Homélie du Cardinal André Vingt-Trois – 75e Pèlerinage des étudiants d’Île-de-France – Dimanche des Rameaux

Cathédrale Notre-Dame de Chartres - Dimanche 28 mars 2010

 Année C

Cette célébration est l’aboutissement du chemin que vous avez parcouru, en portant en vos cœurs cette question posée à Jésus « Bon Maître, que faut-il faire pour avoir la vie éternelle ? » (Mc 10, 17) Pour vous qui êtes jeune professionnel ou étudiant en cette année 2010, et pour les anciens qui vous ont précédés sur ces routes et qui sont venus vous rejoindre à l’occasion du 75ème anniversaire du pèlerinage, cette interrogation vous habite depuis beaucoup plus longtemps, et creuse en vous son sillon. Vous trouvez en avançant des éléments pour y répondre, mais à chaque pas que vous faites la perspective s’enrichit et se complique simultanément : l’éventail de ce que vous pourriez faire pour avoir la vie éternelle s’élargit et se diversifie. Il n’y a pas une seule réponse, ni de solution simpliste. Il n’y a que la réponse que chacun et chacune d’entre vous est prêt à construire à mesure qu’il ouvre son cœur pour répondre au Seigneur.

Mais en entrant dans la cathédrale nous ne faisons pas que progresser dans la réponse à la question que nous avons posée au Seigneur. Nous faisons aussi une démarche pleine de sens qui nous fait entrer dans les jours de la grande semaine Sainte. En entrant dans la cathédrale, nous voulons aussi montrer notre détermination à suivre le Christ au cours de cette semaine, pas à pas, jour après jour, pour découvrir avec lui le chemin de Jérusalem, le chemin du Golgotha, le chemin de la Croix et le chemin de la Résurrection. Comme les disciples nous le suivrons à notre manière, à la fois attachés à lui, désireux de le suivre et inquiets de ce qui va survenir. Comme Pierre et les autres nous serons plongés dans le tourbillon de son procès et nous aurons à choisir. Serons-nous prêts à nous désigner comme un ami du Christ, ou, suivant Pierre dans ses reniements, serons-nous tentés de dire : « Je ne le connais pas, je n’ai rien à faire avec lui » ? Au long de ces jours notre réponse au Christ prend corps. Du jeudi de la Cène, au vendredi de la passion et au samedi de la résurrection, nous apprenons à lui dire : « Oui je veux être des tiens, et j’ai tant de mal à me déclarer ton ami. »

Notre entrée dans la semaine Sainte nous fait également mesurer notre détermination à plonger avec plus de vigueur et plus de confiance dans la communion de l’Église. En franchissant le pas de la cathédrale, nous faisons une déclaration de communion ecclésiale avec nos pieds, nos cœurs et nos lèvres. Aujourd’hui pas plus qu’hier il n’est pas facile de dire : « Je suis membre de cette Église, j’en suis fière, et j’y tiens ! ». Il est plus commode de baisser les yeux, de faire comme si on n’avait pas entendu ou de se voir au-dessus ou à côté de cette Église, mais surement pas solidaire de cette Église. L’Église est la communion dans laquelle nous avons reçu la foi, le lieu où nous confessons le Christ vivant. Elle est ce cœur dans lequel nous recevons le pardon de nos péchés et la source où la grâce coule pour nous. Elle est notre lieu de vie propre. Aujourd’hui, en entrant dans cette cathédrale, modestement, chacune et chacun d’entre nous avec ses limites et ses fautes, nous voulons déclarer notre amour pour cette Église, notre reconnaissance pour la communion qu’elle nous permet de vivre et pour l’espérance dont elle témoigne au milieu de ce monde. Beaucoup, en ces jours, se déchainent contre les prêtres, contre le Pape, contre l’Église. Ne réagissons pas à ces déchainements par amour propre ou par souci de faire croire que nous sommes immaculés. Nous recevons les coups, mais notre attachement ne fléchit pas. Nous sommes faibles, mais nous puisons notre force dans le Seigneur. Nous sommes dénigrés mais notre grandeur est dans notre petitesse. Nous sommes moqués, livrés en pâture, mais nous tenons ferme l’évangile. Dieu est plus grand que nos cœurs humains, plus grand que nos faiblesses et que notre misère. Il veut aimer tous les hommes à travers nous.

Aujourd’hui, Il veut faire de vous les témoins de l’évangile du XXIe siècle. Il appelle aussi parmi vous les hommes qui devront devenir les prêtres de cette Église. Aujourd’hui, parmi vous, Il appelle les amis de son fils ! En avançant dans la cathédrale, nous pouvons répondre à cet appel et lui dire : « Seigneur tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ». Amen.

+André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris

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