Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de rentrée du Vicariat Enfance Adolescence à Saint-Roch

Lundi 18 septembre 2023 - Saint-Roch (1er)

– 24e Semaine du Temps Ordinaire – Année A

- 1 Tm 2,1-8, Ps 27,1-2.7-9 ; Lc 7,1-10

Il est magnifique ce passage de l’évangile de Luc ! Il est bien clair que cet épisode a bien dû marquer l’entourage de Jésus, de sorte que Matthieu et Jean nous le rapportent, mais chacun à sa façon. Dans ce passage, il me semble qu’il faut retenir pour nous, ce soir, tout particulièrement, la grande délicatesse du dialogue de Jésus et du centurion à travers les envoyés, amis de ce centurion romain. D’abord ce centurion n’ose pas se déplacer lui-même, il ne se sent pas spontanément admis à la proximité de Jésus. Il sait bien qu’il est le représentant d’une puissance étrangère et qui domine le pays dans lequel il se trouve. Il sait certainement que la religion des Juifs et ce qu’il a de religion ont quelque chose en commun, de sorte qu’il soutient ces juifs et leur synagogue. Il manifeste donc à leur égard un comportement qui est peut-être demandé par l’autorité, un comportement qui fait respecter une loi qui n’est pas forcément la loi des Juifs, et on voit qu’il le fait avec une telle humanité, une telle sensibilité, une telle capacité de proximité avec les Juifs qui sont là, qu’il y a là un signe très beau. Un signe qui lui vaut d’ailleurs en retour leur amitié, de telle sorte qu’il pense pouvoir toucher Jésus par leur intermédiaire, et qu’eux se font vraiment les interprètes de sa demande avec insistance, avec charité, avec amitié, avec respect pour lui, sa personne et même peut-être sa fonction.

La deuxième chose, c’est que on a l’impression qu’il regrette presque sa démarche et qu’il dit à Jésus : ne viens pas, ne t’approche pas de moi, vraiment je ne suis pas digne. Et la grande confiance qu’il fait à Jésus se manifeste par cette remarque qu’il fait sur sa propre autorité, attendant de Jésus une autorité bien supérieure qui peut s’exercer à distance. Et puis Jésus ne force pas, Jésus reste lui aussi à distance. Jésus ne désire pas aller plus loin puisque le centurion ne désire pas le recevoir mais simplement passer par ses intermédiaires. Et enfin, Jésus dit, de telle sorte que le centurion puisse le savoir à son retour : jamais, même en Israël, je n’ai trouvé autant de foi.

D’abord il y a ce « même en Israël » qui ne semble pas mépriser la foi d’Israël, comme parfois dans d’autres expressions on pourrait le trouver : je n’ai jamais trouvé cette foi en Israël, même en Israël je ne l’ai pas trouvée. Et puis il y a cette simple conclusion : les envoyés en rentrant trouvèrent le serviteur guéri.

Cette immense délicatesse de la démarche, cette immense délicatesse et du centurion et de Jésus, elle indique quelque chose du dialogue de la foi, du dialogue du salut, du dialogue auquel vous avez vous-mêmes à faire face dans la rencontre des jeunes. Vous savez bien, aujourd’hui plus que jamais, qu’il est nécessaire de la vivre dans la délicatesse, sans donner le sentiment que l’on cherche à forcer mais en respectant l’autre tel qu’il est, dans son chemin, avec une distance suffisante pour marque qu’on se garde de toutes sortes d’emprises sur les consciences et que l’on est ouvert à tout chemin possible, que l’on est prêt à accueillir toute demande, même formulée de loin, même formulée de façon très distante, avec des intermédiaires. Et je ne crois pas avoir besoin de faire un grand dessin pour que vous perceviez quelque chose que vous vivez avec des jeunes, qui peuvent s’approcher, l’air de ne rien demander, et pourtant avoir le désir d’évoluer, d’avancer, d’interroger, de chercher des réponses à leurs questions, sans tout à fait oser les poser clairement. Et ceci a pour nous valeur d’exemple, et j’allais dire même de vertu profonde.

Que le Seigneur, dans les mois qui viennent, vous fasse souvenir de ce passage dans vos contacts et vos dialogues avec des jeunes qui marchent sur un chemin qui leur est difficile, parce qu’être croyant, s’afficher tel, montrer la foi, montrer une exigence de vie et de recherche, n’est pas forcément simple pour eux tous les jours. Cette délicatesse-là, elle s’appuie sur deux choses que la première lecture, tirée de la lettre à Timothée, décrit. C’est que nous croyons profondément que le Seigneur appelle tout homme, et donc tout jeune en chemin ; que le Seigneur désire se faire connaître et faire connaître son amour à tout homme et son désir de le sauver sur le chemin où il se trouve, qui pourrait toujours se perdre dans des méandres. Voilà la première conviction que nous avons tous, même si nous savons bien que nous ne réunissons pas la population tout entière vers laquelle nous sommes envoyés. Mais pourtant nous savons que c’est pour elle que nous travaillons avec la conviction que, si les temps peuvent être plus rudes que naguère, ils sont pourtant toujours tous ceux que nous voulons rejoindre au nom du Salut apporté par le Christ.

Et puis enfin, troisième chose, la demande de l’apôtre : que nous soyons toujours en prière pour tous. Que nous sachions élever les mains pour tous. Que nous sachions nous mettre au service, par la prière, de la découverte du chemin qui mène au Salut que Dieu annonce à tout homme.

Quand nous pouvons être découragés sur le chemin, parce qu’il est difficile pour nous-mêmes, parce que la mission est exigeante mais elle est belle ; quand nous pouvons nous dire : je n’arrive pas à la remplir, je ne la remplis que modestement, nous savons qu’il reste une part du chemin qui se fait dans la prière. Et cette ouverture-là, elle est nécessaire à chacun d’entre nous ; elle est nécessaire à tous ceux pour qui vous travaillez, dont vous désirez vous approcher.

Que le Seigneur vous donne constamment la délicatesse de l’échange tel qu’il est capable de le mener, lui, qu’il vous donne sans cesse le désir de vous laisser approcher par tous, en son nom. Et qu’il vous donne le goût de la prière pour tous ceux que vous rencontrez et tous ceux que vous ne rencontrez pas mais qui sont bien présents au désir du Seigneur.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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