Homélie de Mgr Laurent Ulrich – Journée diocésaine de la Vie consacrée

Samedi 11 juin 2022 – Saint-Honoré d’Eylau (16e)

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 Ac 11, 21b-26 ; 13, 1-3 - Ps 15 (16), 1-2a.5, 7-8, 9-10 - Mt 5, 33-37

L’Évangile de ce jour nous invite à une grande liberté intérieure quand nous sommes envoyés en mission, puisque ce qui fonde la vocation que nous avons reçue, que vous avez reçue, c’est justement cet appel, c’est cette liberté-même de Dieu qui choisit, qui appelle, qui bouleverse nos vies et qui en modifie bien souvent le cours.

Mais puisque Dieu se sent tout à fait libre de nous faire signe, de nous appeler, il nous demande aussi de répondre avec liberté, avec une liberté qui - bien sûr - doit être vérifiée et éprouvée. Et c’est pour cela qu’on se prépare à répondre à cette vocation qui nous est faite. Mais avec une liberté qui n’a jamais fini de se libérer de toutes les chaînes qui peuvent enserrer une vie humaine, même quand elle a le désir de se donner.

Et donc la liberté de Dieu se manifeste à travers cette liberté que Jésus nous demande de préserver, d’augmenter, de cultiver dans notre propre existence. Non pas la liberté de faire n’importe quoi mais la liberté d’être nous-mêmes saisis chaque jour par cet appel qui se renouvelle. Voilà pourquoi nous sommes invités dans l’Évangile d’aujourd’hui à nous détacher d’un certain nombre de sécurités que nous croyons bien souvent nécessaires pour protéger, croyons-nous, notre vocation, pour protéger, croyons-nous, notre vie communautaire, pour protéger, croyons-nous, notre vie de prière. Il nous est demandé non pas de chercher d’abord à protéger, mais de chercher à faire grandir, de chercher à faire grandir la liberté en nous, faire de nous vraiment depuis le début de notre réponse jusqu’au terme de notre existence des personnes qui apprennent à être libres devant le Seigneur et devant les autres.

Pour le dire autrement, nous avons dans la première lecture le constat que l’appel se renouvelle. En effet nous voyons que Barnabé a déjà été appelé d’une certaine façon. Il a été appelé de telle sorte qu’il se sent envoyé en mission, il se sent déjà capable d’aider des communautés chrétiennes à grandir. Et il enseigne pendant une année puis il va chercher Paul – qu’il connaît et qu’il veut intégrer à ce ministère. Finalement c’est Paul qui va prédominer dans le duo ; prédominer dans notre image ; prédominer dans la mission. Mais tous les deux sont là dans cette même mission.

Et puis il y a un appel dans l’appel. Ils ont déjà fait quelque chose pour le Seigneur, ils se sont déjà dépensés sans compter pour aider cette communauté et ces communautés à vivre et devenir des communautés chrétiennes puisque c’est à Antioche que, pour la première fois, on donna aux disciples le nom de chrétiens : donc faire devenir cette communauté comme une communauté de disciples. Et puis il y a un appel dans l’appel, ils sont choisis : « mettez-les à part, pour la mission que je leur destine à eux particulièrement ». Voilà comment nous repérons que l’appel n’est pas un appel lancé une fois pour toutes, mais un appel qui est quotidien dans la vocation à laquelle vous avez répondu et à laquelle vous répondez. Il y a sans cesse des appels nouveaux qui se font et qui demandent d’être à la fois libres comme nous y invite l’Évangile et à la fois disponibles à entendre ce que le Seigneur veut faire de nous jour après jour, même si l’extérieur de notre existence ne semble pas changé. La consécration à laquelle vous avez, nous avons consenti demeure la même mais l’ouverture est modifiée en fonction des évènements, des besoins de l’Église, des besoins des hommes et des femmes à qui notre vie est consacrée de la part du Seigneur.

Dans le monde d’aujourd’hui il semble en effet qu’il soit nécessaire de percevoir d’une façon nouvelle cette liberté de Dieu qui appelle. Si nous sentons que les vocations à la vie consacrée et toutes les vocations chrétiennes sont quelquefois perçues comme difficiles dans le monde d’aujourd’hui, difficiles à percevoir, difficiles à entendre, difficiles à comprendre, difficiles à réaliser - s’engager pour la vie - et bien c’est de cette liberté-là de Dieu au milieu de notre monde qu’il nous faut reprendre conscience. Dieu ne cesse d’être libre à notre égard. Peut-être nous demande-t-il de faire autrement les choses qui nous sont demandées ! Peut-être nous demande-t-il de regarder autrement notre propre vie ! Je pense que cette matinée vous a ouverts sur quelques-unes de ces conditions nouvelles. Apprendre à être libre, apprendre à témoigner de la liberté de Dieu qui ne cesse de nous appeler, jour après jour : voilà probablement le vrai programme devant lequel nous sommes. Comme je l’ai dit et je le redirai tout à l’heure, ce n’est pas tout à fait un programme bien prévisible, ce n’est pas une action de nature politique ou organisationnelle dans la vie de la société, mais c’est une attitude, une façon d’être qui traduit la liberté que Dieu a eue et a tous les jours de nous appeler pour que nous soyons ce signe ou l’un de ces signes de cette grande liberté qu’il a de nous aimer et de vouloir que son amour atteigne tout homme et toute femme. C’est pour cela que ce matin nous sommes réunis, que nous avons écouté sa parole, que nous nous mettons à sa disposition et que nous savons qu’il offre lui-même en Jésus-Christ sa vie pour tous.

Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris.

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