aussi, d’amitiés variées qu’elle tissera au long de ses nombreux voyages.

P. N.-D. – En quoi cette figure féminine du XIXe siècle a quelque chose à nous dire sur la vocation de la femme, aujourd’hui ?

G. S. – C’est une question très complexe. Mais je pense que Lou Andreas-Salomé est une figure du désir. Elle est l’éros incarné. Non pas dans le sens d’un érotisme banal, mais dans ce désir du monde, de la rencontre, de la connaissance, de Dieu, de la création artistique. Pour elle, le propre de la psyché féminine ne peut se réduire à un désir phallique. C’est ce qui la différencie de l’élaboration freudienne. Certains ont tendance à réduire Lou Andreas- Salomé à une égérie de Freud, de Nietzsche, Rilke, ou encore de Paul Rée. Mais elle n’était pas la muse que l’on contemple ou qui inspire, elle était le partenaire, l’interlocuteur privilégié de ces hommes avec qui elle confrontait ses idées. Elle assumait sa féminité, son intelligence, son désir, sa volonté. Elle se positionnait, se mettait debout, a choisi d’être ce qu’elle voulait être au-delà de tous les préjugés qui l’entouraient. En ce sens, elle invite aujourd’hui les femmes à assumer ce qu’elles sont, à être à l’écoute de leur propre féminité au-delà des représentations établies.

Propos recueillis par Isabelle Demangeat

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