Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Célébration de la Divine Liturgie pour les 70 ans de fondation de la paroisse Greco-Catholique Roumaine

Dimanche 26 novembre 2023 - paroisse Greco-Catholique Roumaine (31 rue Michel Ange 75016, chez les Sœurs de Marie-Réparatrice)

- Col 3,12-16 ; Lc 18,18-27

C’est une joie pour moi d’être avec vous, aujourd’hui, à l’occasion de ce 70ème anniversaire de la présence de votre communauté à Paris. Je suis heureux d’être ici, comme Ordinaire des Orientaux en France car, en-dehors de ma charge d’archevêque de Paris, il m’arrive d’aller rejoindre les communautés orientales catholiques qui sont ici, non seulement dans le diocèse de Paris mais aussi dans d’autres diocèses en France. Et c’est à chaque fois pour moi une joie et un émerveillement de participer à cette prière qui est la vôtre et qui est la nôtre, même si l’ensemble du rite - dont vous avez l’habitude - je ne le connais pas parfaitement. Mais nous partageons ensemble, bien sûr, dans l’Église catholique - comme dans les autres Églises chrétiennes d’ailleurs - cette joie profonde d’écouter ensemble l’Évangile et les paroles des apôtres dans les lettres ou celles des prophètes dans l’Ancien Testament et de les commenter.

Aujourd’hui, nous avons ensemble entendu cette invitation, si belle et si profonde, de l’apôtre Paul aux Colossiens, aux chrétiens de la ville de Colosses. Il leur dit, dans la traduction que nous avons entendue tout à l’heure : « puisque vous avez été élus par Dieu », choisis par Dieu. Quel bonheur d’entendre que nous avons été choisis par Dieu, d’entendre que nous avons été choisis pour être témoins de son amour ! L’apôtre Paul dit qu’à cause de cela il nous faut pratiquer l’amour fraternel, un amour qui ne blesse pas, un amour qui pardonne, un amour qui établit la paix et l’unité. Ce n’est pas une simple sagesse. Cela n’est pas une simple manière de dire : « il vaut mieux s’entendre les uns avec les autres ». Cela réalise des communautés humaines meilleures, bien sûr, et c’est ce que cela signifie. Mais ce « puisque vous avez été choisis », cette belle nouvelle d’avoir été choisis par Dieu, indique que notre façon d’aimer les autres, de pratiquer avec eux la Miséricorde, le Pardon, de rechercher ensemble la paix, la concorde, l’unité… c’est notre réponse à l’amour de Dieu qui nous a choisis. C’est parce que Lui, en premier, est venu nous parler, à travers tout ce que nous connaissons de ce que nous appelons l’Ancien Testament, et à travers, surtout, la venue de Jésus au milieu de nous. C’est donc une réponse que nous apportons, une réponse à quelqu’un qui nous parle comme à des amis. C’est une réponse à quelqu’un qui s’approche de nous et nous tend la main en nous disant : si tu veux voici l’amitié dans laquelle je te tiens, toi, peuple de Dieu, et cette amitié tu vas y répondre, tu peux y répondre, tu cherches jour après jour à y répondre en honorant ceux qui sont avec toi, en construisant avec eux une communauté.

L’apôtre Paul continue en disant : « puisque vous êtes le corps du Christ ». Nous ne sommes pas simplement n’importe quelle communauté, nous sommes cette communauté-là, qui montre dans le monde où nous habitons, dans le monde où nous vivons, qui montre le Christ, le Christ toujours vivant qui se manifeste aux hommes de tant de façons, parfois dans une relation individuelle. Je suis en train de lire des lettres d’adultes qui demandent la confirmation dans l’Église latine. Des personnes qui ont entre 20 ans et plus de 80, qui jusqu’à présent n’avaient pas reçu cette confirmation pour des raisons diverses que je ne détaille pas. Et beaucoup me disent : un jour j’ai senti la présence du Christ en moi ; j’ai senti que le Christ ne m’oubliait pas, ne m’abandonnait pas. J’étais un peu perdu, je ne savais pas vers où aller, mais tout d’un coup sa présence m’a réconforté et transformé.

Mais le Christ s’adresse aussi à l’ensemble que nous sommes. Il le fait aussi de bien des façons par la parole de l’Évangile que nous entendons, par la communauté que nous formons, par l’eucharistie que nous célébrons, par les autres sacrements que nous recevons. Ainsi, nous grandissons et nous montrons qui nous sommes. Non pas simplement une société avec ses règles, avec sa constitution, mais le Corps visible du Christ dans le monde, dans notre société.

