Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Appel décisif des catéchumènes adultes à Saint-Sulpice

Samedi 25 février 2023 - Saint-Sulpice (6e)

Appel décisif des catéchumènes adultes à 10h et 15h.

Voir l’album-photos de l’appel décisif.

- 1 Col 3,12-17 ; Ps 24 ; Lc 19, 1-10
D’après transcription

C’est un moment d’émotion, certainement, pour vous, frères et sœurs, qui vous présentez pour les sacrements de l’initiation dans l’Église. Je suis sûr aussi que c’est un moment d’émotion pour vous qui les accompagnez, prêtres, diacres, laïcs, au service de cette démarche si importante et qui transforme tellement la vie de notre Église depuis quelques dizaines d’années.

Nous venons d’entendre cet évangile magnifique tiré de saint Luc, cette histoire si connue pour les chrétiens habitués, et qui vous deviendra, à vous qui demandez le baptême, l’eucharistie, la confirmation, familière aussi. Voici un homme qui n’est pas bien considéré. Un homme qui est mal vu des autres. Cet homme est probablement enfermé dans ses propres calculs, dans son métier, et davantage que son métier, dans sa recherche, dit-on, du gain pour lui-même, recherche d’un gain âprement conservé, défendu. Mais voici que cet homme, quand même, manifeste quelque ouverture d’esprit déjà, de cœur probablement, pour sortir un peu de chez lui, sortir de ses habitudes, sortir de ce qui l’enferme dans un quant-à-soi. Et puis voici Jésus, Jésus ne marche jamais seul, sauf quand il se retire pour aller prier, mais là il n’est pas seul non plus. Voici Jésus qui entre à Jéricho, c’est une ville peut-être comme une autre sauf qu’elle cumule aussi, autant que Zachée, une certaine mauvaise réputation à cause de sa situation géographique certainement, assez difficile à vivre, 400 m au-dessous du niveau de la mer. Elle est souvent considérée comme le lieu du péché, le lieu du mal. Voici donc Jésus qui arrive à Jéricho avec une petite troupe autour de Lui, et probablement des gens qui, parmi ses disciples, parmi ses apôtres aussi probablement, sont en train de le prévenir de ce qui va arriver quand il va arriver dans cette ville. De lui dire : tu arrives ici, ce n’est pas une ville bien formidable, et puis probablement ajoutant quelques commentaires acides sur quelques personnes de cette ville, mettant en garde Jésus et lui disant : surtout tâche d’éviter de rencontrer untel et untel, dont Zachée. Et voici que justement, Jésus le voit. Voici que justement Jésus le repère et comprend de qui il s’agit. Improbable rencontre ! Avec une surprise encore plus grande, c’est que Jésus veut aller demeurer chez lui. Et donc l’improbable rencontre se transforme en bonne nouvelle. Voilà que Jésus, dont j’ai entendu parler, que je n’arrive pas à voir parce que je suis trop petit - et puis parce que probablement la foule fait tout pour que je ne le vois pas puisque je suis mal considéré et que je ne suis normalement pas fait pour le rencontrer -, veut voir Zachée et aller chez lui. Bonne nouvelle qui remplit le cœur – c’est pour cela que je disais que Zachée était un homme qui tâchait d’avoir l’esprit un peu ouvert sur l’actualité, mais peut-être aussi le cœur. Le cœur de Zachée est capable de s’émouvoir, le cœur de Zachée est capable d’aimer, le cœur de Zachée est capable de voir Jésus comme celui qui vient lui rendre visite de façon inespérée dans sa vie. Et c’est la raison qui va faire chavirer Zachée, qui va ouvrir définitivement son cœur.

Comment faire pour bien accueillir cet homme qui n’a pas peur de venir chez un pécheur ? Comment faire sinon essayer de faire comme lui, essayer de l’écouter, essayer de changer quelque chose dans sa vie pour que sa vie ressemble davantage à celle de son hôte. Voilà ce que désire Zachée.

