Digne de vivre ?

Paris Notre-Dame - 31 octobre 2013

Paris Notre-Dame du 31 octobre 2013

P. N.-D. - L’euthanasie se revendique comme une « mort dans la dignité ». En fin de vie, comment faire droit à la dignité de la personne humaine ?

Mgr Michel Aupetit, évêque auxiliaire de Paris
© Trung Hieu Do

Mgr Michel Aupetit – Le mot dignité a plusieurs sens selon que l’on définit des seuils d’humanité en deçà desquels une vie ne vaudrait pas d’être vécue (perte de mémoire, souffrance, dépendance, etc.) ou, a contrario, que l’on considère la dignité comme attachée à l’humanité de la personne qui, jusqu’au bout a droit à la considération de la société qui met tout en œuvre pour assurer une fin de vie pleine de respect et d’attentions multiples auxquelles les proches pourront participer. C’est l’option des soins palliatifs.

P. N.-D. - N’avez-vous pas le sentiment d’une inversion des valeurs puisque c’est au nom de la compassion et de l’amour que certains revendiquent l’euthanasie ?

Mgr M. A. – Le procès de l’infirmière de Mantes, présentée jadis par les médias comme parée de toutes les vertus de la compassion, est encore dans les mémoires. Le ministre de la Santé de l’époque, Bernard Kouchner, avait alors déclaré : « L’euthanasie témoigne de beaucoup d’humanité. » Le jugement a fait apparaître que cette infirmière s’était érigée comme maîtresse absolue de la vie et de la mort de ses malades et elle a été condamnée à 12 ans de prison.

Je me méfie beaucoup d’un amour qui tue. Nous sommes dans une période de l’histoire des hommes où, sous l’influence de groupes de pression, on appelle bien ce qui est mal et inversement. La morale fondée sur la raison est remplacée par une pseudo-morale fondée sur l’émotion. C’est alors la porte ouverte à toutes les tyrannies qui se parent hypocritement des meilleurs sentiments. Beaucoup de soignants, qui ont choisi leur profession pour guérir, soulager et consoler ne veulent pas qu’on les transforme en « exécuteurs des basses œuvres » de la société contemporaine. On a vu toutes les tentatives de remise en cause au niveau de l’Europe et, dans la pratique, en France de « l’objection de conscience » pour les avortements. Cela incite à demeurer vigilant sur la préservation d’un exercice médical vraiment humain.

P. N.-D. - Quelles seraient les raisons non avouées d’une telle campagne en faveur de l’euthanasie ?

Mgr M. A. – La santé coûte cher. Il y a sûrement une tentation de réduire les coûts sur des soins qui ne permettront pas à la personne de réintégrer le circuit productif. Mais c’est justement ces soins qui font qu’une société est « riche en humanité ».

Mais il est peut-être d’autres raisons encore moins nobles. Dans certains hôpitaux et cliniques, qui ne s’en cachent pas, on hâte la fin de vie de patients en leur donnant une « médication » qui les condamne à mourir sans que la famille n’en sache rien. On glisse, pour des raisons de commodité, vers des choix mortifères qu’on ose ensuite justifier hypocritement par la compassion. Mon espérance ? Un sursaut citoyen ! • Propos recueillis par Anne-France Aussedat

Bibliographie