Et si l’on réfléchissait au genre ?

Paris Notre-Dame du 28 novembre 2013

P. Antoine Guggenheim, directeur du pôle de recherche du Collège des Bernardins.
© Agnès de Gélis

P. N.D. - Samedi 7 décembre 2013, vous donnerez une conférence sur l’identité sexuelle au Collège des Bernardins. Quelles sont, les origines de la notion de « genre » ?

P. Antoine Guggenheim - Les études sur le genre viennent du besoin ressenti par des sociologues – souvent féministes, souvent américains, mais aussi français –, d’éclairer une injustice faite aux femmes dans les sociétés. Leur idée de base est de redonner à chaque personne de la liberté pour savoir comment elle peut devenir ce qu’elle est : un homme ou une femme. Il s’agit de considérer que le sexe n’est pas un destin, une fatalité, mais plutôt une richesse, une capacité que nous avons à développer.

P. N.-D. - Cela part donc d’un bon sentiment ?

P. A. G.- Bien sûr, mais un sentiment ne suffit pas pour trouver la vérité. Il y a plus qu’un sentiment ici. Il y a une expérience moderne : chacun, quelles que soient les conditions de sa naissance, de son pays, de sa culture, reste unique. Donc, dire « je suis une femme » ou « un homme », par naissance, ne suffit plus aujourd’hui pour dicter sa propre conduite. Il faut aussi y adhérer, y participer. La théorie du genre est une réflexion sur la participation de chacun à son devenir d’homme ou de femme, à partir de ce qu’il a reçu à la naissance. Bien sûr, ce n’est pas la naissance seulement qui nous fait homme ou femme. C’est aussi l’éducation, et toute la vie. Les femmes savantes de Molière ne sont pas les femmes de Toulouse-Lautrec, ni les lectrices de Simone de Beauvoir. L’éducation des parents oriente ou aide – selon le point de vue que l’on a – l’enfant puis l’adolescent à se recevoir et à se construire comme homme ou femme. C’est cela, au fond, la part de vérité de la théorie du genre, avant toutes les erreurs dont elle peut s’entourer. Et finalement, cette idée d’achèvement de notre être sexué est quelque chose d’assez chrétien.

P. N.-D. - Que faut-il donc en penser ?

P. A. G. - En fait, le débat est très mal posé. Il ressemble à un conflit entre des gentils et des méchants, chacun considérant les autres comme les méchants. Finalement, nous ne pourrons avancer qu’en nous mettant profondément à l’école des saints. Saint Maximilien Kolbe disait : « Sois attentif à la part de vérité qui se cache, comme un trésor qui t’appartient, au cœur de l’erreur de l’autre. » Sois attentif aussi à l’erreur qui se cache peut-être chez toi ! Les chrétiens qui s’engagent dans le débat sont bien conscients du trésor inestimable de la différence des sexes : la Bible et la tradition chrétienne l’enseignent. Je crois que, pour un engagement vrai et efficace, il est utile de distinguer ce qui, dans la théorie du genre, sonne juste, et l’idéologie par laquelle certaines personnes, en poussant à l’extrême des tendances modernes, risquent de créer beaucoup de désordre et de violence en perdant de vue une différence qui structure et fonde l’unité de l’humanité. • Propos recueillis par Agnès de Gélis

Pour aller plus loin :
 Lire le dossier sur la théorie du genre, du diocèse de Paris ;
 Conférences de carême à Notre Dame en 2011 sur la famille : à relire sur le site du diocèse de Paris ;
 La famille : un bonheur à construire, du cardinal André Vingt-Trois (2011, Éd. Parole et Silence) ;
 Samedis de la foi : suivez le cycle du P. Antoine Guggenheim sur la « théologie de l’amour » au Collège des Bernardins. Six samedis, de 10h30 à 12h (5€ la séance).

La théorie du genre

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