Pourquoi l’évangéliste raconte-t-il ceci ? Pour nous, pour chacun d’entre nous toujours. Il veut montrer comment on se transforme dans la vie par la rencontre de Jésus. Il veut montrer comment se fait ce changement intime dans la vie d’un homme, d’une femme. On part de la situation la plus caricaturale, un homme mal connu, de mauvaise réputation, qui va se transformer sous l’effet de l’amitié de Jésus pour lui. L’évangéliste ne nous prend pas tous pour des voleurs épouvantables. Il a choisi l’image de cet homme, une image forte et mauvaise, pour montrer cette transformation.

Alors essayez, en ayant éliminé peut-être ce péché-là, de regarder comment il s’est passé quelque chose comme cela dans votre vie ? Vous m’avez écrit chacun une très belle lettre, une lettre forte, à travers laquelle j’ai compris que vous aviez vécu cette transformation qui vous amène à ce jour. Vous avez cheminé dans la vie, jusqu’à présent, avec probablement le sentiment de quelque chose qui vous manquait, avec le sentiment que votre vie n’allait peut-être pas quelque part, que votre vie ne répondait à aucun appel qui vous dépasse, et un jour vous avez avancé et vous avez décidé de sortir de ce quant-à-soi. Pour certains cela a été long, cela peut prendre des années de se décider à aller frapper à la porte de l’Église, aller frapper à la porte du Christ. Pour certains c’est long parce qu’on ne voit pas clair, parce qu’on ne sait pas si c’est cela, parce qu’il faut faire une démarche, parce qu’il faut sortir de soi. On peut prendre du temps, en effet, cela n’est pas du temps perdu.

Je me souviens d’avoir plusieurs fois lu dans vos lettres, des personnes qui disent : mes parents n’ont pas voulu choisir pour moi de me faire baptiser ; me laissant choisir plus tard quand je serai devenu adulte. Pour les uns, vous dites : je regrette beaucoup, j’en veux à mes parents. Pour d’autres vous dites : finalement j’ai peut-être souffert de cela mais aujourd’hui je suis heureux d’avoir fait ce chemin dont je suis bien conscient vers le Christ. Les deux sont possibles, les deux chemins mais aussi la longueur du chemin. Tous les âges sont représentés parmi vous, à partir de l’âge adulte, et vous voyez quelle transformation s’est faite dans votre vie au moment où vous avez identifié que Jésus était Celui que vous aviez rencontré et que vous vouliez davantage connaître. Et vous avez vu que cette rencontre avec Jésus, improbable peut-être, comme pour Zachée, pas prévue, s’était transformée en bonne nouvelle pour vous, en joie permanente, en joie profonde. Et vous avez vu comment cette joie vous a demandé de changer quelque chose dans votre vie. Chacun, vous avez dit : Il faut que cette rencontre, et le fait que je sache que Jésus désormais est avec moi tous les jours, m’impose de changer quelque chose dans ma façon de vivre avec les autres, dans ma façon d’être peut-être trop dur à l’égard des autres, trop dur peut-être aussi à l’égard de moi-même ; dans une certaine façon d’accueillir les événements de la vie, avec plus de douceur, plus de compassion pour ceux qui souffrent, plus d’attention, une certaine façon d’écouter et de vouloir écouter davantage la Parole du Seigneur, de prendre du temps pour la rencontre avec Lui, dans le silence de la prière, ou dans la prière liturgique avec les autres. Vous avez vu que tous ces changements-là se sont opérés en vous et doivent se laisser confirmer, il faut les rendre plus forts ces changements, il faut tâcher d’y rester fidèles. Il faut les vivre jour après jour.

Voilà comment l’histoire de Zachée peut, aujourd’hui, nous instruire, nous faire comprendre le chemin qui se passe dans nos propres vies, quand nous savons que le Christ y demeure.

Nous rendons grâce au Seigneur de nous ouvrir les yeux, de nous permettre de l’approcher, d’être sûr qu’il est là, tous les jours, avec nous et qu’Il nous demande d’être fidèles à cette rencontre à travers des décisions que nous prenons devant Lui.

C’est ce que nous allons vivre maintenant dans la réponse à l’appel de votre nom, dans l’inscription de votre nom sur les livres de l’Église qui seront confiés à la prière des moines, des moniales, des consacrées, dans notre Église, jusqu’à ce que vienne le jour de votre baptême, et bien au-delà évidemment.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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