Et c’est heureux que nous ayons entendu cette lecture aujourd’hui. Nous fêtons votre présence depuis 70 ans, accueillis par l’un de mes prédécesseurs. Vous avez été accueillis ici parce que vous étiez, et vous êtes, les descendants de migrants qui sentaient qu’ils ne pouvaient plus vivre dans leur pays, dans votre pays, en liberté. Et arrivant ici, dans une rue voisine, accueillis dans une chapelle que vous connaissez bien, vous avez pu trouver la force de vous alimenter à la puissance même de Jésus qui habite en chacun d’entre nous et qui nous transforme. Mais aussi cette force à animer une résistance spirituelle à ce qui arrivait en Roumanie. Vous avez, à travers la communauté qui s’est installée ici, découvert combien la conception que nous avons de l’humanité qui est la nôtre, c’est en effet d’être des enfants de Dieu. Des enfants de Dieu reconnaissants, des enfants de Dieu qui savent qu’ils sont aimés, des enfants de Dieu qui savent qu’ils peuvent témoigner de cette dépendance à Dieu Notre Père, qu’ils peuvent se montrer comme des fils et des filles du Dieu qui aime tout homme, pas simplement ceux qui sont d’accord avec Lui, mais qui aime au-delà de toutes sortes de différences. Et étant présents ici, dans ce quartier de Paris, vous avez certainement accueillis ceux qui sont venus un peu plus tard, ceux qui avaient réussi à s’échapper pour tenir bon, tenir bon dans une résistance spirituelle, pour ne pas devenir simplement des victimes d’une idéologie qui monte les hommes les uns contre les autres, et veut faire de chacun un instrument à son service.

Vous avez vécu cela, fidèlement, et aujourd’hui, où les situations sont bien diverses, vous continuez d’être au-milieu de l’Église catholique, au milieu de l’Église qui est à Paris, au milieu de la présence d’autres orientaux catholiques qui sont, heureusement, à l’initiative de Rome et du Saint-Père, regroupés en France dans cet ordinariat, dans cette sorte de diocèse, où les orientaux peuvent se sentir accueillis, aidés, encouragés, à être ce qu’ils sont, à garder leur identité spirituelle de catholiques bien sûr, leur identité spirituelle de catholiques orientaux qui célèbrent comme vous le faites, mais à proximité et avec l’amitié des autres catholiques latins qui sont dans ce diocèse de Paris. Vous êtes dans la ville de Paris, en l’Église du diocèse de Paris, et ayant noué de bons liens avec la paroisse latine voisine, ayant de bons liens avec les autres catholiques, avec les autres chrétiens qui veulent témoigner de cet amour indicible, de cet amour extraordinaire de Dieu qui nous invite.

Bien sûr, le temps où vous étiez ici comme des migrants, ne sachant pas trop encore trouver leur place dans une société, dans une Église, est heureusement un temps un peu dépassé. Mais il continue d’arriver des personnes d’ailleurs dans notre pays, et si les combats spirituels ne sont plus les mêmes aujourd’hui, il demeure vrai qu’une communauté qui a été accueillie comme communauté de migration ne peut pas ignorer que d’autres, aujourd’hui encore, s’approchent de nous, venant d’autres pays, venant encore de Roumanie, venant de bien d’autres endroits. Et nous avons entendu la Parole de l’Évangile : Jésus qui répond à cet homme qui l’interroge pour savoir comment il va gagner la vie éternelle. C’est une belle question ; c’est une question qui reste pour nous une question vivante : observer ce que tu as observé c’était très bien, n’oublie pas les pauvres, n’oublie pas ceux qui sont dans la ville, dans la rue, dans nos proximités, tous ceux que nous croisons qui sont en difficulté pour vivre, en précarité.

Dans cette Église de Paris que j’apprends à connaître et que j’aime, je découvre tellement de capacité d’accueil des personnes en souffrance, en difficulté, en précarité, que je sais que ce dont nous sommes capables, ici à Paris, peut être vécu partout. Je sais que l’appel à être serviteurs des plus pauvres, des plus précaires, de ceux qui sont plus en difficultés, constitue la vraie vocation d’une communauté chrétienne.

Aussi je vous invite, en vous souvenant des origines de cette communauté qui est la vôtre, à être au milieu de l’Église des ferments d’attention à ceux qui sont les plus pauvres et qui attendent un amour de notre part qui soit une réponse à l’amour de Dieu, qui soit notre réponse aujourd’hui, dans les situations présentes, à ce que Dieu nous demande. Dans le respect pour tous ceux qui s’approchent, qui ont besoin de nous et qui ont le désir que leur dignité soit bien connue, reconnue et respectée.

Que le Seigneur nous aide à faire grandir en nos cœurs le désir d’aimer qu’il a lui-même introduit.

Béni soit Dieu.

+ Laurent Ulrich, archevêque de Paris
Ordinaire des Catholiques des Églises Orientales résidant en France

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