Le corps, objet de consommation comme un autre ?

Le 25 janvier 2018

Paris Notre-Dame du 25 janvier 2018

Procréation médicalement assistée (PMA), gestation pour autrui (GPA), intelligence artificielle, etc. Ces sujets de société sont au coeur des États généraux de la bioéthique, qui viennent de s’ouvrir en France. Que faut-il en penser ? L’analyse du P. Brice de Malherbe, co-directeur du département éthique biomédicale, au pôle de recherche du Collège des Bernardins.

© Isabelle Demangeat

Paris Notre-Dame – Une consultation nationale, sous l’égide du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), un site internet pour recueillir les avis des citoyens… Le gouvernement a souhaité que le débat soit largement ouvert sur ces questions de société. Est-ce une bonne chose ?

P. Brice de Malherbe – Le mérite de cette méthode est de faire prendre conscience à l’ensemble des Français qu’il y a là un enjeu central pour la société. Il ne s’agit pas simplement de décisions ponctuelles, afin de répondre à des questions qui concernent certains individus, mais bien de choix de société, qui touchent à la vision même de l’homme et à la manière dont on pense les relations entre les personnes. La limite de cette consultation est qu’il faudra dépasser le débat d’opinion, au sens d’une opinion qui ne serait ni réfléchie, ni fondée. Tout le monde n’est pas au fait de ces questions qui, dans les sondages, sont souvent représentées de manière binaire.

P. N.-D. – Le sondage publié par La Croix [1] montre qu’en quelques années, les mentalités ont profondément changé, même parmi les catholiques, en faveur d’une plus grande ouverture. Comment l’analysez-vous ?

B. M. – Sur la question de la fin de vie, les chiffres n’ont pas varié. Une grande majorité de la population s’était déjà prononcée en faveur de l’euthanasie. Ce qui peut s’expliquer quand on considère l’insistance de certaines associations et des médias à dire que l’ouverture sur cette question est une bonne chose. C’est là où on voit les limites de l’exercice. Est-ce que les gens qui répondent à ces sondages ont pris le temps de considérer tous les éléments en jeu derrière ces décisions ? Je m’interroge notamment, en tant que prêtre, sur les réponses des catholiques par rapport à la GPA. Notre foi est à la source d’un humanisme qui s’oppose à ce qu’on puisse faire entrer des êtres humains dans une logique contractuelle et commerciale.

P. N.-D. – L’Église a-t-elle une voix singulière à faire entendre sur ces questions ?

B. M. – Elle est dans son rôle quand elle souligne les enjeux liés à ces questions. Que ce soit dans le domaine de la filiation, ou concernant la présence de plus en plus importante dans notre vie quotidienne des machines et de la robotique, la question est bien celle-ci : l’homme va-t-il désormais entrer dans le circuit commercial ? Dès les années 1970, le philosophe Jean Baudrillard écrivait que le corps deviendrait le premier objet de consommation. Or, qui touche au corps touche à la personne. L’autre enjeu est d’être tenté de penser les relations humaines en termes de contrat. C’est flagrant sur la question de la GPA. Or, réduire la relation humaine à un contrat – ce qui peut être la tendance du droit anglo-saxon –, c’est oublier que dans une relation entre deux personnes, il y a toujours un tiers impliqué. De ce point de vue, le terme biblique d’alliance est préférable. Alors que dans un contrat, dont il suffit de suivre les clauses, on réduit l’interrogation de la conscience morale et on tend à gommer la dignité humaine, la notion d’alliance, comme lien social, permet d’englober la totalité des personnes, dans leur unité corporelle et spirituelle.

Propos recueillis par Priscilia de Selve

[1Sondage IFOP pour
La Croix - 3 janvier 2018.

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